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24/01/2023 | FRANCE | N°21DA01656

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 24 janvier 2023, 21DA01656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association One Voice a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 15 mai 2019 par lequel la préfète de la Somme a autorisé la régulation du blaireau par la destruction de 1 500 individus sur l'ensemble du territoire du département pour la période du 22 juin au 15 septembre 2019.

Par une ordonnance n° 1902541 du 11 mai 2021, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et

un mémoire, enregistrés les 12 juillet 2021 et 13 octobre 2022, l'association One Voice, repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association One Voice a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 15 mai 2019 par lequel la préfète de la Somme a autorisé la régulation du blaireau par la destruction de 1 500 individus sur l'ensemble du territoire du département pour la période du 22 juin au 15 septembre 2019.

Par une ordonnance n° 1902541 du 11 mai 2021, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 juillet 2021 et 13 octobre 2022, l'association One Voice, représentée par Me Arielle Moreau, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Somme du 15 mai 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, elle dispose d'un intérêt à agir pour demander l'annulation de l'arrêté litigieux dès lors qu'elle est titulaire de l'agrément au titre de la protection de l'environnement à l'échelle nationale et que cet arrêté, par son objet, excède les seules circonstances locales de la Somme ;

- l'arrêté litigieux est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la note de présentation n'était pas suffisamment claire et détaillée sur le contexte et les objectifs poursuivis, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement, qu'il n'est pas établi que la préfète a pris en considération les observations et propositions du public comme le prévoit ces mêmes dispositions et que l'avis du président de la Fédération départementale des chasseurs n'a pas été sollicité en méconnaissance des dispositions de l'article L. 427-6 du code de l'environnement ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 427-6 du code de l'environnement en ce que, d'une part, il prescrit, pendant plusieurs mois et sur l'ensemble du département un nombre illimité de battues successives, jusqu'à ce que la destruction de 1 500 blaireaux soit atteinte alors que ce seuil est plus élevé que le total des destructions annuelles réalisées les années précédentes, d'autre part, il donne aux lieutenants de louveterie une véritable délégation de pouvoir non prévue par le texte et, enfin, la préfète ne s'est pas fondée sur la localisation des dégâts imputés aux blaireaux de la Somme pour sectoriser les destructions de blaireaux ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la préfète de la Somme n'établit pas la nécessité d'édicter son arrêté au vu des dégâts agricoles et des problèmes de sécurité publique qu'elle invoque pas plus qu'elle ne démontre l'importance des dégâts agricoles sur l'ensemble du territoire de la Somme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête de l'Association One Voice.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 10 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 novembre 2022 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère,

- et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 15 mai 2019, la préfète de la Somme a autorisé la régulation du blaireau par tir de nuit et piégeage sur l'ensemble du département pour la période du 22 juin au 15 septembre 2019 et a fixé le quota de destruction à 1 500 blaireaux. L'association One Voice a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif d'Amiens. Par une ordonnance du 11 mai 2021, le président de la 1ère chambre a rejeté cette demande. L'association One Voice relève appel de cette ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l'amélioration du cadre de vie, de la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, de l'urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d'une manière générale, oeuvrant principalement pour la protection de l'environnement, peuvent faire l'objet d'un agrément motivé de l'autorité administrative. / (...) / Ces associations sont dites "associations agréées de protection de l'environnement". / Cet agrément est attribué dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Il est valable pour une durée limitée et dans un cadre déterminé en tenant compte du territoire sur lequel l'association exerce effectivement les activités énoncées au premier alinéa. Il peut être renouvelé. Il peut être abrogé lorsque l'association ne satisfait plus aux conditions qui ont conduit à le délivrer. (...) ". Aux termes de l'article L. 141-2 de ce code : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. /Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 (...) justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément ". Ces dispositions reconnaissent une présomption d'intérêt à agir aux associations de protection de l'environnement titulaires d'un agrément délivré par l'autorité administrative pour contester certaines décisions administratives.

3. Le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté comme irrecevable la demande de l'association One Voice au motif qu'elle ne justifiait pas d'un intérêt à agir. Toutefois, selon ses statuts, l'association One Voice a notamment pour objet de " protéger et défendre les droits à la vie, à la liberté, au bien-être et au respect des animaux, de protéger et de défendre l'environnement, la nature, les espèces en voies de disparition et la défense d'une société n'engendrant pas la souffrance d'animaux, n'impliquant pas la mort de ces animaux ". Un tel objet se rattache ainsi à la protection de la nature et de l'environnement au sens de l'article L. 142-1 du code de l'environnement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'appelante est titulaire d'un agrément au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement depuis le 5 janvier 2019 et pour une durée de cinq ans, ainsi qu'il ressort de la liste publiée en annexe de l'arrêté du 31 mai 2021 portant publication de la liste des associations agréées au titre de la protection de l'environnement dans le cadre national. Elle justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour contester l'arrêté litigieux de la préfète de la Somme qui autorise la régulation du blaireau par tir de nuit et piégeage sur l'ensemble du département pour la période du 22 juin au 15 septembre 2019. Par suite, l'association One Voice est fondée à soutenir que c'est à tort que le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande dont il était saisi. Son ordonnance du 11 mai 2021 doit, dès lors, être annulée.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif d'Amiens pour qu'il statue à nouveau sur la demande de l'association One Voice.

Sur les dépens :

5. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées à ce titre par l'association One Voice doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'association One Voice présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1902541 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Amiens est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif d'Amiens pour qu'il soit statué sur la demande de l'association One Voice.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'association One Voice sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que celles présentées au titre des dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association One Voice et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie sera adressée au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2022.

La rapporteure,

Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin La greffière,

Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA01656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01656
Date de la décision : 24/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Sylvie Stefanczyk
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : SCP MOREAU - NASSAR - HAN-KWAN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-24;21da01656 ?
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