Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... et leur fils, M. C... B..., devenu majeur le 21 janvier 2019, ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à leur verser la somme de 459 794,25 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi en raison d'une carence fautive dans son obligation de prise en charge de C..., diagnostiqué autiste en 2008.
Par un jugement n° 1804845 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à verser à M. et Mme B... la somme globale de 2 500 euros et à M. C... B..., la somme 1 500 euros et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, M. E... B..., Mme D... B... et M. C... B..., représentés par Me Marie Vérilhac, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat aux sommes de 2 500 euros et 1 500 euros ;
2°) de condamner l'Etat à verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral subi par M. C... B... ;
3°) de condamner l'Etat à verser à M. et Mme B... les sommes de 150 000 euros au titre de leur préjudice moral et 209 794,25 euros au titre de leur préjudice financier ;
4°) d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2007 et capitalisation des intérêts ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'Etat a commis une faute dans la prise en charge pluridisciplinaire de M. C... B... ;
- la faute de l'Etat ne se limite pas à la seule année scolaire 2013-2014 au cours de laquelle C... n'a pas pu être accueilli en classe de 6ème en unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) car la prise en charge en hôpital de jour et en ULIS n'était pas adaptée et l'absence d'auxiliaire de vie scolaire (AVS) disponible 24 heures en 2008-2009 est constitutive d'une faute de l'Etat ;
- la prescription quadriennale n'a pas été opposée par l'administration en méconnaissance de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 ;
- le préjudice moral de C... doit être fixé à la somme de 100 000 euros et celui de ses parents, à 150 000 euros ;
- le préjudice financier de M. et Mme B... doit être fixé à la somme de 204 7984,25 euros qui comprend l'intervention à domicile de psychologues en analyse appliquée du comportement, des consultations médicales non remboursées, l'intervention à domicile d'une tierce personne, la perte de salaire de M. E... B..., l'achat de matériel pédagogique pour l'enfant, les frais de scolarité de C... à l'école privée Saint-Joseph, les frais de scolarité de la sœur de C... au collège privé Fénelon, les frais de transport entre le domicile et l'école, les frais de nutrition adaptée de C... et les frais de formation de M. E... B....
Par un mémoire, enregistré le 20 octobre 2021, la rectrice de l'académie de Normandie conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- la requête, qui ne conteste pas les motifs retenus par les premiers juges, est irrecevable dès lors qu'elle est insuffisamment motivée ;
- aucune faute n'a été commise dans la prise en charge de C... ;
- pour les années scolaires 2005/2006 et 2006/2007, la prise en charge de l'enfant en hôpital de jour était plus adaptée à son handicap que le maintien en milieu scolaire avec une aide humaine ;
- la scolarisation de C... en classe ULIS de collège lui a permis de bénéficier d'une prise en charge pluridisciplinaire adaptée ;
- depuis son entrée en classe de sixième, C... bénéficie d'un auxiliaire de vie scolaire (AVS) ;
- les créances antérieures au 1er janvier 2013 sont atteintes par la prescription quadriennale ;
- le lien de causalité entre les fautes alléguées et les préjudices n'est pas établi.
Par un mémoire, enregistré le 17 novembre 2021, l'agence régionale de santé (ARS), représentée par Me Anne Tugaut, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête pour irrecevabilité ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du 17 décembre 2020 en tant qu'il a retenu la faute de l'Etat dans l'accompagnement pluridisciplinaire de C... B... au titre de l'année scolaire 2013-2014.
Elle fait valoir que :
- la requête, qui ne conteste pas les motifs retenus par les premiers juges, est irrecevable dès lors qu'elle est insuffisamment motivée ;
- aucune faute n'a été commise dans la prise en charge de C... ;
- les créances antérieures au 1er janvier 2014 sont atteintes par la prescription quadriennale ;
- le lien de causalité entre les fautes alléguées et les préjudices n'est pas établi.
Par une ordonnance du 25 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... B... et Mme D... B... sont les parents de M. C... B..., né le 21 janvier 2001, qui souffre de troubles autistiques diagnostiqués le 8 juillet 2008. Par lettre du 26 décembre 2017, reçue le 29 décembre suivant, les intéressés ont saisi le ministre des solidarités et de la santé d'une réclamation préalable, implicitement rejetée, tendant à l'indemnisation des préjudices résultant d'une prise en charge insuffisante par l'Etat. Ils relèvent appel du jugement n° 1804845 du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen n'a que partiellement fait droit à leur requête.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'insuffisance de motivation de la requête :
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicables à l'introduction de l'instance d'appel en vertu des dispositions de l'article R. 811-13 du même code : " La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". En vertu de ces dispositions, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge.
3. La requête présentée par M. et Mme B... contient l'exposé des faits et moyens, l'énoncé de conclusions soumises au juge d'appel et formule une critique du jugement attaqué. Ainsi, la rectrice de l'académie de Normandie et l'Agence régionale de santé de Normandie ne sont pas fondées à soutenir que la requête est insuffisamment motivée.
Sur l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'éducation : " L'éducation est la première priorité nationale. Le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves (...). Il contribue à l'égalité des chances (...). Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d'apprendre et de progresser. Il veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction. (...) / Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté. (...) / Elle a pour but (...) de permettre de façon générale aux élèves en difficulté, quelle qu'en soit l'origine, en particulier de santé, de bénéficier d'actions de soutien individualisé. ". Aux termes de l'article L. 112-1 du même code : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire (...) aux enfants (...) présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants (...) en situation de handicap ". Aux termes de l'article L. 112-2 de ce code : " Afin que lui soit assuré un parcours de formation adapté, chaque enfant, adolescent ou adulte handicapé a droit à une évaluation de ses compétences, de ses besoins et des mesures mises en œuvre dans le cadre de ce parcours, selon une périodicité adaptée à sa situation. Cette évaluation est réalisée par l'équipe pluridisciplinaire mentionnée à l'article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles. (...) / En fonction des résultats de l'évaluation, il est proposé à chaque enfant, adolescent ou adulte handicapé, ainsi qu'à sa famille, un parcours de formation qui fait l'objet d'un projet personnalisé de scolarisation assorti des ajustements nécessaires en favorisant, chaque fois que possible, la formation en milieu scolaire ordinaire. (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 114-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. (...) ". Aux termes de l'article L. 246-1 du même code : " Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. / Adaptée à l'état et à l'âge de la personne, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social. (...) ".
6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, d'une part, le droit à l'éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, et que, d'autre part, le caractère obligatoire de l'instruction s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants en situation de handicap ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Il incombe à cet égard à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif. Il en résulte également que le droit à une prise en charge pluridisciplinaire est garanti à toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique, quelles que soient les différences de situation. Si, eu égard à la variété des formes du syndrome autistique, le législateur a voulu que cette prise en charge, afin d'être adaptée aux besoins et difficultés spécifiques de la personne handicapée, puisse être mise en œuvre selon des modalités diversifiées, notamment par l'accueil dans un établissement spécialisé ou par l'intervention d'un service à domicile, c'est sous réserve que la prise en charge soit effective dans la durée, pluridisciplinaire, et adaptée à l'état et à l'âge de la personne atteinte de ce syndrome.
7. Par ailleurs, en vertu de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles cité au point 3, lorsque la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), à la demande des parents, se prononce sur l'orientation des enfants atteints du syndrome autistique et détermine les modalités de scolarisation d'un enfant, ainsi que celles de son accompagnement, l'administration est tenue de se conformer à la décision de la commission. Lorsqu'un enfant autiste ne peut être pris en charge dans le cadre ainsi défini par la CDAPH, notamment en raison d'un manque de place disponible, l'absence de prise en charge pluridisciplinaire qui peut en résulter est, en principe, de nature à révéler une carence de l'Etat dans la mise en œuvre des moyens nécessaires pour que cet enfant bénéficie effectivement d'une telle prise en charge dans une structure adaptée. En revanche, lorsque les parents estiment que la prise en charge effectivement assurée par un établissement désigné par la CDAPH n'est pas adaptée aux troubles de leur enfant, l'Etat ne peut être tenu pour responsable d'une telle situation que si l'absence ou le caractère insuffisant de la prise en charge est établi et que cette absence ou cette insuffisance procède de la carence des services de l'Etat dans la mise en œuvre des compétences qui leur sont confiées.
8. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année scolaire 2004-2005, M. C... B... a été scolarisé en petite section de maternelle à l'école Marie Pape-Carpantier de Saint-Pierre-lès-Elbeuf, deux fois 45 minutes et deux fois 1 h 15 par semaine, dans le cadre d'une convention d'intégration avec le centre médico-psychologique pour enfants d'Elbeuf. L'année suivante, dans le cadre d'une convention analogue, M.C... B... a été scolarisé en moyenne section de maternelle pour un volume horaire de deux fois 2 h 15 et une fois 3 heures par semaine. Pendant l'année scolaire 2006-2007, l'intéressé a été scolarisé en grande section de maternelle 6 h 30 par semaine en moyenne, sous forme de demi-journées, en alternance, avec une prise en charge en hôpital de jour. Au cours de la même période, par décision du 17 octobre 2006, la CDAPH, saisie par M. et Mme B... d'une demande d'auxiliaire de vie scolaire (AVS) pour une quotité de 18 heures par semaine, a refusé l'octroi d'une telle aide, au motif qu'elle n'est pas " suffisante à la scolarité ". Par courrier du 7 décembre 2006, l'intervention en milieu scolaire de la psychologue libérale à laquelle ont décidé de recourir les époux B... a été autorisée par le directeur des services départementaux de l'éducation nationale. Par courrier du 3 avril 2007, l'équipe pluridisciplinaire placée auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) a proposé que C... soit scolarisé dans le cadre d'une prise en charge à temps plein en hôpital de jour, où il bénéficiait de soins. Par courrier du 10 avril suivant, M. et Mme B... ont refusé cette orientation, au profit d'une scolarisation en milieu ordinaire. Par lettre du 2 mai 2007, les parents de C... ont décidé de mettre fin à sa prise en charge en hôpital de jour et de le faire bénéficier d'une rééducation cognitive à domicile avec une psychologue en analyse appliquée du comportement. Par décision du 5 juin 2007, la CDAPH a autorisé, pour l'année scolaire 2007-2008, l'intervention d'une " aide humaine ", sans quotité horaire définie, dans le cadre d'un maintien de l'enfant à temps partiel en maternelle à l'école Louise Michel de Caudebec-lès-Elbeuf. Par décision du 27 novembre 2007, la CDAPH a confirmé l'orientation précédente et porté la quotité horaire pour l'intervention de l'aide humaine à 14 heures maximum. L'accompagnement par AVS a ensuite été porté à 15 heures, puis 18 heures et, par décision du 9 septembre 2009, de 18 heures à 24 heures maximum dans le cadre d'une scolarisation à temps complet à l'école privée Saint-Joseph (Saint-Aubin-lès-Elbeuf), où il a été scolarisé jusqu'en classe de CM2. Par lettre du 16 septembre 2010, M. et Mme B... ont sollicité l'augmentation du nombre d'heures de l'AVS. Leur demande a été rejetée par décision du 15 novembre 2010, la MDPH indiquant que C... devait pouvoir bénéficier de moments d'autonomie et que l'augmentation de la durée d'accompagnement n'était pas souhaitable.
9. Par courrier du 8 février 2013, l'équipe pluridisciplinaire placée auprès de la MDPH a proposé aux parents du jeune C... son orientation en classe de 6ème en " unité localisée pour l'inclusion scolaire " (ULIS), avec une aide humaine individualisée à temps plein. Par deux décisions du 21 mars 2013, la CDAPH s'est prononcée en faveur de cette orientation dans le cadre d'une scolarisation à temps plein, avec toutefois un accompagnement mutualisé limité aux temps d'inclusion. Par courrier du 18 juin 2013, le directeur des services départementaux de l'éducation nationale a informé les époux B... de l'absence de places en classe de 6ème ULIS au titre de l'année scolaire 2013-2014, de l'inscription de leur enfant sur liste d'attente et de l'obligation pour lui de redoubler sa classe de CM2, en attendant. Par jugement du 16 décembre 2013, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Rouen a fait droit au recours des intéressés contre la décision de la CDAPH du 21 mars 2013 et leur a accordé un AVS individuel 24 heures par semaine, incluant les pauses méridiennes. Compte tenu du maintien de C... en classe de CM 2 pour l'année scolaire en cours, le tribunal a reporté le bénéfice de cet auxiliaire pour l'année scolaire suivante et confirmé l'orientation en classe de 6ème ULIS à temps plein. Par courrier du 13 janvier 2014, le directeur des services départementaux de l'éducation nationale a informé les parents de C... d'une ouverture de classe ULIS dans le secteur " Rouen gauche ". Par décision du 27 mars 2014, la CDAPH a accordé, pour l'année scolaire 2014-2015, une aide humaine individuelle à temps plein dans le cadre d'une scolarisation à temps complet. Par une seconde décision du même jour, la commission a confirmé l'orientation pour une scolarisation en classe ULIS à temps complet jusqu'à la fin de l'année scolaire 2017-2018, soit jusqu'à la fin de la classe de 3ème. Par décision du 28 mai 2015, la CDAPH a accordé, pour la même période, une aide humaine individualisée à temps plein. Pour l'ensemble de sa scolarité en classe ULIS, M. C... B... a été affecté au collège Nelson Mandela d'Elbeuf. Par décision du 20 août 2018, la CDAPH s'est prononcée pour une orientation, à l'issue de la 3ème, en établissement médico-social.
10. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que l'Etat a suivi les préconisations de la CDAPH quant à l'accompagnement de C... en hôpital de jour. Si les appelants estiment que cette orientation n'était pas adaptée au handicap de leur fils, il leur était loisible de la contester devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, ce qu'ils n'ont pas fait. En outre, il résulte du compte-rendu de la réunion de synthèse du 5 avril 2007 que lorsque C... a été accueilli à l'école intégrée de l'hôpital de jour, il s'est montré coopérant, a reconnu les personnes qui l'entouraient et a adhéré à l'organisation de la classe. Si M. et Mme B... contestent également le fait que les classes ULIS en collège regroupent tous types de retards mentaux et ne sont pas adaptés à la gestion d'un élève souffrant de troubles autistiques, ils n'apportent aucun élément pour établir que la scolarisation de C... à l'ULIS du collège Nelson Mandela d'Elbeuf entre 2014 et 2017, aurait été effectivement inadaptée. En outre, comme il a été dit au point 8, l'Etat a suivi les préconisations de la CDAPH et il était loisible aux appelants de les contester devant le tribunal du contentieux de l'incapacité.
11. Les appelants soutiennent ensuite que l'accompagnement, à leurs frais, de C... par une psychologue libérale spécialisée en analyse appliquée du comportement, lui a permis de faire de réels progrès, notamment dans l'apprentissage du langage. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à démontrer que la scolarisation de l'enfant à l'école n'était pas adaptée à son handicap. Si M. et Mme B... soutiennent que leur fils n'a pas pu s'inscrire en lycée, il ne résulte pas de l'instruction que la CDAPH aurait recommandé la poursuite de ses études après le collège.
12. Si les consorts B... soutiennent encore que le système des AVS mis en place par l'Etat est insuffisant et inadapté en raison d'un manque de formation et de la précarité de leur situation, ils n'établissent pas que leur fils C... aurait subi un retard de développement particulier en raison du fait que son AVS a dû être remplacée en classe de 4ème ni du fait qu'il n'a pu disposer que de 18 heures d'AVS pendant l'année 2009-2010 alors que ce bénéfice leur avait été accordé pour une durée pouvant aller jusqu'à 24 heures. En tout état de cause, l'Etat a mis en œuvre les moyens nécessaires pour que cet enfant bénéficie d'un temps d'accompagnement par une AVS la plus proche possible de la durée maximum de 24 heures autorisée.
13. En revanche, il est constant que, faute de place disponible en classe de 6ème ULIS à proximité du domicile des parents de C... à la rentrée de septembre 2013, l'enfant a été maintenu une année supplémentaire en CM2 pour l'année scolaire 2013-2014. Alors même que l'enfant a bénéficié de la même scolarisation que l'année précédente avec un accompagnement analogue, conformément aux orientations subsidiaires prononcées par la CDAPH, ce redoublement imposé révèle que l'administration n'a pas mis en œuvre les moyens nécessaires pour que cet enfant bénéficie effectivement d'une prise en charge dans la structure identifiée par la CDAPH. Dès lors, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que, pour la seule année scolaire 2013-2014, l'Etat a commis une faute dans la prise en charge pluridisciplinaire du jeune C... B...,
Sur les préjudices subis par les requérants :
En ce qui concerne l'exception de prescription opposée par l'agence régionale de santé :
15. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ".
16. Il résulte de l'instruction que M. et Mme B... ont présenté leur demande indemnitaire le 29 décembre 2017. Ainsi, les préjudices antérieurs au 1er janvier 2013 sont atteints par la prescription. En revanche, la faute de l'Etat dans la prise en charge éducative de M. C... B... étant retenue, pour la rentrée scolaire 2013-2014, à compter du 1er septembre 2013, les droits sur lesquels ces créances sont fondées ont été acquis au cours de l'année 2013 et l'année suivante et ne sont pas atteints par la prescription quadriennale.
En ce qui concerne les différents préjudices invoqués :
17. Si le défaut de prise en charge pluridisciplinaire de M. C... B... au cours de l'année scolaire 2013-2014 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, cette responsabilité ne peut entraîner la réparation des préjudices allégués que si ces derniers sont en lien direct avec cette faute.
18. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que les frais exposés par M. et Mme B... pour les consultations médicales des années 2007 à 2009 et l'intervention à domicile d'une tierce personne au cours des mêmes années sont sans lien avec la faute de l'Etat et, de plus, sont atteints par la prescription. Si M. et Mme B... demandent le remboursement des frais de psychologues intervenus à domicile, ils n'établissement pas que le redoublement imposé en CM2 de leur fils ait nécessité leur intervention. Si les appelants soutiennent avoir dû acheter du matériel pédagogique pour leur fils et engager des frais pour se former à la prise en charge de sa pathologie, ces frais ont été engagés en raison de leur volonté de scolariser C... à domicile et sont sans lien avec le redoublement qui leur a été imposé pour l'année 2013-2014. S'ils exposent en outre que la pathologie de leur fils nécessite un régime de nutrition particulièrement coûteux qu'ils évaluent à 48 300 euros, ce poste de préjudice n'a pas de lien avec le redoublement imposé en CM2 faute de place en ULIS dans un collège de proximité.
19. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la scolarisation de M. C... B... dans un établissement d'enseignement privé a reposé sur le choix de ses parents qui ont considéré que sa scolarisation dans un tel établissement permettait une meilleure prise en charge, sans pour autant établir que la prise en charge dans une école publique aurait été insuffisante. Il en est de même pour sa sœur. Dès lors, les appelants ne sont pas fondés à demander la condamnation de l'Etat à leur rembourser les frais de scolarisation de M. C... B... et de sa sœur dans les écoles privées qu'ils ont fréquenté et des frais de transport entre l'école et leur domicile.
20. De même, si M. E... B... expose avoir subi une perte de salaire entre 2006 et 2016 évaluée à 132 000 euros en raison de la cessation de son activité professionnelle, il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année 2013/2014, M. C... B... a été scolarisé à temps plein en classe de CM2 et a bénéficié du même accompagnement par une aide humaine que l'année précédente. Or, M. E... B... ne précise pas pour quelle raison il n'a pas repris d'activité, ni les circonstances qui lui auraient imposé de ne plus exercer d'activité. Ce préjudice ne peut dès lors être regardé comme présentant un lien direct avec la faute commise par l'Etat.
21. En revanche, il résulte de l'instruction que tant M. C... B... que ses parents ont souffert de voir son parcours scolaire ralenti une année en raison de l'absence de place disponible en classe de sixième ULIS. De même, ses parents ont dû accomplir de nombreuses démarches, notamment auprès de la CDAPH, pour solliciter le renouvellement, pour l'année suivante, des orientations de la commission. Ainsi, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de ce préjudice moral en lien direct avec la faute retenue, en l'estimant à la somme globale de 2 500 euros pour M. et Mme B... et 1 500 euros pour M. C... B....
22. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a limité la condamnation de l'Etat à la somme globale de 4 000 euros. Par suite, leur requête doit être rejetée, ainsi que l'appel incident de l'ARS de Normandie.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par les consorts B... soit mise à la charge l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentées par M. E... B..., Mme D... B... et M. C... B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées par l'ARS de Normandie sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Mme D... B..., à M. C... B..., au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et au ministre de la santé et de la prévention.
Copie sera adressée, pour information, à la rectrice de l'académie de Normandie et à l'agence régionale de santé de Normandie.
Délibéré après l'audience publique du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°21DA00378