Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 janvier 2020 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé d'admettre au bénéfice du regroupement familial ses enfants nés en 2000, 2004 et 2006, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet d'autoriser le regroupement familial au profit de ses trois enfants dans un délai d'un mois à compter de la mise à disposition du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa demande sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte.
Par un jugement n° 2002046 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé cette décision, d'autre part, enjoint au préfet de la Seine-Maritime d'accorder aux enfants de D... A... B... nés en 2000, 2004 et 2006, le bénéfice du regroupement familial dans un délai de trois mois et enfin rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête enregistrée le 22 juin 2022 sous le n° 22DA01327, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que c'est à tort que, pour annuler sa décision du 28 janvier 2020, le tribunal a jugé recevable la requête de Mme A... B... ; au regard des dispositions des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, la requête est tardive.
La requête a été communiquée le 29 juin 2022 à Mme A... B..., qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 9 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 27 septembre 2022 à 12 heures.
II - Par une requête enregistrée le 22 juin 2022 sous le n° 22DA01328, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2002046 du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Rouen.
Il soutient qu'il existe un moyen sérieux et de nature à justifier l'annulation de ce jugement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante péruvienne née le 2 mai 1980, a déposé une demande visant à obtenir le regroupement familial pour ses trois enfants, tous trois de nationalité péruvienne, nés respectivement le 24 août 2000, le 1er février 2004 et le 4 décembre 2006. Par une décision du 28 janvier 2020, le préfet de la Seine-Maritime ayant estimé qu'elle ne justifiait pas de ressources suffisantes, a refusé d'autoriser le regroupement familial sollicité. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision et lui a fait injonction d'autoriser le regroupement familial au profit des trois enfants de D... A... B... dans un délai de trois mois.
Sur la jonction :
2. Les requêtes, enregistrées sous les n° 22DA01327 et n° 22DA01328, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement :
3. D'une part, en vertu de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ".
4. D'autre part, l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique prévoit que : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance (...), l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai (...) ".
5. Par ailleurs, selon l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " I.- Les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période sont applicables aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif (...) ". En application de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois (...) ". La période visée à l'article 1er de cette ordonnance, dans sa version issue de l'ordonnance du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire, est la période du 12 mars 2020 au 23 juin 2020 inclus.
6. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis de réception produit devant les premiers juges, que la décision attaquée, qui comportait la mention des voies et délais de recours, a été notifiée le 6 février 2020. En application des dispositions rappelées aux points 3 et 4, le délai de recours contentieux de deux mois expirait, en principe, le 7 avril 2020 sauf à être interrompu, soit par un recours gracieux formé avant cette date, soit par une demande d'aide juridictionnelle, conformément aux dispositions rappelées au point 3. Il est constant que la demande d'aide juridictionnelle formulée par Mme A... B... n'a été enregistrée par le bureau de l'aide juridictionnelle qu'à la date du 4 juin 2020. Toutefois, en vertu des dispositions dérogatoires prévues à l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 citées au point 5, les délais de recours échus entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ont recommencé à courir le 24 juin 2020, pour leur durée initiale et dans la limite de deux mois, soit avant le 24 août 2020 à minuit. Par conséquent, le délai de recours contentieux n'était pas expiré à la date d'enregistrement de la requête de Mme A... B..., le 16 juin 2020.
7. Il en résulte que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête.
8. Le préfet ne contestant pas en appel les motifs retenus par les premiers juges pour prononcer l'annulation de la décision du 28 janvier 2020 et lui enjoindre d'autoriser le regroupement familial des trois enfants de D... A... B..., sa requête ne peut qu'être rejetée.
Sur la demande de sursis à exécution du jugement :
9. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 22DA01328 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22DA01328 tendant au sursis à l'exécution du jugement du 12 mai 2022.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme C... A... B....
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 22DA01327, 22DA01328 2