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08/12/2022 | FRANCE | N°22DA01430

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 08 décembre 2022, 22DA01430


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2022, la société WP France 20, représentée par Me Paul Elfassi, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète de la Somme a rejeté son recours gracieux formé contre l'arrêté du 10 janvier 2022 portant refus d'une autorisation environnementale concernant un projet de parc éolien sur le territoire des communes d'Aumâtre et de Frettecuisse ;

2°) de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée ;

3°) à défaut, d'enjoindre à l'autorité ad

ministrative de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, dans un dé...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2022, la société WP France 20, représentée par Me Paul Elfassi, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète de la Somme a rejeté son recours gracieux formé contre l'arrêté du 10 janvier 2022 portant refus d'une autorisation environnementale concernant un projet de parc éolien sur le territoire des communes d'Aumâtre et de Frettecuisse ;

2°) de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée ;

3°) à défaut, d'enjoindre à l'autorité administrative de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la motivation de l'arrêté est insuffisante ;

- le refus d'autorisation environnementale est entaché d'erreur de droit ;

- il est également entaché d'erreur d'appréciation.

Par une ordonnance du 19 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2022 à 12 heures.

Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a produit un mémoire enregistré le 22 novembre 2022 à 20H13, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, rapporteur,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Aline Durand, représentant la société WP France 20.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. La société WP France 20 a déposé, le 14 novembre 2016, une demande d'autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur les territoires des communes d'Aumâtre et de Frettecuisse. Par un arrêté du 10 janvier 2022, la préfète de la Somme a refusé de délivrer cette autorisation. La société WP France 20 a formé un recours gracieux, le 4 mars 2022, contre cet arrêté. En l'absence de réponse, elle demande à la cour l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

2. D'une part, aux termes de l'article L 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".

3. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

En ce qui concerne les photomontages produits par la pétitionnaire :

4. Si la préfète de la Somme a indiqué dans son arrêté que la société WP France 20 n'avait pas répondu au point n°13 de son " relevé des insuffisances " établi en mars 2020 et ainsi rédigé : " Il est demandé sur tous les photomontages de faire apparaître les éoliennes face à l'observateur ", la pétitionnaire a versé au dossier des photomontages complémentaires illustrant certains points de vue avec cette orientation et il résulte de l'instruction que l'ensemble des photomontages qu'elle a produits permettait de rendre compte de manière sincère de l'impact du projet.

En ce qui concerne la qualité du site :

5. Le site d'implantation du projet se situe au sein du plateau agricole du Vimeu, dans une zone composée de champs ouverts de grande culture. Même si cet emplacement est relativement vallonné, si les éoliennes projetées encadrent un bois et si l'environnement proche comprend de nombreux monuments historiques, ce site ne fait l'objet d'aucune protection particulière et ne présente pas d'intérêt paysager particulier.

En ce qui concerne l'atteinte aux monuments historiques :

S'agissant de l'atteinte à l'église d'Aumâtre :

6. Il résulte de l'instruction que le parc projeté, masqué par des éléments boisés présents au centre du village, n'est pas visible face à l'église. Si, à l'est de l'église, une éolienne est visible au-dessus d'un hameau pavillonnaire, cette éolienne située à plus de 1 500 mètres du centre du village n'apparaît que dans le lointain et est partiellement masquée par le bâti existant. La société a par ailleurs proposé d'occulter plus fortement cette vision par la plantation d'arbres fruitiers, sachant que la variante retenue parmi l'ensemble des sites d'implantation envisagés est celle qui minimise les impacts sur les paysages environnants. Dans ces conditions, le projet, qui ne domine pas le clocher de l'église, contrairement à ce qu'indique la préfète dans son arrêté, n'a pas un impact significatif sur l'église inscrite au titre des monuments historiques.

S'agissant de l'atteinte au château de Sélincourt :

7. Si les éoliennes du projet sont visibles tant depuis le promenoir dans le parc de ce château que depuis le deuxième étage de ce bâtiment, elles seront situées à plus de 9 kilomètres du site et n'apparaîtront de ce fait que dans le lointain. Si elles s'ajoutent à d'autres aérogénérateurs existants, elles n'entraîneront pas, compte tenu de la distance et contrairement à ce que soutient la préfète, une saturation de la ligne d'horizon. Le projet n'aura donc pas un impact significatif sur le paysage depuis le château de Sélincourt, également inscrit au titre des monuments historiques.

S'agissant de l'atteinte à la chapelle des templiers de Frettecuisse :

8. Le projet est nettement visible depuis ce monument, en particulier l'éolienne E1 qui est située à un kilomètre. Toutefois, le monument est éloigné de toute habitation, le projet, y compris l'éolienne E1, n'apparaît que dans le lointain, au-dessus d'un paysage ouvert de grande culture, et les lignes d'arbres le long de la route ainsi que les bosquets viennent atténuer la prégnance du projet. Dans ces conditions, son impact visuel sur ce monument inscrit n'apparaît pas significatif.

S'agissant des autres monuments :

9. Si l'arrêté évoque également l'atteinte à de nombreux autres monuments, il ne mentionne, en dehors de ceux déjà indiqués, que le château des Rambures. Or le projet est situé à une distance comprise entre 6 et 7 kilomètres de ce monument et il est entièrement masqué tant depuis le château que depuis son parc. La société propose en outre de renforcer ce masque végétal en implantant des plantations complémentaires. L'atteinte du projet au château des Rambures ou à d'autres monuments n'est donc pas établie.

En ce qui concerne l'atteinte à la commodité et aux paysages :

10. D'une part, si l'angle d'occupation théorique par les éoliennes depuis le village de Fresnoy-Andainville augmente de 97 degrés à 130 degrés, l'essentiel de cette augmentation résulte du parc des mottes, dont le refus d'autorisation a été annulé par un précédent arrêt de la cour. Si l'éolienne E2 est visible depuis le centre de la partie habitée de cette commune, elle est située à 1 400 mètres du village et il résulte de l'instruction, ainsi que l'étude d'impact l'a relevé, que sa hauteur perçue est cohérente par rapport aux volumes bâtis et végétaux existants, sans créer de concurrence visuelle avec les éléments structurant la vue qui comprennent déjà de nombreux éléments artificiels tels les pylônes et lignes électriques. L'éolienne E1, plus proche puisque située à 700 mètres, n'est pas dans l'axe de la rue principale et apparaît entièrement masquée par la végétation.

11. D'autre part, si le projet est particulièrement visible depuis le cimetière communal, l'éolienne E1 se situant à 500 mètres de celui-ci, ce cimetière, situé sur le plateau, est éloigné des parties habitées. La vue à l'arrière de ce site donne sur un horizon dégagé de plein champ comprenant déjà de nombreux aérogénérateurs. Le pétitionnaire propose également de financer des arbres à grand développement pour renforcer la ponctuation du paysage par des éléments boisés venant atténuer la prégnance des éoliennes.

12. Dans ces conditions, compte tenu des pièces versées au dossier et des atteintes évoquées par la préfète dans sa décision, l'impact du projet sur les paysages de Fresnoy-Andainville et sur la commodité du voisinage de ses habitants, s'il n'est pas neutre, n'apparaît pas significatif.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que la société WP France 20 est fondée à soutenir que c'est à tort que la préfète de la Somme, par l'arrêté contesté, lui a refusé l'autorisation environnementale pour la construction de six aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur les territoires des communes d'Aumâtre et de Frettecuisse.

Sur les conclusions aux fins de délivrance de l'autorisation et d'injonction :

14. Dans le cadre d'un litige relevant d'un contentieux de pleine juridiction, comme en l'espèce, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 de ce code. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.

15. Aucun autre motif d'irrégularité de la procédure suivie, ni aucune autre atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ou par d'autres dispositions ne ressort des pièces du dossier

16. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu pour la cour, faisant usage de ses pouvoirs de pleine juridiction, d'une part, de délivrer à la société pétitionnaire l'autorisation de construire et d'exploiter le parc éolien en litige, d'autre part, de la renvoyer devant la préfète de la Somme pour assortir cette autorisation des prescriptions indispensables à la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, enfin, d'enjoindre à la préfète de la Somme de délivrer ces prescriptions dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 2 000 euros à verser à la société WP France 20.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté de la préfète de la Somme du 10 janvier 2022 est annulé.

Article 2 : L'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation du parc éolien projeté demandée par la société WP France 20 est accordée à cette société.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de la Somme d'assortir l'autorisation du parc projeté de six éoliennes sur le territoire des communes d'Aumâtre et de Frettecuisse des prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société WP France 20 une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société WP France 20, à la préfète de la Somme et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience publique du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé:

D. Perrin Le président de la 1ère chambre,

Signé:

M. A...

La greffière,

Signé:

C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 22DA01430 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01430
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : BCTG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-12-08;22da01430 ?
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