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30/01/2023 | FRANCE | N°21DA00490

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 30 janvier 2023, 21DA00490


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2021, et des mémoires enregistrés le 15 octobre 2021, le 24 janvier 2022 et le 4 avril 2022, la société Disbeau, représentée par Me Jean Courrech, demande à la cour :

1°) d'annuler le refus de permis de construire qui lui a été opposé le 29 janvier 2021 par le maire de Viry-Noureuil ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial d'émettre un avis favorable sur son projet dans les quatre mois de l'arrêt à intervenir ;

3°) d'enjoindre à la commune de Viry-N

oureuil de délivrer un permis de construire dans le mois à compter de l'avis favorable de la ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2021, et des mémoires enregistrés le 15 octobre 2021, le 24 janvier 2022 et le 4 avril 2022, la société Disbeau, représentée par Me Jean Courrech, demande à la cour :

1°) d'annuler le refus de permis de construire qui lui a été opposé le 29 janvier 2021 par le maire de Viry-Noureuil ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial d'émettre un avis favorable sur son projet dans les quatre mois de l'arrêt à intervenir ;

3°) d'enjoindre à la commune de Viry-Noureuil de délivrer un permis de construire dans le mois à compter de l'avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Elle soutient que :

- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est entaché d'erreur de fait ;

- cet avis est également entaché d'erreur de droit ;

- il est enfin entaché d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 4 mai 2021, la commune de Viry-Noureuil, représentée par Me Clotilde Gravier, conclut à ce que la cour statue ce que de droit sur la requête.

Par des mémoires, enregistrés le 4 octobre 2021 et le 30 mars 2022, la société Auchan hypermarché, représentée par Me Gwenaël Le Fouler, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Disbeau d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 10 janvier 2022, la Commission nationale d'aménagement commercial, représentée par sa présidente, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 31 mai 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code du commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- les observations de Me Bertrand Courrech, représentant la société Disbeau, de Me Elise Danzé représentant la société Auchan hypermarché et de Me Clotilde Gravier représentant la commune de Viry-Noureuil.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 juillet 2020, la société Disbeau a déposé auprès de la commune de Viry-Noureuil une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un point permanent, organisé pour l'accès en automobile, de retrait d'achats ou " drive " à l'enseigne " E. Leclerc " sur un terrain situé sur la zone d'activités des Terrages. La commission départementale d'aménagement commercial a émis, le 1er septembre 2020, un avis favorable au projet. La société Auchan hypermarché a formé un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial, qui a émis un avis défavorable le 15 décembre 2020. Par un arrêté du 29 janvier 2021, le maire de Viry-Noureuil a en conséquence refusé le permis de construire sollicité. La société Disbeau demande à la cour d'annuler cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 29 janvier 2021 :

2. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. Une modification du projet qui revêt un caractère substantiel, au sens de l'article L. 752-15 du même code, mais n'a pas d'effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 du présent code nécessite une nouvelle demande d'autorisation d'exploitation commerciale auprès de la commission départementale. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial a désormais le caractère d'un acte préparatoire à la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, seule décision susceptible de recours contentieux. La légalité de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial peut ainsi être contestée à l'occasion du recours contre le permis de construire valant refus d'autorisation commerciale.

En ce qui concerne l'erreur de fait :

4. Le deuxième motif de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial indique que l'hypermarché à l'enseigne " Leclerc " exploité par la société Disbeau à Beautor et comprenant également un drive est situé à 900 mètres du projet alors qu'en réalité il en est distant d'environ 11 kilomètres. Le rapport devant la Commission comporte également cette erreur. Il n'est pas établi que l'erreur matérielle ainsi commise, même si le mémoire de la société Disbeau devant la Commission nationale avait indiqué que le drive qu'elle exploitait à Beautor était situé à 12 minutes du projet, soit restée sans incidence sur l'appréciation portée par la Commission dès lors que l'avis qu'elle a émis a expressément invoqué la proximité entre les deux projets. Par suite, la société Disbeau est fondée à soutenir que l'avis de la Commission est entaché d'erreur de fait.

En ce qui concerne l'erreur de droit :

5 Aux termes de l'article L.752-6 du code de commerce dans sa version applicable : " I. L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération :/ 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : /a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. ".

6. Aux termes de l'article L. 152-7 du même code : " La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé. ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre de ces critères.

8. En l'espèce, le troisième motif de l'avis émis par la Commission nationale le 15 décembre 2020, qui déduit de la diminution de la population de la zone de chalandise et de la commune de Viry-Noureuil que " le projet de 9 pistes de ravitaillement apparaît surdimensionné, d'autant qu'il existe plusieurs drives aux alentours ", doit s'analyser comme ayant nécessairement pris en compte la densité de l'équipement commercial de la zone de chalandise, compte tenu des surfaces commerciales concurrentes déjà autorisées. La société Disbeau est donc fondée à soutenir que la Commission nationale d'aménagement commerciale a également commis une erreur de droit.

En ce qui concerne l'appréciation des critères de l'article L. 752-6 du code de commerce :

9. En premier lieu, le projet se situe dans la zone d'activités des Terrages qui compte déjà des surfaces commerciales et qui est contiguë à une zone commerciale identifiée dans le schéma de cohérence territoriale comme " pôle commercial périphérique d'importance ". Même s'il est situé à 1 600 mètres du centre de Viry-Noureuil, il contribue, en s'intégrant dans ce pôle commercial, à l'animation de la vie urbaine dans la zone de chalandise, contrairement à ce qu'a considéré la Commission nationale. Par ailleurs, le terrain du projet, s'il est provisoirement à usage agricole, se situe dans une zone d'activité classée en zone à urbaniser AU dans le plan local d'urbanisme.

10. En deuxième lieu, si le projet artificialise une partie du terrain de 7 400 mètres carrés, il comprend 46 % d'espaces verts. Il n'apparaît donc pas démesuré compte tenu de sa localisation, au regard tant de la consommation économe de l'espace que de l'imperméabilisation des sols, contrairement à ce qu'a retenu la Commission nationale d'aménagement commercial.

11. En troisième lieu, si le projet a l'aspect d'un entrepôt comme le souligne la Commission nationale, il est difficile pour un projet de ce type de répondre aux " codes de l'architecture locale " comme l'exige l'avis. Au contraire, la société pétitionnaire a cherché à favoriser l'insertion du projet au sein de la zone d'activité tant par la proportion des espaces verts sur la parcelle que par la végétalisation de la toiture.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Disbeau est fondée à soutenir que la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation en retenant que le projet soumis à son avis ne participerait pas à l'animation de la vie urbaine, qu'il générerait une imperméabilisation importante et un étalement urbain et que son insertion architecturale et paysagère était insatisfaisante.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Disbeau est fondée à soutenir que c'est à tort que la Commission nationale a émis, le 15 décembre 2020, un avis défavorable au projet et que le maire de Viry-Noureuil lui a refusé en conséquence le permis de construire sollicité en tant qu'il valait autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

14. La Commission nationale d'aménagement commercial ne s'est pas prononcée dans son avis du 15 décembre 2020 sur l'ensemble des critères mentionnés par l'article L. 752-6 du code de commerce. Par suite, l'annulation du permis de construire en tant qu'il vaut autorisation commerciale n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint à la Commission nationale de se prononcer favorablement, ni au maire de délivrer le permis sollicité. Il y a donc seulement lieu d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial et au maire de Viry-Noureuil de se prononcer à nouveau, dans le délai global de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Disbeau, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame la société Auchan hypermarché à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel le maire de Viry-Noureuil a refusé de délivrer un permis de construire à la société Disbeau est annulé.

Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial et au maire de Viry-Noureuil de se prononcer à nouveau sur la demande de la société Disbeau, dans le délai global de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de la société Auchan hypermarché présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Disbeau, à la société Auchan hypermarché, à la commune de Viry-Noureuil et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience publique du 5 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : D. PerrinLe président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet de l'Aisne et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chacun en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 21DA00490 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00490
Date de la décision : 30/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL LETANG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-30;21da00490 ?
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