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24/11/2022 | FRANCE | N°22DA01372

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 24 novembre 2022, 22DA01372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 septembre 2021 par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, sou

s astreinte de 155 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 septembre 2021 par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 2109206 du 24 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de délivrer à Mme C..., un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " et enfin rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 28 juin 2022 sous le n° 22DA01373, le préfet du Nord demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les documents médicaux produits par Mme C... étaient de nature à remettre en cause l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel un traitement adapté était disponible dans son pays d'origine et que la note sociale permettait de considérer qu'elle ne pourrait pas poursuivre sa scolarité en Algérie ;

- compte tenu de l'offre de soins disponible en Algérie, ils ont par ailleurs commis une erreur d'appréciation quant à la possibilité, pour l'intéressée, d'accéder à un traitement approprié au sens des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- en ce qui concerne les autres moyens, il est renvoyé aux écritures développées en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2022, Mme C..., représentée par Me Navy, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Elle conclut par ailleurs à ce que soit mise à la charge de l'Etat, la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour n'a pas été signée par une autorité compétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière ; il n'est pas établi que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a émis un avis, ni que cet avis permette l'identification de son auteur, ni qu'il a été adopté par des médecins agréés, ni que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein de ce collège ;

- elle méconnaît l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas été signée par une autorité compétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle est contraire au 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant un délai de départ volontaire n'a pas été signée par une autorité compétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est illégale, par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination a été signée par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est illégale, par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par une ordonnance du 26 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 14 octobre 2022 à 12 heures.

II - Par une requête enregistrée le 28 juin 2022 sous le n° 22DA01372, le préfet du Nord demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2109206 du 24 juin 2022 du tribunal administratif de Lille.

Il soutient qu'il existe un moyen sérieux et de nature à justifier l'annulation de ce jugement.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 17 décembre 2001, qui déclare être entrée en France le 30 novembre 2019 sous couvert d'un visa de court séjour, a sollicité, le 31 décembre 2020, la délivrance d'un certificat de résidence algérien pour raison de santé. Par un arrêté du 13 septembre 2021, le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 24 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et lui a fait injonction de délivrer à Mme C..., un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur la jonction :

2. Les requêtes, enregistrées sous les n° 22DA01373 et n° 22DA01372, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Il ressort des termes du jugement attaqué, que pour annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 du préfet du Nord, le tribunal s'est fondé sur une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme C..., qui est atteinte d'une maladie dégénérative sévère d'origine génétique et bénéficie, depuis son arrivée en France d'un suivi médical pluridisciplinaire ainsi que d'une assistance et d'un accompagnement individuel dans sa vie quotidienne et scolaire. Le tribunal a estimé que ces circonstances révélaient la nécessité pour l'intéressée de rester en France afin d'y poursuivre tant ses soins que sa scolarité.

4. Il ressort des certificats médicaux et pièces en rapport avec la situation médicale de Mme C..., qu'elle est atteinte d'une dystrophie musculaire des ceintures, maladie dégénérative sévère d'origine génétique qui prive l'intéressée de l'usage de la marche et emporte des difficultés cardiaques, respiratoires et musculaires. Un certificat accompagnant sa demande de titre de séjour, destiné au responsable médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), établi le 8 janvier 2021 par un médecin du service de médecine physique et réadaptation de l'hôpital Pierre Swynghedauw, dépendant du centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille synthétise sa situation médicale ainsi que ses besoins de santé. Ce praticien précise qu'elle a perdu la marche et se déplace en fauteuil roulant électrique et que depuis 2016, elle fait l'objet d'un suivi pluridisciplinaire au centre de référence des maladies neuromusculaires rares au CHU de Lille, sur le plan cardiologique pour un risque de cardiomyopathie, sur le plan pneumologique en raison d'une capacité respiratoire vitale réduite à 70 % de la norme, sur le plan orthopédique ainsi que sur le plan musculaire. Il indique par ailleurs qu'elle est entièrement dépendante pour l'accomplissement des gestes de la vie quotidienne et que son état requiert des soins de kinésithérapie au moins trois fois par semaine pour un entretien orthopédique et une prise en charge pluridisciplinaire. La nécessité de ce suivi pluridisciplinaire est confirmée par un courrier circonstancié daté du 25 novembre 2021, établi par la référente parcours de santé et la directrice du service régional Hauts de France de l'association française contre les myopathies (AFM-Téléthon) qui assiste Mme C... depuis son arrivée en France en novembre 2019. Il ressort également d'un certificat du 21 octobre 2021 que cette situation de dépendance résultant des invalidités dont souffre Mme C... a été constatée par un médecin généraliste du pôle santé de l'association ABEJ Solidarité qui indique que la myopathie affecte la fonction respiratoire nécessitant une rééducation par kinésithérapie mais aussi la fonction cardiaque rendant nécessaire un suivi spécialisé. Si ce professionnel de santé mentionne qu'aucune aide en matière de rééducation et d'accompagnement ne sera possible et ne sera procurée à la patiente dans son pays d'origine, cette seule affirmation n'est pas de nature à établir que Mme C... ne pourra effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie. A ce titre, le préfet du Nord justifie quant à lui de l'existence de nombreux établissements publics hospitaliers susceptibles de prendre en charge les pathologies cardiaques et respiratoires ainsi que de ce que les actes de kinésithérapie peuvent être réalisés dans tout le pays aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. S'agissant en particulier des maladies neuromusculaires, le préfet fait valoir que le centre hospitalo-universitaire Mustapha d'Alger, comprend un service de neurologie proposant des consultations notamment pour le traitement des myopathies et offrant un réseau de soins multidisciplinaires qui assure la prise en charge des affections cardiaques, les soins orthopédiques ainsi que la rééducation fonctionnelle. Pour contester la possibilité de bénéficier effectivement de ces services médicaux spécialisés, Mme C... invoque la situation de son frère aîné, résidant en Algérie, atteint lui aussi d'une dystrophie musculaire des ceintures d'origine génétique nécessitant les mêmes soins et l'assistance d'une tierce personne pour toutes ses activités quotidiennes. Toutefois, le certificat médical qu'elle produit, daté du 28 mars 2022, émanant du chef du service neurologie du centre hospitalo-universitaire d'Oran et selon lequel l'état de santé de son frère " justifie une prise en charge en médecine physique et réadaptation et la réalisation d'examens complémentaires à but diagnostique et thérapeutique, malheureusement limités en Algérie " n'est pas de nature à remettre en cause les éléments probants et factuels apportés par le préfet.

5. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments, qu'il n'apparaît pas que Mme C... ne pourrait effectivement bénéficier, en Algérie, d'un dispositif pluridisciplinaire permettant la prise en charge de tous les soins nécessaires à la prise en charge de sa pathologie et d'une assistance dans tous les gestes de la vie quotidienne. Si elle fait par ailleurs état de sa bonne insertion, notamment au vu des bons résultats scolaires qui lui ont permis d'obtenir un baccalauréat avec la mention assez bien, en bénéficiant d'une aide matérielle et humaine adaptée à son handicap, il n'est pas établi qu'elle ne pourrait poursuivre sa scolarité au niveau supérieur dans son pays d'origine, sans pouvoir bénéficier de conditions équivalentes alors qu'avant son arrivée en France, elle avait poursuivi son cursus scolaire dans des conditions lui permettant de progresser à un rythme normal.

6. Dans ces conditions, alors que l'intéressée n'était présente en France que depuis deux ans et demi, qu'elle n'y a pas d'attaches familiales hormis sa mère qui n'a pas plus vocation à rester sur le territoire français et alors que son père et son frère résident en Algérie, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 13 septembre 2021 au motif d'une erreur manifeste des conséquences de celui-ci sur la situation personnelle de Mme C... .

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour.

En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions :

8. Par un arrêté du 19 juillet 2021, régulièrement publié au recueil spécial des actes de la préfecture n° 164 du même jour, le préfet du Nord a donné délégation de signature à Mme B... A... de la Perrière, attachée principale d'administration, chef de bureau du contentieux et du droit des étrangers à la préfecture du Nord, à l'effet de signer, notamment, les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

9. En premier lieu, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme C... vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'accord franco-algérien. Elle expose les circonstances de fait relatives à la situation de l'intéressée, notamment quant à son état de santé et sa situation familiale. Ainsi, la décision répond aux exigences de motivation posées par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

10. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rend un avis sur la base d'un rapport médical établi par un médecin qui n'est pas membre de ce collège, et des informations disponibles sur les possibilités pour le demandeur du titre de séjour de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort de l'avis daté du 1er juin 2021 produit par le préfet du Nord en première instance, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant examiné la situation de Mme C... était composé de trois médecins au nombre desquels ne compte pas le médecin ayant établi le rapport médical du 8 avril 2021. Par ailleurs, les noms et qualités de ces quatre médecins figurent bien sur la liste annexée à la décision du 28 janvier 2021 modifiant la décision du 17 janvier 2017 portant désignation de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite le moyen tiré de ce que l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

11. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...)7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

12. D'autre part, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions de procédure s'appliquent aux demandes présentées par les ressortissants algériens sur le fondement des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. 1 (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) ".

13. En vertu de ces dispositions, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 313-11, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 cité au point précédent, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

14. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme C..., le préfet du Nord a estimé, au regard de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 1er juin 2021, que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Afin de contester le sens de cet avis, Mme C... a produit en première instance des éléments médicaux relatifs aux pathologies dont elle souffre et qui ont motivé sa demande de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé. Ces éléments médicaux permettent au juge d'être suffisamment informé sur la situation de l'intéressée de sorte qu'il n'apparaît pas nécessaire de demander la communication de l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII. S'il ressort de ces certificats médicaux et des autres pièces en rapport avec sa pathologie, que Mme C... est atteinte d'une dystrophie musculaire des ceintures, maladie dégénérative sévère d'origine génétique qui la prive de l'usage de la marche et emporte des difficultés cardiaques, respiratoires et musculaires, toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, ces documents ne contredisent pas l'appréciation portée par le collège de médecins sur les conséquences d'une absence de prise en charge. Par suite, alors qu'il n'appartient pas au juge de s'assurer que les soins dans le pays d'origine seront équivalents à ceux offerts en France mais, de s'assurer, qu'eu égard à la pathologie de l'intéressée, il y existe un traitement approprié disponible dans le pays d'origine, dans des conditions permettant d'y avoir accès, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Nord a fait une inexacte application des dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié en lui refusant un droit au séjour sur ce fondement.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Pour soutenir que la décision méconnaît ces dispositions, Mme C... se prévaut d'abord de ce qu'elle bénéficie, depuis son arrivée en France, d'un dispositif pluridisciplinaire permettant la prise en charge de tous les soins nécessaires à la prise en charge de sa pathologie et d'une assistance dans tous les gestes de la vie quotidienne, notamment de la part de sa mère, qui est présente auprès d'elle depuis son entrée en France, en novembre 2019. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, il n'est pas établi qu'elle ne pourrait bénéficier d'un accompagnement et d'une assistance en Algérie. Par ailleurs, comme indiqué au point 6, elle n'a pas de liens familiaux en France mais en a en Algérie. Si elle attribue sa réussite dans son parcours scolaire, notamment, à l'aide matérielle et humaine adaptée à son handicap, qu'elle a reçue en France, cette circonstance ne suffit pas à caractériser une méconnaissance de la protection de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision litigieuse des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire vise l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'intéressée ne justifie pas se trouver dans l'un des cas dans lesquels un étranger ne peut faire l'objet d'une telle obligation. Par suite, elle satisfait à l'exigence de motivation.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

18. Comme il a été dit au point 14, l'état de santé de Mme C... ne nécessite pas une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et l'intéressée n'apporte aucun élément indiquant qu'elle ne pourrait voyager sans risque. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

19. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précisés au point 15, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'obligation faite à Mme C... de quitter le territoire français, porte une atteinte disproportionnée aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

20. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumaines ou dégradants ".

21. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 en ce qui concerne l'existence d'une prise en charge médicale pluridisciplinaire appropriée à l'état de santé de Mme C..., que le moyen tiré de ce que son renvoi en Algérie l'exposerait à un déclin grave et irréversible de son état de santé contraire à l'article 3 de la convention précitée ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

22. Il résulte de ce qui a été dit aux points 16 à 21 que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire.

23. En outre, au regard de ce qui a été dit au point 15, le moyen tiré de ce que, eu égard à sa situation personnelle et familiale, la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

24. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points 16 à 21 que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

25. D'autre part, pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 21, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 13 septembre 2021 refusant de délivrer un certificat de résidence à Mme C..., l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

27. Les conclusions présentées par Mme C... aux fins d'annulation, d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.

Sur la demande de sursis à exécution du jugement :

28. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 22DA01372 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 24 juin 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22DA01372 tendant au sursis à l'exécution du jugement du 24 juin 2022.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme D... C... et à Me Sanjay Navy.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 22DA01372, 22DA01373 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01372
Date de la décision : 24/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-24;22da01372 ?
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