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24/11/2022 | FRANCE | N°22DA00084

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 24 novembre 2022, 22DA00084


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le maire de Pont-Audemer a délivré à M. C... un permis d'aménager les parcelles cadastrées AX 17 et 18 en vue de la réalisation de deux lots à bâtir et d'une voie d'accès, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 29 novembre 2019.

Par un jugement n° 2000366 du 5 novembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ces demandes.

Pro

cédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2022, M. et Mme E..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 par lequel le maire de Pont-Audemer a délivré à M. C... un permis d'aménager les parcelles cadastrées AX 17 et 18 en vue de la réalisation de deux lots à bâtir et d'une voie d'accès, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 29 novembre 2019.

Par un jugement n° 2000366 du 5 novembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2022, M. et Mme E..., représentés par Me Elise Craye, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2019 et la décision implicite ayant rejeté leur recours gracieux formé le 29 novembre 2019 contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de M. D... C... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le volet paysager de la demande de permis de construire était insuffisant ;

- le projet supprime le chemin d'exploitation, sans qu'il en soit fait mention dans la demande et crée un accès qui porte atteinte à la zone naturelle ;

- le projet méconnaît l'article N3 du plan local d'urbanisme ;

- il ne respecte pas le classement en zone naturelle et les dispositions du code de l'urbanisme applicable à ces zones ;

- il méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme car il ne reprend pas l'avis de la communauté de communes Pont-Audemer-Val de Risle.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2022, la commune de Pont-Audemer, représentée par Me Olivier Coté, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement du 5 novembre 2021 en ce qu'il a rejeté ses conclusions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la mise à la charge de M. et Mme E... de la somme de 2 000 euros sur ce même fondement.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 15 juillet 2022, M. D... C..., représentée par Me Vincent Mesnildrey, conclut au rejet de la requête, à la mise à la charge de M. et Mme E... de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour la première instance et d'une somme identique au même titre pour la procédure d'appel.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2022 par ordonnance du même jour en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E... sont propriétaires de parcelles à usage agricole à Pont-Audemer. Leur voisin, M. C..., a obtenu, par un arrêté du 3 octobre 2019 du maire de cette commune, un permis d'aménager pour la création de deux lots à bâtir et d'une voie d'accès rue Jean Joly dans le hameau de Lillebec. Le 29 novembre 2019, M. et Mme E... ont formé un recours gracieux contre ce permis. Faute de réponse, ils ont saisi le tribunal administratif de Rouen qui a rejeté leur demande par un jugement du 5 novembre 2021. Ils relèvent appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 442-5 du code de l'urbanisme : " Un projet architectural, paysager et environnemental est joint à la demande. Il tient lieu du projet d'aménagement mentionné au b de l'article R. 441-2. / Il comporte, outre les pièces mentionnées aux articles R. 441-2 à R. 441-8 : / a) Deux vues et coupes faisant apparaître la situation du projet dans le profil du terrain naturel ; / b) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ; / c) Le programme et les plans des travaux d'aménagement indiquant les caractéristiques des ouvrages à réaliser, le tracé des voies, l'emplacement des réseaux et les modalités de raccordement aux bâtiments qui seront édifiés par les acquéreurs de lots ainsi que les dispositions prises pour la collecte des déchets ; / d) Un document graphique faisant apparaître une ou plusieurs hypothèses d'implantation des bâtiments ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis d'aménager comprenait une notice qui décrivait l'état du terrain, les constructions environnantes, la végétation et les éléments paysagers existants. La demande comportait également quatre vues de l'environnement proche et lointain ainsi que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, une vue du merlon que le projet prévoit d'araser. Si aucune vue des arbres abattus par le projet n'était présente dans le dossier de demande, la notice mentionnait que les obligations de compensation seraient respectées notamment par la plantation de six arbres sur chacun des deux lots. Il n'est ainsi pas établi que les omissions, inexactitudes ou insuffisances du dossier invoquées par les requérants aient été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

4. En deuxième lieu, les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande, le respect des autres réglementations et des règles de droit privé.

5. Si les appelants soutiennent que le projet supprime un chemin d'exploitation sans l'accord unanime des propriétaires riverains et entendent ainsi se prévaloir des dispositions de l'article L. 162-3 du code rural et de la pêche maritime, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'un tel moyen est inopérant. En outre, l'article L. 162-5 du même code dispose que " Les contestations relatives à la propriété et à la suppression des chemins et sentiers d'exploitation (...) sont jugées par les tribunaux de l'ordre judiciaire ". L'acte de propriété du pétitionnaire, M. C..., fait d'ailleurs état d'une servitude de passage sur son terrain au profit des parcelles enclavées situées au sud et non d'un chemin d'exploitation dont la propriété serait partagée entre les propriétaires riverains. La demande de permis d'aménager n'avait donc pas à faire mention d'un tel chemin d'exploitation. Par ailleurs, cette demande prévoyait la réalisation d'une voie d'accès sur la propriété du pétitionnaire. Le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande en l'absence de mention de la suppression du chemin d'exploitation doit donc être écarté.

6. Enfin, si les appelants soutiennent que les travaux de voirie envisagés portent atteinte au caractère naturel de la zone, ils n'assortissent leur allégation d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article N3 du plan local d'urbanisme de la commune de Pont-Audemer : " Pour être constructible, un terrain doit être accessible par une voie carrossable publique ou privée en bon état de viabilité, présentant des caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie et de la protection civile. / Toute voie créée devra s'intégrer, par son gabarit, à la hiérarchie du réseau viaire existant. Toute voie en impasse est interdite (sauf impossibilité de raccordement). ".

8. Le permis d'aménager prévoit une voie d'accès d'une largeur de quatre mètres et cinquante centimètres, sur une emprise de deux cent soixante-six mètres carrés. Il n'est pas sérieusement contesté que cette voie privée sera carrossable, compte tenu de sa composition précisée dans le dossier de demande. Si cette voie se termine en impasse, le fond des parcelles dont le pétitionnaire est propriétaire, au sud du terrain, est très éloigné de toute voie de raccordement et nécessiterait la traversée de propriétés privées. Dans ces conditions, l'impossibilité de raccordement, au sens de l'article N3 du plan local d'urbanisme, est établie.

9. Par ailleurs, compte tenu du caractère limité du projet qui ne porte que sur deux habitations individuelles d'une surface maximale de plancher de deux cent cinquante mètres carrés chacune, il n'est pas établi que la voie d'accès envisagée, dont la largeur est de 4,5 mètres, ne présenterait pas des caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de sécurité, de défense contre l'incendie et de protection civile. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article N3 du plan local d'urbanisme comme celui, en tout état de cause, tiré de la violation de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dont les dispositions ne sont pas plus exigeantes que celles de l'article N3 du plan local d'urbanisme, doivent donc être écartés.

10. En quatrième lieu, si le terrain en cause est classé en zone N du plan local d'urbanisme, le règlement de ce plan admet une constructibilité limitée dans trois secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées notamment celui concernant le hameau de Lillebec. Le point 3 de l'article N2 de ce plan y autorise les constructions à usage d'habitation et il n'est pas contesté que le projet se situe dans le secteur de constructibilité limitée du hameau de Lillebec. Par suite, le moyen tiré de l'absence de respect du classement en zone naturelle de ces parcelles et de la méconnaissance des dispositions du code de l'urbanisme relatives aux zones naturelles ne peut qu'être écarté compte tenu de la dérogation ainsi autorisée par le plan local d'urbanisme.

11. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que le projet vient s'implanter dans un hameau-rue constitué de constructions continues. S'il se situe en deuxième et troisième rang par rapport à la voie publique, il est entouré, sauf au sud, de constructions existantes.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

13. Les appelants soutiennent que le permis d'aménager méconnaît cet article en ce qu'il ne respecte pas les recommandations de la communauté de communes Pont-Audemer-Val de Risle de conservation d'un talus d'au moins un mètre de hauteur en lieu et place du merlon que le projet prévoit d'araser et le maintien d'un profil altimétrique permettant d'évacuer les eaux vers le fossé situé à l'ouest de la propriété. Toutefois, le permis d'aménager reprend dans leur intégralité ces prescriptions dans son article 3. Ce moyen manque donc en fait et doit être écarté pour ce motif.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen, a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation du permis d'aménager délivré à M. C... le 3 octobre 2019.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

En ce qui concerne les conclusions de M. et Mme E... :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par M. et Mme E... et non compris dans les dépens.

En ce qui concerne les conclusions de la commune de Pont-Audemer et de M. C... :

17. D'une part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. et Mme E..., partie perdante, une somme au titre des frais exposés en première instance par la commune de Pont-Audemer et M. C... et non compris dans les dépens. La commune de Pont-Audemer et M. C... ne sont donc pas fondés à demander la réformation du jugement du tribunal en ce qu'il ne leur a pas alloué une somme à ce titre.

18. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme E..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme globale de 1 000 euros à M. C... et d'une somme identique à verser à la commune de Pont-Audemer au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme E... verseront une somme globale de 1 000 euros à M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. et Mme E... verseront une somme globale de 1 000 euros à la commune de Pont-Audemer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Pont-Audemer et de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... E..., à M. D... C... et à la commune de Pont-Audemer.

Délibéré après l'audience publique du 10 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

Le président de chambre,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

C. Sire

N° 22DA00084 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00084
Date de la décision : 24/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL BAUGAS-CRAYE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-24;22da00084 ?
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