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10/01/2023 | FRANCE | N°21DA02924

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 10 janvier 2023, 21DA02924


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille a refusé de retirer de son dossier administratif la décision du 20 novembre 2018, d'annuler l'avertissement infligé par la décision du 14 juin 2018, de condamner son employeur à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis et de lui enjoindre de retirer la lettre du 20 novembre 2018 de son dos

sier administratif, de le rétablir dans ses fonctions d'encadrement de sta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille a refusé de retirer de son dossier administratif la décision du 20 novembre 2018, d'annuler l'avertissement infligé par la décision du 14 juin 2018, de condamner son employeur à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis et de lui enjoindre de retirer la lettre du 20 novembre 2018 de son dossier administratif, de le rétablir dans ses fonctions d'encadrement de stagiaires et de lui permettre de participer aux réunions et conférences professionnelles nationales et internationales et d'afficher le dispositif du jugement à intervenir sur le tableau d'information des services de l'unité médico-psychologique régionale d'Annœullin et de l'unité régionale de soins auprès des auteurs de violence sexuelle.

Par un jugement n° 1904089 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision implicite refusant de retirer du dossier administratif de M. B... la décision du 20 novembre 2018, a enjoint au centre hospitalier régional universitaire de Lille de retirer de son dossier administratif la décision du 20 novembre 2018 dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'intéressé.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 décembre 2021, 13 juillet, 5 septembre et 4 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Stéphane Robillart, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement ayant rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

2°) de rejeter les conclusions d'appel incident formées par le centre hospitalier régional universitaire de Lille ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier régional universitaire de Lille d'afficher le dispositif du jugement et celui de l'arrêt à intervenir sur le tableau d'information des services de l'unité médico-psychologique régionale d'Annœullin et de l'unité régionale de soins auprès des auteurs de violence sexuelle ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au centre hospitalier régional universitaire de Lille de prononcer, à l'occasion de sa reprise de fonction, un discours de réhabilitation de son honneur et de son honorabilité en présence de toutes les personnes impliquées directement ou indirectement dans les faits ayant donné lieu à la sanction annulée et de celles avec qui il aura des relations professionnelles et fonctionnelles à l'avenir ;

5°) d'enjoindre au centre hospitalier régional universitaire de Lille de retirer de son dossier administratif les décisions et pièces qui constituent le support, les suites ou les conséquences nécessaires de la décision du 20 novembre 2018 ainsi que les pièces qui y font référence ;

6°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'appel incident du CHRU de Lille est irrecevable dès lors qu'il soulève un litige distinct de celui de l'appel principal qui se borne à contester le jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'injonction et, plus précisément, celles tendant à l'affichage du dispositif du jugement sur un tableau d'information ;

- le caractère illégal de la sanction du 20 novembre 2018 et l'annulation de la décision refusant de la retirer de son dossier administratif justifiaient l'affichage du dispositif du jugement sur le tableau d'information des services de l'unité médico-psychologique régionale d'Annœullin et de l'unité régionale de soins auprès des auteurs de violence sexuelle.

Par des mémoires, enregistrés les 24 juin, 1er août et 28 septembre 2022, le centre hospitalier régional universitaire de Lille, représenté par Me Jean-François Ségard, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 du jugement du 28 octobre 2021 ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions de l'appelant tendant à ce que la cour enjoigne au CHRU de Lille de procéder à sa réhabilitation par un discours sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables, il en est de même des conclusions tendant à ce que la cour enjoigne au CHRU de Lille de retirer de son dossier administratif les décisions et pièces qui constituent le support, les suites ou les conséquences nécessaires de la décision du 20 novembre 2018 ainsi que les pièces qui y font référence ;

- les premiers juges n'étaient pas saisis de la légalité de la décision du 20 novembre 2018, mais seulement de la décision refusant de la retirer du dossier administratif de l'intéressé ;

- la lettre du 20 novembre 2018 est une pièce ne présentant pas le caractère d'une sanction administrative, elle intéresse la situation administrative du fonctionnaire et peut, dès lors, figurer à son dossier conformément à l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983.

Par une ordonnance du 12 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Me Stéphane Robillart, pour M. B... et de Me Justine Chochois, pour le centre hospitalier universitaire régional de Lille.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., psychologue au sein du service médico-psychologique régional d'Annœullin et de l'unité régionale des soins auprès des auteurs de violence sexuelle du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la lettre du directeur délégué du pôle de psychiatrie, de médecine légale et de médecine en milieu pénitentiaire de cet établissement en date du 14 juin 2018 et, d'autre part, la décision implicite par laquelle le directeur général du même établissement a refusé de retirer de son dossier administratif la lettre du 20 novembre 2018, et de condamner l'établissement à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis. Par le jugement attaqué du 28 octobre 2021, le tribunal a annulé la décision implicite refusant de retirer de son dossier administratif la décision du 20 novembre 2018, a enjoint au centre hospitalier régional universitaire de Lille de retirer cette décision de son dossier administratif et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

2. M. B... relève appel de ce jugement en tant seulement que le tribunal n'a pas fait droit à sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à son employeur d'afficher le dispositif du jugement à intervenir sur le tableau d'information des services de l'unité médico-psychologique régionale d'Annœullin et de l'unité régionale de soins auprès des auteurs de violence sexuelle. Le CHRU de Lille demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du même jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation de la décision refusant de retirer la lettre du 20 novembre 2018 du dossier administratif de l'intéressé, lui a enjoint de procéder à ce retrait dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et l'a condamné à verser à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions du CHRU de Lille tendant à l'annulation des articles 1er, 2 et 3 du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupe : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme ; / Deuxième groupe : / La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / Troisième groupe : / La rétrogradation, l'exclusions temporaire de fonction pour une durée de trois mois à deux ans ; Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation. / Parmi les sanctions du premier groupe, seul le blâme et l'exclusion temporaire de fonction sont inscrits au dossier du fonctionnaire. Ils sont effacés automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période ". Il résulte de ces dispositions que la sanction de l'avertissement ne peut pas être inscrite au dossier du fonctionnaire.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été reçu en entretien par son chef de pôle et le directeur délégué du pôle de psychiatrie, de médecine légale et de médecine en milieu pénitentiaire du CHRU de Lille le 29 mai 2018 et qu'il lui a été reproché, lors de cet entretien, un comportement inapproprié et des propos inconvenants et déplacés à l'égard de stagiaires. Par une lettre du 14 juin 2018, le directeur délégué a rendu compte de cet entretien en détaillant les faits reprochés et a alerté l'intéressé quant à leur degré de gravité. Le directeur délégué lui a également rappelé qu'il lui avait été demandé, lors de l'entretien, de ne pas participer à l'audition publique organisée les 14 et 15 juin 2018 par la fédération française des centres ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles, pour laquelle il était pressenti, d'interrompre immédiatement tout suivi de stagiaires, de ne plus encadrer de stagiaire momentanément dans l'intérêt du service et que la réitération de son comportement " constituerait une faute professionnelle susceptible de sanctions disciplinaires ". Par sa lettre du 20 décembre 2018, la directrice adjointe du CHRU de Lille a indiqué à M. B... que les réponses qu'il avait formulées à la suite du courrier du 14 juin 2018 démontraient qu'il ne se remettait pas suffisamment en question et que ses agissements inappropriés ne seraient plus tolérés à l'avenir. Elle lui a demandé de faire preuve d'un comportement professionnel exemplaire faute de quoi il s'exposerait à des poursuites disciplinaires. Elle l'a informé que ce courrier d'observation était versé à son dossier administratif.

5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le courrier du 20 novembre 2018, par l'autorité hiérarchique dont il émane, par les termes qu'il emploie et par sa finalité, doit être regardé comme présentant le caractère d'un avertissement, sanction disciplinaire du premier groupe. Il s'ensuit que cet avertissement ne pouvait pas être versé au dossier de M. B... en application de l'article 81 précité de la loi du 9 janvier 1986. Dès lors, la décision implicite par laquelle le CHRU de Lille a refusé de retirer cette sanction du dossier de l'intéressé est illégale.

6. Il résulte de ce qui précède que le CHRU de Lille n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision implicite et lui a enjoint de procéder au retrait de cet avertissement du dossier administratif de l'intéressé. Par suite, les conclusions d'appel incident présentées par le CHRU de Lille tendant à l'annulation des articles 1er, 2 et 3 du jugement du 28 octobre 2021 doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par M. B....

Sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".

8. S'agissant des conclusions à fin d'injonction rejetées par le tribunal, l'annulation de la décision implicite par laquelle le CHRU de Lille a refusé de retirer l'avertissement du 20 novembre 2018 du dossier administratif de M. B... n'implique pas qu'il soit enjoint à cet établissement d'afficher le dispositif du jugement du 28 octobre 2021 ou du présent arrêt sur le tableau d'information à l'attention des personnels des services de l'unité médico-psychologique régionale d'Annœullin et de l'unité régionale de soins auprès des auteurs de violence sexuelle dès lors qu'il n'appartient pas aux juridictions administratives d'ordonner des mesures particulières de publicité de leurs décisions. Les conclusions tendant, à titre principal, à ce que la cour ordonne cet affichage doivent donc être rejetées.

9. S'agissant des conclusions à fin d'injonction présentées devant la cour à titre subsidiaire, d'une part, l'annulation de la décision implicite de rejet n'implique pas davantage qu'il soit enjoint au CHRU de Lille de prononcer, à l'occasion de la reprise de fonction de M. B..., un discours de réhabilitation de son honneur et de son honorabilité en présence de toutes les personnes impliquées directement ou indirectement dans les faits ayant donné lieu à la sanction et de celles avec qui il aura des relations professionnelles et fonctionnelles à l'avenir, une telle injonction n'étant, au demeurant, pas au nombre de celles que le juge a le pouvoir de prononcer.

10. D'autre part, aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations du fonctionnaire, dans sa version alors en vigueur : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. / Il ne peut être fait état dans le dossier d'un fonctionnaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l'intéressé. Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi ". En vertu de l'article 11 de la même loi, le fonctionnaire a droit à ce que la collectivité qui l'emploie le protège de faits lui ayant été imputés de manière diffamatoire.

11. M. B... demande que la cour enjoigne au CHRU de Lille de retirer de son dossier toutes les pièces en relation avec l'avertissement du 20 novembre 2018, dont, notamment, un courriel du 22 mai 2018 évoquant les faits qui lui sont reprochés, des comptes rendus d'entretien réalisés à cette occasion et les témoignages écrits de stagiaires ayant été en relation avec l'appelant. Néanmoins, il ne résulte pas de l'instruction que ces documents présenteraient un caractère mensonger ou diffamatoire. Dès lors, l'administration pouvait classer ces pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé dans son dossier, ainsi que le prévoient les dispositions citées au point 10. Par suite, l'annulation de la décision implicite par laquelle le CHRU de Lille a refusé de retirer l'avertissement du 20 novembre 2018 n'implique pas qu'il soit enjoint à cet établissement de retirer du dossier de M. B... ces différents documents.

12. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par suite, l'appel principal présenté par M. B... doit être rejeté, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par le CHRU de Lille.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'une ou l'autre des parties une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées par le centre hospitalier régional universitaire de Lille sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier régional universitaire de Lille.

Délibéré après l'audience publique du 13 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA02924


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02924
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : SELARL ROBILLIART

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-10;21da02924 ?
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