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15/12/2022 | FRANCE | N°22DA00468

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 15 décembre 2022, 22DA00468


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1810915 du 18 septembre 2019, le tribunal administratif de Lille, sur requête de M. A... B..., a annulé la décision du 22 juin 2018 par laquelle le ministre de la justice lui avait infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix jours dont cinq jours fermes, et a rejeté le surplus de la requête.

Par un jugement n° 2104531 du 24 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille, saisi par M. B... d'une demande d'exécution du jugement du 18 septemb

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1810915 du 18 septembre 2019, le tribunal administratif de Lille, sur requête de M. A... B..., a annulé la décision du 22 juin 2018 par laquelle le ministre de la justice lui avait infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix jours dont cinq jours fermes, et a rejeté le surplus de la requête.

Par un jugement n° 2104531 du 24 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille, saisi par M. B... d'une demande d'exécution du jugement du 18 septembre 2019, a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à la réintégration juridique de M. B... à compter de la date à laquelle il avait été exclu temporairement de ses fonctions et pour la durée de cette exclusion temporaire, de le rétablir dans l'intégralité de ses droits à rémunération au cours des jours d'exclusion et de reconstituer sa carrière en conséquence, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a assorti cette injonction d'une astreinte de 50 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle le jugement aurait reçu exécution.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 février 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour d'annuler le jugement du n° 2104531 rendu le 24 décembre 2021 par le tribunal administratif de Lille, en tant qu'il lui a enjoint de rétablir M. B... dans l'intégralité de ses droits à rémunération correspondant à la durée de l'exclusion temporaire de fonctions illégale.

Il soutient que le tribunal administratif de Lille a entaché son jugement d'une irrégularité en lui enjoignant le versement de la rémunération de M. B... en l'absence de service fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2022, M. B..., représenté

par Me Perrez, demande à la cour :

- de confirmer le jugement d'exécution ;

- par la voie de l'appel incident, d'exécuter le jugement n° 1810915 du 18 septembre 2019 ;

- de liquider l'astreinte à concurrence de 4 050 euros ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement n° 1810915 n'a pas été exécuté car le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas modifié sa date de passage d'échelon ;

- l'inexécution du jugement doit donner lieu à la liquidation de l'astreinte fixée par le jugement n° 2104531.

Par une ordonnance du 20 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 juin 2022.

Par lettre du 15 novembre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident de M. B... qui soulèvent un litige distinct de l'appel principal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente-rapporteure,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Potterie pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 1801915 du 18 septembre 2019, devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 22 juin 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, avait infligé à M. B... une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix jours maximum dont cinq jours fermes, et a rejeté le surplus de la requête de M. B.... Par un jugement n° 2104531 du 24 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille, saisi par M. B... d'une demande d'exécution du jugement du 18 septembre 2019, a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à la réintégration juridique de M. B... à compter de la date à laquelle il avait été exclu temporairement de ses fonctions et pour la durée de cette exclusion temporaire, de le rétablir dans l'intégralité de ses droits à rémunération correspondant aux jours d'exclusion et de reconstituer sa carrière en conséquence, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Il a assorti cette injonction d'une astreinte de 50 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle le jugement aurait reçu exécution. Le garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel de ce jugement uniquement en tant qu'il lui a enjoint de rétablir M. B... dans l'intégralité de ses droits à rémunération concernant les jours d'exclusion temporaire de fonctions. M. B... demande à la cour, par la voie de l'appel incident, l'exécution du jugement n° 1810915 du 18 septembre 2019 et la liquidation à concurrence de 4 050 euros de l'astreinte prononcée par le jugement n° 2104531 du 24 décembre 2021.

Sur l'appel principal :

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement (...) dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". Lorsque le tribunal administratif est saisi d'une demande d'exécution d'une décision juridictionnelle sur le fondement de ces dispositions, il lui appartient de statuer sur cette demande en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.

3. En l'absence de service fait et alors que M. B... n'a pas présenté de demande indemnitaire, l'annulation de la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de dix jours dont cinq jours fermes n'impliquait pas qu'il soit enjoint au ministre de verser le montant de la rémunération non perçue par M. B.... Par suite, les premiers juges ont méconnu l'article L. 911-4 du code de justice administrative et l'article 1er du jugement qui enjoint au ministre de rétablir M. B... dans l'intégralité de ses droits à rémunération au cours de ses jours d'exclusion doit être annulé.

Sur l'appel incident :

4. En premier lieu, M. B... demande à la cour d'assurer la pleine exécution du jugement n° 1810915 du 18 septembre 2019 en enjoignant au garde des sceaux, ministre de la justice de modifier sa date de passage d'échelon. Toutefois, de telles conclusions qui portent sur les modalités de sa réintégration soulèvent un litige distinct de l'appel principal. Elles sont par suite irrecevables.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 911- 7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / (...) Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ". Aux termes de l'article R. 921-7 du même code : " A compter de la date d'effet de l'astreinte prononcée, même à l'encontre d'une personne privée, par le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, le président de la juridiction ou le magistrat qu'il désigne, après avoir accompli le cas échéant de nouvelles diligences, fait part à la formation de jugement concernée de l'état d'avancement de l'exécution de la décision. La formation de jugement statue sur la liquidation de l'astreinte. / Lorsqu'il est procédé à la liquidation de l'astreinte, copie du jugement ou de l'arrêt prononçant l'astreinte et de la décision qui la liquide est adressée au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière ".

6. M. B... demande à la cour de procéder à la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement n° 2104531 du 24 décembre 2021. Toutefois, le tribunal administratif est seul compétent pour liquider l'astreinte qu'il a prononcée dès lors qu'une telle demande se rattache à la même instance contentieuse que celle qui a été ouverte par la demande d'astreinte, dont elle est le prolongement procédural. Le tribunal administratif n'ayant pas été saisi d'une demande de liquidation d'astreinte, les conclusions présentées en ce sens devant la cour portent sur un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal et constituent des conclusions nouvelles en appel. De telles conclusions sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

7. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... doivent dès lors être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2104531 du 24 décembre 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de rétablir M. B... dans l'intégralité de ses droits à la rémunération correspondant aux jours d'exclusion.

Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées devant le tribunal administratif de Lille tendant au versement de sa rémunération correspondant aux jours d'exclusion et ses conclusions présentées devant la cour tendant à la modification de sa date de passage d'échelon et à la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement n° 2104531 du 24 décembre 2021 sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience publique du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

Le président-assesseur,

Signé : M. C...

La présidente de chambre,

présidente-rapporteure,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Flandrin

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

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N° 22DA00468

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00468
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : PERREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-12-15;22da00468 ?
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