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12/01/2023 | FRANCE | N°22DA01316

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 12 janvier 2023, 22DA01316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les mises en demeure décernées les 2 septembre 2016 et 21 octobre 2019 par lesquelles le comptable du pôle de recouvrement spécialisé Seine-Maritime lui a réclamé le paiement, de la somme initiale de 40 873 euros, ramenée à la somme de 36 608 euros, correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2012 et 2013 et de prononcer la décharge de ces impositions.

Par une ordonnance n° 2000768 du 24 mars 2020, le président de la 1ère chambre du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les mises en demeure décernées les 2 septembre 2016 et 21 octobre 2019 par lesquelles le comptable du pôle de recouvrement spécialisé Seine-Maritime lui a réclamé le paiement, de la somme initiale de 40 873 euros, ramenée à la somme de 36 608 euros, correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2012 et 2013 et de prononcer la décharge de ces impositions.

Par une ordonnance n° 2000768 du 24 mars 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour avant renvoi :

Par une requête enregistrée le 27 mai 2020, M. E..., représenté par Me Chabert, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance n° 2000768 ;

2°) d'une part, d'annuler les mises en demeure tenant lieu de commandement de payer en vue du recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités y afférentes, d'autre part, de prononcer la décharge de ces impositions.

3°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat.

Il soutient que :

- sa demande n'a pu valablement être rejetée comme tardive alors qu'il était, au plan médical, dans l'impossibilité de présenter sa contestation dans les délais devant le tribunal ;

- le redressement à l'impôt sur le revenu en litige, qui résulte des bénéfices réalisés par la SAS MASA qui était en déficit au titre des années en cause, est de ce fait injustifié.

Par une ordonnance n°20DA00780 du 1er juillet 2020, le président de la 4ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. E....

Par une décision du 21 juin 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'ordonnance du président de la 4ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à la décharge des impositions et renvoyé l'affaire dans cette mesure à la Cour administrative d'appel de Douai.

Procédure devant la cour après renvoi :

Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté numérique et industrielle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la réclamation préalable était entachée de forclusion : il disposait en vertu de l'article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales d'un délai de réclamation expirant le 31 décembre 2018 dans la mesure où les rôles supplémentaires ont été mis en recouvrement le 30 juin 2016 ; les courriers des 23 décembre 2015 et 15 février 2016 ne sont pas des réclamations contentieuses adressées dans les délais ;

- les moyens de la requête de M. E... ne sont pas fondés.

Par un mémoire du 4 novembre 2022, M. E..., représenté par Me Chabert, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'une part, d'annuler les mises en demeure tenant lieu de commandement de payer en vue du recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités y afférentes, d'autre part, de prononcer la décharge de ces impositions.

Il soutient que :

- sa demande n'a pu valablement être rejetée comme tardive alors qu'il était, au plan médical, dans l'impossibilité de présenter sa contestation dans les délais devant le tribunal ;

- le redressement à l'impôt sur le revenu en litige, qui résulte des bénéfices réalisés par la société MASA qui était en déficit au titre des années en cause, est de ce fait injustifié ;

- les courriers des 23 décembre 2015 et 15 février 2016 sont des réclamations contentieuses au sens de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales.

Par une ordonnance du 14 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Missions d'Achats Stratégiques d'Activités (MASA), dont M. E... était le président jusqu'à la radiation de la société le 22 mai 2019, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de laquelle, en l'absence de présentation de toute comptabilité, le vérificateur a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires à partir des relevés bancaires de la société, obtenus par l'exercice du droit de communication. A l'issue de ce contrôle, le service vérificateur a estimé que la société MASA avait procédé à des distributions imposables entre les mains de M. E.... Ce dernier a donc été informé, par une proposition de rectification du 15 décembre 2015, du rehaussement de son revenu imposable, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à hauteur de la somme de 40 103 euros au titre de l'année 2012 et 15 422 euros au titre de l'année 2013. En conséquence l'administration l'a assujetti, en suivant la procédure de rectification contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de proposition de rectification au titre des années 2012 et 2013 assorties de la majoration de 10% prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. Les impositions correspondantes ont été mises en recouvrement le 30 juin 2016. M. E... a déposé une réclamation contre ces impositions le 6 août 2019 et par une décision du 14 août 2019, le service a rejeté la réclamation.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation (...). ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".

3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. La décision de rejet du 14 août 2019 notifiée le 22 août 2019 ne comportant pas l'indication des voies et délai de recours, cette notification n'a pas été de nature à faire courir le délai de recours prévu à l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales. La demande devant le tribunal administratif de Rouen ayant été enregistrée le 3 mars 2020, soit dans le délai d'un an à compter de la notification de la décision, la demande de M. E... tendant à la décharge des impositions supplémentaires en litige était recevable et ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande de décharge comme irrecevable au motif qu'elle était tardive. Par suite, l'ordonnance attaquée n° 2000768 du 24 mars 2020 doit être annulée en tant qu'elle rejette les conclusions à fins de décharge des impositions mises à la charge de M. E....

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de décharge présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

6. Aux termes de l'article R. 196-3 du Livre des procédures fiscales : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. " A ceux de l'article L. 169 du même livre : " Pour l'impôt sur le revenu, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. "

7. Lorsque l'administration procède à la réparation d'erreurs commises dans l'établissement des impositions et émet en conséquence des rôles supplémentaires, elle engage une procédure qui doit être regardée comme une procédure de reprise au sens des dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales. Le point de départ de ce délai spécial de réclamation dont disposent les contribuables est constitué par la date de réception de la proposition de rectification. Ce délai spécial de réclamation dont disposent les contribuables qui ont fait l'objet d'une procédure de reprise est égal à celui fixé à l'administration pour établir l'impôt. Compte tenu du délai général de reprise de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales en matière d'impôt sur le revenu, le délai spécial de réclamation expire donc le 31 décembre de la troisième année suivant celle où les rectifications ont été notifiées.

8. En l'espèce, les rectifications ont été notifiées à M. E... par une proposition de rectification du 15 décembre 2015 notifiée le 17 décembre 2015. Ce dernier disposait donc d'un délai de trois ans pour contester les impositions supplémentaires qui a expiré le 31 décembre 2018. Toutefois, les courriers des 23 décembre 2015 et 15 février 2016 intitulés " refus de la proposition de rectification " et adressés avant la mise en recouvrement des impositions supplémentaires le 30 juin 2016 ne peuvent être regardés comme des réclamations contentieuses au sens de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales. Reste sans incidence à cet égard la circonstance que M. E... aurait été malade et dans l'impossibilité de déposer une réclamation auprès de l'administration dans les délais impartis par le livre des procédures fiscales. Par suite, la réclamation adressée par M. E... le 6 août 2019 était tardive et c'est à bon droit que l'administration l'a rejetée. Par suite, ce dernier n'est pas fondé à demander la décharge des impositions supplémentaires en litige.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2000768 du 24 mars 2020 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rouen est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions à fins de décharge des impositions mises à la charge de M. E....

Article 2 : La demande de décharge et les conclusions d'appel de M. E... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur général chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 15 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. D... C..., premier-conseiller,

- M. G... A..., premier-conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023.

Le président, rapporteur,

Signé : M. F...Le conseiller le plus ancien,

Signé : B. Baillard

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°22DA01316 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01316
Date de la décision : 12/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Sauveplane
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CHABERT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-12;22da01316 ?
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