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15/11/2022 | FRANCE | N°22DA01382

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 15 novembre 2022, 22DA01382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 10 mars 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2201053 du 25 mai 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Proc

dure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2022, M. A..., représenté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 10 mars 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2201053 du 25 mai 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2022, M. A..., représenté par Me Antoine Tourbier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Oise du 10 mars 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par celui-ci à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- les décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sont insuffisamment motivées ;

- les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour ou, à défaut, faute de l'avoir invité à produire des pièces complémentaires en application de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision portant interdiction de retour pour une durée d'un an est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2022, la préfète de l'Oise conclut au rejet de la requête de M. A....

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués au soutien de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 27 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2022.

M A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant sénégalais né le 5 décembre 1975, est entré irrégulièrement en France en décembre 2005. Il a sollicité, le 14 mai 2009, un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 9 octobre 2009, le préfet du Val d'Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois. L'intéressé a ensuite sollicité son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-14 du le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 29 août 2019, le préfet de police a rejeté cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours. M. A... a demandé, le 11 février 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 10 mars 2022, la préfète de l'Oise a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée d'un an. Par un jugement du 25 mai 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le moyen commun aux décisions attaquées :

2. M. A... réitère son moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire et portant interdiction de retour sur le territoire français. Cependant, Il n'apporte pas en appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ce moyen. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de l'écarter.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations (...) ".

4. Ces dispositions imposent à l'administration, à peine d'illégalité de sa décision, d'indiquer au demandeur, lorsque la demande de ce dernier est incomplète, les pièces ou les informations manquantes dont la production est requise par un texte pour permettre l'instruction de cette demande. En revanche, elles n'ont pas pour objet d'imposer à l'administration d'inviter le demandeur à produire les justifications de nature à établir le bien-fondé de cette demande.

5. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande de titre de séjour, la préfète de l'Oise ne s'est pas fondée sur l'absence de documents ou de justificatifs nécessaires à l'instruction du dossier de M. A..., mais sur la circonstance que l'intéressé ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de justification de liens personnels et familiaux en France. Elle n'était donc pas tenue d'inviter l'intéressé à justifier de sa résidence en France depuis plus de dix ans. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7. M. A... soutient être arrivé en France en décembre 2005 et avoir exercé une activité professionnelle pendant plusieurs années. Toutefois, il n'établit pas la réalité de son séjour en France depuis son entrée irrégulière sur le territoire jusqu'en 2008, en se bornant à produire uniquement pour l'année 2006 un compte-rendu d'analyses biologiques et un compte-rendu d'examen médical et, pour l'année 2007, des factures d'hôtel pour la période du 15 avril au 16 mai. En outre, si l'intéressé produit des documents datés de 2008 à 2020, ceux-ci ne permettent cependant pas d'établir une présence effective sur le territoire pendant les mois de mars à mai et de septembre à décembre 2011. Aucune pièce n'est également produite pour la période comprise entre mai 2015 et mars 2016 à l'exception d'un avis de non-imposition. Par ailleurs, M. A... ne justifie pas d'une insertion particulière sur le territoire français, célibataire et sans charge de famille, il ne fait état d'aucun lien d'une particulière intensité avec sa sœur qui réside sur le territoire français et n'établit pas être dépourvu de tout lien familial ou privé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Enfin, ce dernier s'est soustrait à deux mesures d'éloignement prises à son encontre en 2009 et en 2019. Dans ces conditions, la préfète de l'Oise n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la préfète de l'Oise n'a pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sa décision quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ;2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles cités par le 1° et le 2° de cet article L. 423-13 et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.

9. Pour les motifs précédemment indiqués, M. A... ne remplissait pas les conditions prévues par l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par ailleurs, si l'intéressé fait valoir qu'il réside en France depuis plus de dix ans, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier qu'il aurait présenté une demande d'admission au séjour exceptionnelle sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Au surplus, comme indiqué au point 7, il ne justifie pas de dix années de résidence habituelle en France. Ainsi, la préfète de l'Oise n'était pas tenue de soumettre sa demande de titre de séjour à la commission du titre de séjour avant de la rejeter. Le moyen tiré du vice de procédure ne peut, dès lors, qu'être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

Sur la décision portant interdiction de retour :

11. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

12. Compte tenu de la situation de M. A... telle que décrite au point 7, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, la préfète de l'Oise n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Antoine Tourbier.

Copie sera adressée à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 2 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.

La rapporteure,

Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA01382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01382
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Sylvie Stefanczyk
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-15;22da01382 ?
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