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10/11/2022 | FRANCE | N°22DA00610

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 10 novembre 2022, 22DA00610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.

Par un jugement n° 2104424 du 3 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
>Par une requête enregistrée le 14 mars 2022, Mme B..., représentée par Me Dewaele, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.

Par un jugement n° 2104424 du 3 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mars 2022, Mme B..., représentée par Me Dewaele, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté du 19 février 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de réexaminer sa situation sous la même condition d'astreinte et de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions contenues dans l'arrêté sont insuffisamment motivées ;

- la décision refusant le séjour a été prise en méconnaissance de la procédure de consultation du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration prévue par les dispositions alors applicables du 11° de l'article L. 313-11 et des articles R. 313-22 et

R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le caractère collégial de l'avis émis par les trois médecins n'est pas établi ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- en considérant que son état de santé ne nécessite pas une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation dans l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions alors applicables de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu du suivi médical dont elle doit bénéficier en France ;

- elle porte une atteinte disproportionnée aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés et doivent être écartés pour les motifs exposés dans ses écritures de première instance.

Par une ordonnance du 20 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2022 à 12 heures.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante arménienne née le 24 septembre 1972 est, selon ses déclarations, entrée en France le 9 mai 2011, accompagnée de son fils né le 25 mars 1998. Déboutée le 17 avril 2012 de sa demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), Mme B..., dont le second enfant est né en France le 26 avril 2013, a été mise en possession, le 25 avril 2019, d'une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé, délivrée par le préfet du Nord sur le fondement des dispositions alors en vigueur du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 2 octobre 2019, Mme B... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en invoquant un motif médical. Par un arrêté du 19 février 2021, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Mme B... relève appel du jugement du 3 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions :

2. Il ressort des visas et des motifs de l'arrêté du 19 février 2021 du préfet du Nord, que les considérations de droit sur lesquelles il s'est fondé pour refuser le titre de séjour sollicité et prononcer les décisions subséquentes ont été énoncées. Il résulte par ailleurs des termes de cet arrêté, notamment, l'indication selon laquelle, au regard de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et des éléments médicaux communiqués par Mme B..., son état de santé ne justifie plus son maintien en France. En outre, il ressort des énonciations de l'arrêté attaqué, que le préfet du Nord n'a ignoré, ni la présence en France de ses deux enfants, ni leur âge, ni leurs situations personnelles. La circonstance que le préfet n'ait pas mentionné tous les éléments factuels relatifs à la situation médicale et familiale de l'intéressée n'est ainsi pas de nature à faire regarder cette motivation comme insuffisante. Ces considérations de fait étant suffisamment développées pour mettre utilement Mme B... en mesure de discuter les motifs de cet arrêté et le juge d'exercer son contrôle en pleine connaissance de cause, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contenues dans l'arrêté attaqué doit être écarté.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord a versé en première instance l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émis le 28 février 2020, lequel comporte toutes les mentions prévues à l'article 6 de l'arrêté du 27 septembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cet avis, qui a été émis au vu du rapport du médecin instructeur, comporte les signatures électroniques des trois médecins membres du collège médical de l'OFII et est revêtu de la mention " après en avoir délibéré ", qui fait foi quant au caractère collégial de cette délibération. L'appelante, qui se borne devant la cour à soutenir que l'avis a fait l'objet d'un traitement informatique et de signatures électroniques, ne présente pas d'éléments permettant d'établir qu'il n'aurait pas été rendu en collégialité.

5. Il en résulte que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'avis émis le 28 février 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration serait irrégulier. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de délivrance de son titre de séjour aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) ". L'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté ". Enfin, l'article 6 du même arrêté dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement ".

7. En vertu des dispositions citées au point 3 et au point précédent, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 313-11, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 cité au point précédent, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

8. Par son avis en date du 28 février 2020, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale, son défaut n'entraînerait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Afin de contester le sens de cet avis, Mme B... a produit, en première instance, des éléments médicaux relatifs aux pathologies dont elle souffre et qui ont motivé sa demande de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé. Il ressort de ces certificats médicaux et pièces qu'elle est atteinte de légers troubles cognitifs pour lesquels la qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue et qu'elle a subi une éviscération oculaire gauche à la suite de laquelle la pose d'une prothèse a été réalisée. Sur ce second point, un certificat établi le 9 avril 2021 par un oculariste, indique que son appareillage doit être changé en 2022 puis selon un rythme de six ans entre chaque prothèse avec un repolissage de la prothèse tous les six mois. Un second certificat du même praticien du 26 juillet 2021, atteste qu'à la suite de la pose de la prothèse définitive en octobre 2021, un suivi régulier dans son cabinet au rythme d'une à deux fois par an sera nécessaire en raison de problèmes de sécrétions et d'écoulements. Ces éléments médicaux permettent au juge d'être suffisamment informé sur la situation de l'intéressée de sorte qu'il n'apparaît pas nécessaire de demander la communication de l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII. Toutefois, ils ne sont pas de nature à contredire l'appréciation portée par ce collège sur la gravité des pathologies dont elle souffre et sur les éventuelles conséquences d'une absence de prise en charge. En outre, les documents que Mme B... a produits en cause d'appel, relatifs à une consultation du 5 juillet 2022 auprès d'un gynécologue-obstétricien, sont sans rapport avec les pathologies pour lesquelles elle avait sollicité initialement son titre de séjour et en tout état de cause, ils ne mettent en évidence aucun risque pour sa santé. Par ailleurs la circonstance que Mme B... avait antérieurement été mise en possession d'un titre de séjour pour raisons médicales, valable du 19 mars au 18 septembre 2019, n'est par elle-même pas de nature à invalider l'avis rendu par ce collège et la décision prise par le préfet de ne pas le renouveler. Dans ces conditions, et comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le préfet du Nord n'a pas fait une inexacte application, à sa situation, des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant un droit au séjour sur ce fondement.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

10. Mme B... se prévaut d'une durée de séjour de presque dix années sur le territoire français, de la présence en France de ses deux enfants, respectivement nés le 25 mars 1998 et le 26 avril 2013. Si l'intéressée, selon ses déclarations, serait entrée en France le 9 mai 2011, il apparaît qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français entre le 14 septembre 2012, date à laquelle elle s'est désistée auprès de la CNDA de sa contestation du rejet opposé le 17 avril 2012 par l'OFPRA à sa demande d'asile et le 25 avril 2019, date à laquelle le préfet du Nord l'a admise à séjourner en raison de son état de santé. Si, elle fait valoir que ses attaches familiales s'ancrent sur le territoire français, elle n'établit pas d'avantage en appel qu'en première instance l'existence et l'intensité des liens qu'elle aurait maintenus avec son fils aîné séjournant sur le territoire français. De la même manière, elle ne produit aucun élément de nature à établir que son ex-conjoint lui aussi de nationalité arménienne et par ailleurs père de son fils mineur se trouverait encore sur le territoire français en dépit d'une mesure d'éloignement prononcée par arrêté du 31 mai 2019. En outre, s'il ressort des pièces du dossier qu'elle élève seule son fils né et scolarisé en France et âgé de huit ans à la date de la décision attaquée, elle n'établit pas que le père de l'enfant contribuerait à l'éducation et aux besoins de celui-ci. Enfin, si Mme B... bénéficie de la reconnaissance du statut de travailleur handicapé depuis le 11 octobre 2018 et manifeste la volonté de s'intégrer dans un parcours professionnel adapté à sa situation, comme l'atteste son admission à un stage au sein d'un établissement d'aide par le travail, ces seuls éléments ne sont pas de nature à justifier d'une insertion sociale ou professionnelle d'une particulière intensité sur le territoire français. Dans ces conditions, dès lors qu'il n'apparaît pas qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine et que le jeune âge de son fils ne fait pas obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Arménie, en refusant de lui accorder une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé, le préfet du Nord n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision litigieuse, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

12. Ainsi qu'il a été dit au point 10, l'ex-conjoint de Mme B..., de même nationalité, ne séjourne plus en France et n'a plus vocation à y séjourner, de sorte qu'à supposer qu'il entretienne encore des liens avec leur fils, la décision critiquée n'aurait pas pour effet de priver l'enfant de l'un ou l'autre de ses parents. Par conséquent, rien ne fait obstacle à ce que l'enfant, qui est encore jeune et dont il n'est pas établi que le handicap dont il est atteint lui interdirait de bénéficier d'une scolarité adaptée hors de France, accompagne sa mère en Arménie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

13. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 12, les moyens tirés de ce que la décision refusant un titre de séjour à Mme B... est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et d'un défaut d'examen sérieux doivent être écartés.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 13, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour doit être écarté.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

16. Comme il a été dit au point 8, l'état de santé de Mme B... ne nécessite pas une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En outre, l'intéressée n'apporte aucun élément indiquant qu'elle ne pourrait voyager sans risque. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

17. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 12, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que l'obligation faite à Mme B... de quitter le territoire français, porte une atteinte disproportionnée aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

18. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 14 à 17, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

19. Il résulte des points 14 à 17 que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, base légale de la décision fixant le pays de renvoi, ne peut qu'être écarté.

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Emilie Dewaele.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 18 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 22DA00610 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00610
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-10;22da00610 ?
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