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25/01/2023 | FRANCE | N°21DA00937

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 25 janvier 2023, 21DA00937


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de l'Eure a demandé au tribunal administratif de Rouen, par un déféré formé le 30 mars 2019, d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2020 par lequel le maire du Landin a délivré à M. C... A... et à Mme D... E... un permis de construire un maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section ZA n° 9 sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 2001238 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé le permis de construire délivré par le maire du Landin à M. A...

et Mme E....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 avril 2021...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de l'Eure a demandé au tribunal administratif de Rouen, par un déféré formé le 30 mars 2019, d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2020 par lequel le maire du Landin a délivré à M. C... A... et à Mme D... E... un permis de construire un maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section ZA n° 9 sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 2001238 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé le permis de construire délivré par le maire du Landin à M. A... et Mme E....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 avril 2021 et des mémoires enregistrés le 21 mars 2022 et le 21 septembre 2022, la commune du Landin, représentée par Me Pierre-Xavier Boyer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter le déféré du préfet de l'Eure ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le déféré préfectoral est irrecevable dès lors qu'il n'a pas été notifié dans les conditions prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- il est irrecevable dès lors qu'il est dirigé contre une décision purement confirmative ;

- le maire n'était pas lié par l'avis du préfet de l'Eure en raison de l'illégalité qui entachait cet avis ;

- le moyen tiré de l'incompétence du signataire est inopérant ;

- le moyen tiré de l'absence d'autorisation de détachement de terrain n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2022, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le déféré est recevable ;

- le maire était tenu de suivre l'avis conforme défavorable du préfet de l'Eure ;

- le projet de construction méconnaît l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ;

- la parcelle cadastrée ZA 9 n'a pas fait l'objet d'une autorisation régulière de détachement du terrain à bâtir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de l'Eure a demandé au tribunal administratif de Rouen, par un déféré formé le 30 mars 2019, d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2020 par lequel le maire du Landin a accordé à M. A... et Mme E... un permis de construire une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée section ZA n° 9 sur le territoire de cette commune. Par un jugement du 2 mars 2021, le tribunal administratif a annulé le permis de construire délivré à M. A... et Mme E.... La commune du Landin relève appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme :

En ce qui concerne la délivrance d'un permis de construire tacite :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. / Un décret en Conseil d'Etat précise les cas dans lesquels un permis tacite ne peut être acquis ". Aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / (...) / b) Permis de construire tacite (...) ". Aux termes de l'article R. 423-23 de ce code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) / b) Deux mois pour les demandes de permis (...) de construire portant sur une maison individuelle (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 174-1 du code de l'urbanisme : " Les plans d'occupation des sols qui n'ont pas été mis en forme de plan local d'urbanisme, en application du titre V du présent livre, au plus tard le 31 décembre 2015 sont caducs à compter de cette date, sous réserve des dispositions des articles L. 174-2 à L. 174-5. (...) ". Aux termes de l'article L. 422-5 du même code : " Lorsque le maire (...) est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par (...) un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ".

4. En l'espèce, le délai d'instruction de la demande de permis de construire présentée par M. A... et Mme E... était, eu égard à l'objet de leur projet, de deux mois en application de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme. Dès lors que leur projet ne relevait pas d'un des cas dans lesquels le silence gardé par l'autorité compétente sur une demande de permis de construire fait naître une décision implicite de rejet, le silence gardé par le maire du Landin sur leur demande présentée le 25 juillet 2019 a donné naissance le 25 septembre 2019 à une décision implicite d'acceptation en application des dispositions précitées des articles L. 424-2 et R. 424-1 du code de l'urbanisme.

5. Contrairement à ce que soutient le préfet de l'Eure, la circonstance qu'il a émis un avis conforme défavorable le 6 août 2019 sur le fondement de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, avant l'expiration du délai d'instruction mentionné ci-dessus, ne faisait pas obstacle, en l'absence de disposition expresse contraire, à ce qu'une décision implicite d'acceptation naisse dans les conditions prévues par les articles R. 424-1 et R. 423-23 du même code.

En ce qui concerne la délivrance d'un permis de construire exprès :

6. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 23 janvier 2020, le maire du Landin, après avoir visé la demande de permis de construire présentée le 25 juillet 2019 par M. A... et Mme E..., leur a délivré un nouveau permis portant sur le même terrain et le même projet que ceux pour lesquels un permis tacite leur avait été délivré dans les conditions exposées ci-dessus. Il ressort des termes mêmes de cet arrêté qu'il n'a pas pour objet de certifier la délivrance de ce permis tacite, mais de délivrer une nouvelle autorisation et qu'il ne constitue dès lors pas un certificat d'urbanisme au sens de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la recevabilité du déféré du préfet de l'Eure :

7. Il ressort des termes mêmes du déféré formé le 30 mars 2019 par le préfet de l'Eure devant le tribunal administratif de Rouen que ses conclusions tendent à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2020 du maire du Landin mentionné ci-dessus, et non à l'annulation du permis de construire tacite délivré antérieurement à M. A... et Mme E....

8. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet (...) à l'encontre (...) d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet (...) est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré (...). / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux ".

9. Alors que la commune du Landin soutient en défense que le déféré litigieux l n'a pas été notifié dans les conditions prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, et en dépit d'une mesure d'instruction diligentée par la cour sur cette fin de non-recevoir, le préfet de l'Eure s'est borné à justifier la notification de son recours gracieux auprès du maire du Landin contre l'arrêté du 23 janvier 2020 et la notification de son déféré contre un permis de construire délivré le 5 mars 2021 par le maire du Landin, sans établir avoir régulièrement notifié son déféré contre le permis de construire litigieux du 23 janvier 2020.

10. Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre fin de non-recevoir opposée par la commune du Landin, le déféré doit être regardé comme irrecevable.

11. Il suit de là que la commune du Landin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé le permis de construire délivré à M. A... et Mme E.... Il s'ensuit que ce jugement doit être annulé et que le déféré du préfet de l'Eure doit être rejeté comme irrecevable.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que réclame la commune du Landin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 2 mars 2021 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : Le déféré du préfet de l'Eure est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune du Landin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Landin, au préfet de l'Eure, à M. C... A... et à Mme D... E....

Délibéré après l'audience publique du 5 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé:

S. Eustache

Le président de la 1ère chambre,

Signé:

M. B...

La greffière,

Signé:

C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA00937 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00937
Date de la décision : 25/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : BOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-25;21da00937 ?
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