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13/12/2022 | FRANCE | N°20DA01018

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 13 décembre 2022, 20DA01018


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la société de manutention et d'entreposage de grains (SMEG) a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de condamner l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) à lui verser la somme de 2 969 269,20 euros, augmentée des intérêts moratoires, au titre des loyers prévus par le marché d'entreposage de farines animales sur le site de Rogerville, signé le 24 janvier 2006 et modifié par un avenant notifié le 24 avril 2008, et,

d'autre part, de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 1 654 11...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la société de manutention et d'entreposage de grains (SMEG) a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de condamner l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) à lui verser la somme de 2 969 269,20 euros, augmentée des intérêts moratoires, au titre des loyers prévus par le marché d'entreposage de farines animales sur le site de Rogerville, signé le 24 janvier 2006 et modifié par un avenant notifié le 24 avril 2008, et, d'autre part, de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 1 654 116,30 euros, actualisée en application des clauses de l'avenant n° 2 au marché conclu entre cet établissement public et la société Carrard, pour la désinfection du site et augmentée des intérêts au taux légal, en contrepartie de l'inexécution par FranceAgriMer de ses obligations contractuelles.

Par un jugement n° 1404527-1503290 du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Rouen, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 16DA01606 du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la SMEG contre ce jugement.

Par une décision n° 427216 du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par la SMEG, annulé l'arrêt du 20 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Douai et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et une note en délibéré, enregistrés les 7 septembre 2016 et 7 novembre 2018, et des mémoires enregistrés après renvoi les 26 août 2021, 16 mars et 16 mai 2022, la SMEG, représentée par Me Jean-Daniel Chetrit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que, pour refuser de lui accorder la somme de 1 654 116,30 euros en contrepartie de l'absence de nettoyage et de désinfection complète du silo, le tribunal s'est fondé sur ce qu'en l'absence d'intention établie de réaffecter le silo au stockage de produits agro-alimentaires, le préjudice allégué ne présentait pas un caractère certain alors, d'une part, que le dommage consiste dans l'inexécution par FranceAgriMer d'une obligation contractuelle et peut être évalué au coût de remise en état résultant du marché passé à cet effet avec une entreprise tierce et, d'autre part, que son intention de réaffecter le silo au stockage de produits agro-alimentaires est établie ;

- c'est à tort que, pour refuser de lui accorder la somme de 2 969 269,20 euros au titre de rémunérations non versées, le tribunal s'est fondé sur ce que le marché du 24 janvier 2006 et son avenant du 24 avril 2008 ne prévoyaient le versement d'aucune indemnité postérieure au déstockage ;

- en l'absence de constat concordant entre les parties de la fin des opérations de désinfection et de nettoyage, l'attestation émise le 5 octobre 2010 par la direction départementale de la protection des populations (DDPP) attestant de la bonne fin des opérations de nettoyage et de désinfection n'a pu marquer le terme du marché dans les conditions prévues par l'article 6-2 de l'avenant du 24 avril 2008, de sorte qu'elle était fondée à continuer à émettre les factures mensuelles correspondant à la poursuite de l'exécution du contrat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2017, et des mémoires en défense enregistrés après renvoi les 27 septembre 2021 et 12 mai 2022, FranceAgriMer, représenté par Me Florence Alibert, conclut au rejet de la requête et, en outre, demande à la cour de mettre à la charge de la SMEG une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la convention en cause est entachée de nullité du fait de l'absence d'autorisation préalable délivrée par le Port autonome du Havre à la société SMEG en vue de l'utilisation du hangar aux fins d'entreposer des farines animales, de sorte qu'elle ne peut servir de fondement à une action en responsabilité contractuelle ;

- la demande de la SMEG tendant au paiement des loyers mensuels qu'elle prétend lui être dus au titre de la période postérieure à la cessation des relations contractuelles allant d'octobre 2010 à avril 2011 est devenue sans objet, le terme du marché étant dépassé ;

- la SMEG n'est pas recevable à invoquer sa responsabilité contractuelle car les relations contractuelles ont pris fin le 5 octobre 2010, date de délivrance par la DDPP du certificat attestant du bon achèvement des opérations de nettoyage et de désinfection ou, au plus tard, le 31 décembre 2010, date du terme du contrat prévu par l'avenant ;

- sa responsabilité extracontractuelle n'est pas engagée, en l'absence, d'une part, de tout fait ou faute qui lui serait imputable du fait des conditions de nettoyage et de désinfection du silo alors qu'elle a obtenu de la direction départementale de la protection des populations le certificat de bonne fin des opérations de nettoyage-désinfection et, d'autre part, d'un préjudice certain ;

- il ne résulte pas de la commune intention des parties qu'il se trouvait dans l'obligation de verser le loyer forfaitaire mensuel prévu au contrat ou une indemnisation au titre de l'immobilisation de l'entrepôt durant les opérations de déstockage :

- il n'était pas tenu à une obligation de résultat consistant à permettre à la société SMEG de réaffecter l'entrepôt au stockage de céréales destinées à la consommation humaine ;

- la SMEG ne justifie pas d'un préjudice certain ;

- il entend s'adjuger le bénéfice de ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 21 mars 2022, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 17 mai 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 178/202 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 ;

- le règlement (CE) n° 1774/2002 du Parlement européen et du Conseil du 3 octobre 2002 ;

- l'ordonnance n° 2009-325 du 25 mars 2009 ;

- le code des marchés publics ;

- le code rural ;

- le décret n° 2006-878 du 13 juillet 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, rapporteure,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Me Jean-Daniel Chetrit, représentant la SMEG et de Me Florence Alibert, représentant FranceAgriMer.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le contexte de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'Etat a passé avec la société de manutention et d'entreposage de grains (SMEG), au cours des années 2001 et 2002, plusieurs marchés par lesquels la société s'engageait à entreposer des farines animales, dans l'attente de leur élimination, sur le site qu'elle exploitait à Rogerville dans l'enceinte du Port autonome du Havre. Ces marchés ont été remplacés par un marché global, signé le 24 janvier 2006, comportant des prestations d'entreposage, de nettoyage et de désinfection du site. Par un courrier du 26 juin 2006, la direction départementale de services vétérinaires de la Seine-Maritime a informé la SMEG de ce que les farines animales entreposées, initialement considérées comme à " faible risque " et classées dans la " catégorie 3 " du règlement (CE) n° 1774/2002 du 3 octobre 2002 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine, comportaient des éléments désormais qualifiés de " matériels à risque spécifiés " relevant de la " catégorie 1 " du règlement, et lui a notifié l'arrêté du même jour modifiant en conséquence l'agrément qui lui avait été délivré sur le fondement de ce règlement. Le 24 avril 2008, l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions, dit " A... de l'élevage ", substitué à l'Etat en vertu du décret du 13 juillet 2006 pris pour l'application de l'article L. 226-8 du code rural, a notifié à la société SMEG un avenant ayant pour objet de " préciser les conditions pratiques et les délais d'exécution des prestations de manutention et de chargement des farines animales " et de " supprimer la prestation de nettoyage et de désinfection du site " confiée à une entreprise tierce. Le 5 octobre 2010, la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de Seine-Maritime a émis l'attestation certifiant la bonne fin des opérations de nettoyage et de désinfection prévue à l'article 6-2 de l'avenant. Estimant que cette prestation n'avait pas été régulièrement réalisée selon le protocole défini par l'Agence française de sécurité sanitaires (AFSSA) dans un avis du 1er mars 2006, la SMEG a facturé à FranceAgriMer, lui-même substitué à l'Office de l'élevage en vertu de l'ordonnance du 25 mars 2009 qui a procédé à la création de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer, des loyers d'un montant total de 2 969 269,20 euros au titre de la période d'octobre 2010 à avril 2011 du fait de l'indisponibilité de son site. Par une ordonnance en date du 29 novembre 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, saisi par la SMEG, a ordonné une expertise portant sur l'état du bâtiment de stockage. L'expert a déposé son rapport le 15 juin 2012. La SMEG a, par courrier en date du 24 décembre 2014, mis en demeure FranceAgriMer de procéder au nettoyage et à la désinfection du site, lequel a refusé le 4 mai 2015. Par courrier en date du 11 juin 2015, elle a alors demandé à FranceAgriMer de lui verser la somme de 1 654 116,30 euros correspondant au montant du marché de nettoyage et de désinfection, actualisée en fonction des stipulations de ce marché. Par un jugement du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes. Par un arrêt du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la SMEG contre ce jugement, estimant que le litige ne pouvait être réglé sur le terrain contractuel dès lors que l'absence d'autorisation de la SMEG d'occuper le domaine public maritime entachait d'illicéité la cause du contrat et que celle-ci n'avait pas présenté ses demandes sur le terrain quasi-contractuel de l'enrichissement sans cause ou sur le terrain quasi-délictuel. Par une décision en date du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la SMEG, a annulé cet arrêt au motif que la circonstance que le titulaire d'un contrat n'ayant pas pour objet l'occupation du domaine public mais dont le lieu de réalisation se situe sur une dépendance du domaine public ne dispose pas d'un titre l'autorisant à occuper cette dépendance n'a pas pour effet de rendre illicite le contenu du contrat et d'entacher ce dernier d'une irrégularité de nature à justifier que soit écartée, dans le cadre d'un litige entre les parties, l'application des stipulations contractuelles qui les lient, et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur les conclusions de FranceAgriMer aux fins de non-lieu :

2. En dépit du désaccord opposant les parties au marché sur la date de fin des relations contractuelles, les conclusions de la SMEG tendant au paiement de la somme de 2 969 269,20 euros n'avaient pas pour objet la poursuite des relations contractuelles après leur interruption par une décision unilatérale de l'administration contractante, mais le versement de sommes qu'elle estimait lui être dues par FranceAgriMer en contrepartie des prestations qu'elle lui avait fournies en exécution du marché du 24 janvier 2006 modifié par l'avenant du 24 avril 2008. Par suite, les conclusions présentées par FranceAgriMer en première instance et reprises en appel, tendant à ce que le tribunal constate qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande au motif que le marché était parvenu à son terme et avait été pleinement exécuté, doivent être rejetées.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions tendant au paiement des loyers d'un montant de 2 969 269,20 euros pour la période d'octobre 2010 à avril 2011 :

3. L'article 5.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché d'entreposage de farines animales en litige stipule que l'exécution du marché est composée de deux phases. La première phase inclut toute la durée du stockage des farines et prend fin à l'issue du déstockage complet du site et la seconde phase correspond aux opérations de nettoyage et de désinfection du site. Elle prend effet un jour franc après le constat de l'achèvement de la première phase du marché. Selon l'article 2, le marché prend fin le jour du constat de l'achèvement de la seconde phase du marché. L'article 3.2 prévoit que la mise à disposition des capacités de stockage et les prestations annexes portant sur la surveillance, la traçabilité, le contrôle des farines et le suivi administratif font l'objet d'un prix global forfaitaire mensuel et que le prix du nettoyage et de la désinfection du bâtiment fait l'objet d'un prix unitaire, fixé au mètre carré, incluant une indemnité due au titre de l'immobilisation du bâtiment pendant toute la durée de l'exécution de ces opérations.

4. L'article 5 de l'avenant du 24 avril 2018 stipule que les opérations de nettoyage et désinfection du bâtiment, qui n'incombent plus à la SMEG, feront l'objet d'un marché ultérieur qui sera passé par le pouvoir adjudicateur avec un tiers et que la SMEG doit faciliter les opérations de nettoyage et désinfection par des horaires adaptés et convenus avec le prestataire désigné par ce marché, s'engager à mettre à disposition de celui-ci les moyens nécessaires à la réalisation de ces opérations et renoncer à toute prétention financière pour la mise à disposition de ces moyens. L'article 6.2 prévoit que la fin des opérations de nettoyage et désinfection de l'entrepôt est constatée par un comité technique constitué par les représentants du pouvoir adjudicateur, les agents des services techniques compétents de l'Etat, en présence du prestataire chargé du nettoyage et de la désinfection et de la SMEG. Lorsque ce constat, qui doit faire l'objet d'un procès-verbal signé conjointement par la SMEG, le prestataire, les représentants du pouvoir adjudicateur et les agents des services techniques, est favorable, le directeur départemental des services vétérinaires doit remettre à la SMEG dans les meilleurs délais un certificat attestant de la bonne fin des opérations de nettoyage et désinfection et autorisant la réaffectation de l'entrepôt à d'autres usages au titre du règlement CE n° 1774/2002. L'entrepôt peut alors être utilisé à tout usage y compris le stockage de céréales sous réserve de la réglementation y afférente. Le marché se poursuit jusqu'à la remise de ce certificat. Enfin, l'article 8 précise que la SMEG renonce à demander une rémunération complémentaire ainsi qu'à toute réclamation ou prétention pour la modification des conditions d'exécution des prestations qui continuent de lui incomber ainsi qu'à " toute indemnité pour la suppression des prestations de nettoyage et désinfection (lesquelles devaient faire l'objet d'une rémunération initiale de 33 euros HT par m2 pour une superficie de 50 364 m²) ".

5. Il résulte des stipulations précitées que si le marché litigieux prévoyait initialement une rémunération de la SMEG pour les opérations de stockage, de manutention et de chargement des farines animales correspondant à la première phase du marché prenant fin à l'issue du déstockage complet du site et une rémunération pour les opérations de nettoyage et de désinfection du site, comprenant une indemnité d'immobilisation du bâtiment, qui correspondait à la seconde phase du marché, la société appelante, en signant l'avenant du 24 avril 2008 qui la déchargeait de l'exécution des prestations de nettoyage et de désinfection du site, a renoncé à percevoir toute rémunération en lien avec ces prestations, dont l'indemnité d'immobilisation incluse dans le prix unitaire de celles-ci. Si la SMEG soutient que la seconde phase du marché n'a pas pu prendre fin le 5 octobre 2010, date à laquelle le directeur départemental de la protection des populations (DDPP) de la Seine-Maritime a certifié, en application de l'article 6.2 de l'avenant, la bonne fin des opérations de nettoyage-désinfection de l'entrepôt et a indiqué que l'entrepôt pouvait désormais être utilisé pour tout usage y compris pour le stockage de céréales alors que les opérations de nettoyage et de désinfection effectuées n'étaient pas conformes aux prescriptions de l'AFSSA du 30 mars 2006, une telle circonstance est cependant sans incidence sur les loyers devant être versés à la SMEG au titre de la mise à disposition du site pour l'entreposage de farine animale correspondant à la première phase du marché dont il n'est pas contesté qu'elle a pris fin à l'issue du déstockage complet du site. Dès lors, les conclusions présentées par la SMEG tendant à la condamnation de FranceAgriMer à lui verser la somme de 2 169 269,20 euros au titre des loyers qu'elle estime lui être dus pour la période d'octobre 2010 à avril 2011 doivent être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions tendant au paiement d'une indemnité de 1 654 116,30 euros résultant de l'échec des opérations de nettoyage et de désinfection du bâtiment :

6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise en date du 15 juin 2012, que les prestations de nettoyage et désinfection du bâtiment situé à Rogerville, confiées par un marché conclu 16 février 2009 à la société Carrard et qui ont été exécutées entre mai et août 2010, n'ont pas respecté le cahier des charges. L'expert a ainsi relevé que les différentes opérations de nettoyage avaient été très insuffisantes et que la désinfection avait été inopérante dès lors que la présence de constituants dérivés d'animaux terrestres, tels que des fragments d'os et de fibres musculaires, avait été constatée dans les prélèvements effectués sur des sites sur lesquels les farines étaient entreposées, ce qui entraînait l'impossibilité d'une utilisation des locaux pour un stockage de céréales ou de tout autre produit destiné à la consommation humaine. Or, dès lors que, d'une part, l'article 5 de l'avenant du 24 avril 2008 stipule que le nettoyage et la désinfection doivent porter sur les immeubles et biens immobiliers du site qui ont besoin d'être nettoyés et/ou désinfectés pour être à nouveau utilisés pour le stockage de céréales sur ce site ou un autre dont l'administration compétente validera la liste et que l'article 6.2 prévoit qu'à l'issue des prestations de nettoyage et de désinfection, l'entrepôt de la SMEG doit pouvoir être utilisé à tout usage y compris le stockage des céréales sous réserve du respect de la réglementation environnementale y afférente et que, d'autre part, le certificat délivré le 5 octobre 2010 par le DDPP de la Seine-Maritime certifiant la bonne fin des opérations de nettoyage-désinfection mentionne que l'entrepôt de la SMEG peut être utilisé à tout usage, y compris pour le stockage de céréales sous réserve du respect du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, FranceAgriMer, en ne restituant pas à la société SMEG, à l'issue des opérations de nettoyage et de désinfection auxquelles il avait fait procéder un bâtiment pouvant être utilisé pour le stockage de denrées agroalimentaires destinées à la consommation humaine, a manqué à ses obligations fixées à l'article 6.2 de l'avenant, alors même que ces opérations de nettoyage et de désinfection avaient fait l'objet d'une approbation du DDPP.

7. La SMEG fait valoir qu'elle subit, en raison de l'échec des opérations de nettoyage et de désinfection du bâtiment et du refus que lui a opposé FranceAgriMer le 4 mai 2015 de reprendre entièrement la procédure de nettoyage désinfection validée par l'AFSSA, un préjudice lié à la restitution d'un bâtiment ne permettant pas le stockage de céréales ou de produits agroalimentaires, qu'elle évalue à la somme de 1 654 116,30 euros correspondant au montant du marché de nettoyage-désinfection conclu entre FranceAgriMer et la société Carrard services. Cependant, l'intéressée ne justifie pas de sa volonté d'utiliser le bâtiment à de telles fins de stockage dès lors qu'elle a indiqué, par courrier du 21 mai 2013, au préfet de la Seine-Maritime, à la suite de la transmission de son dossier de cessation d'activité de stockage de farines animales sur le site de Rogerville, qu'elle excluait les activités de stockage et manutention de produits en vrac agroalimentaires destinés à la consommation humaine de l'usage du futur site, lequel était incompatible avec un tel stockage, et que ce site allait désormais être consacré à des activités de réception, stockage et broyage de clinker pour la fabrication de ciment, à une activité de stockage de ciment en silos et une activité de combustion de biomasse pour la production d'énergie électrique et de stockage de biomasse associé à la production d'énergie par combustion. Si la société SMEG fait valoir que cette nouvelle activité commerciale ne concerne que la moitié du bâtiment, elle ne l'établit pas alors que l'enquête publique précédant l'arrêté du préfet de la région Normandie du 3 février 2015 autorisant un groupement européen d'intérêt économique constitué de plusieurs sociétés, dont l'appelante, à exercer sur l'entrepôt en question des activités liées à la cimenteries et à la production d'énergie électrique, a mis en évidence qu'une moitié du bâtiment était dédiée au stockage de la biomasse et l'autre moitié au stockage de clinker et d'autres liants hydrauliques. Par ailleurs, l'appelante n'allègue ni n'établit que son activité commerciale actuelle serait moins rémunératrice que l'activité de stockage de denrées agro-alimentaires. Au surplus, il est constant qu'elle n'a pas procédé elle-même à ces opérations de nettoyage et de désinfection du site ou confié de telles prestations à une entreprise tierce. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le préjudice de la SMEG ne présente pas un caractère certain. Dès lors, les conclusions de l'intéressée tendant à la condamnation de FranceAgriMer à lui verser la somme de 1 654 116,30 euros doivent être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par FranceAgriMer, que la SMEG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de FranceAgriMer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SMEG demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'appelante une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par FranceAgriMer, et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société de manutention et d'entreposage de grains (SMEG) est rejetée.

Article 2 : La société de manutention et d'entreposage de grains (SMEG) versera à FranceAgriMer une somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société de manutention et d'entreposage de grains (SMEG) et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).

Délibéré après l'audience publique du 29 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.

La rapporteure,

Signé : S. StefanczykLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°20DA01018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01018
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: Mme Sylvie Stefanczyk
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : CABINET TAITHE PANASSAC ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-12-13;20da01018 ?
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