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27/10/2022 | FRANCE | N°22DA00714

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 27 octobre 2022, 22DA00714


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 novembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2104472 du 7 janvier 2022, le magistrat désigné

par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 novembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2104472 du 7 janvier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2022, M. E..., représenté par Me Bidault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen personnalisé de sa situation personnelle et familiale ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que deux de ses enfants mineurs, sur lesquels il dispose de l'autorité parentale, sont dans l'attente d'une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur leur demande d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

- cette décision devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît le principe de non-refoulement prévu à l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

- cette décision méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Par une décision du 10 mars 2022, M. E... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative aux réfugiés ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... E..., ressortissant nigérian né le 16 novembre 1985 à Benin City (Nigeria), est entré en France au cours du mois de janvier 2015, selon ses déclarations. Il a formé, le 29 octobre 2015, une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 25 avril 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 19 décembre 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. En conséquence de ce rejet, le préfet de la Seine-Maritime, par un arrêté du 27 février 2017, a refusé d'admettre M. E... au séjour au titre de l'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. E..., qui s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, a sollicité, à deux reprises, le réexamen de sa situation au regard du droit d'asile et ses demandes ont été rejetées, en dernier lieu, par une décision du 28 février 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 20 octobre 2020 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 17 juillet 2020, devenu définitif, le préfet de la Seine-Maritime a refusé à M. E... la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. E..., qui n'a pas déféré à cette mesure d'éloignement, a été convoqué dans le cadre d'une enquête diligentée par le service de la police aux frontières qui a permis de confirmer l'irrégularité de son séjour en France. Par un nouvel arrêté du 17 novembre 2021, le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. E... relève appel du jugement du 7 janvier 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Si M. E... soutient que les motifs de l'arrêté contesté ne font pas, à tort, mention de ce que ses filles jumelles, C... et A..., nées le 10 juin 2016, se sont vu délivrer une attestation de demande d'asile, qui a été renouvelée jusqu'au 24 avril 2022, il ressort des pièces du dossier que les demandes d'asile formées dans l'intérêt de chacune de ces deux enfants ne sont plus pendantes devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, contrairement à ce que M. E... allègue, mais qu'elles ont été rejetées, dans le cadre de la procédure accélérée, par des décisions du 13 octobre 2020 de l'Office qui ont été notifiées à celles-ci, par leurs représentants légaux, le 10 novembre 2020, c'est-à-dire à une date antérieure à celle de l'arrêté contesté, la circonstance que des recours ont été formés devant la Cour nationale du droit d'asile étant, par elle-même, dépourvue d'incidence sur le droit des intéressées de se maintenir durablement sur le territoire français. Ainsi, le fait que les motifs de cet arrêté ne comportent pas cette précision concernant la situation des deux filles jumelles de M. E... n'a, dans les circonstances de l'espèce, pas eu d'incidence sur le sens de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a fait obligation à ce dernier de quitter le territoire français. Il en est de même du fait que les motifs de l'arrêté contesté retiennent à tort, sur la base au demeurant des déclarations peu précises de M. E... lors de son audition, que les quatre enfants de l'intéressé qui vivent en France sont issus de sa relation avec la compatriote avec laquelle il allègue vivre en concubinage, alors que le plus jeune, B..., est, en réalité, issu d'une relation avec une autre compatriote, titulaire d'une carte de séjour temporaire en cours de validité, dès lors que, par les seules photographies et attestations peu circonstanciées qu'il verse au dossier, M. E... ne peut être regardé comme justifiant d'une contribution effective à l'éducation, ni même à l'entretien de cet enfant, avec lequel, selon ses propres écriture, il ne vit pas.

3. Eu égard notamment à ce qui a été dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision faisant obligation à M. E... de quitter le territoire français n'aurait pas été précédée, en dépit de la relative confusion affectant les motifs de l'arrêté contesté, d'un examen particulier de sa situation.

4. Aux termes de l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) ". En vertu de l'article R. 521-8 du même code, dans le cas où le demandeur d'asile fournit les justificatifs requis celui-ci est mis en possession, si l'examen de la demande relève de la compétence de la France, de l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7, sauf s'il entre dans un cas autorisant le préfet territorialement compétent à lui refuser cette délivrance.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 2, si les filles jumelles de M. E... étaient, à la date de l'arrêté contesté, chacune en possession d'une attestation de dépôt de demande d'asile en cours de validité, il ressort des pièces du dossier que leur demande d'asile avait, à cette date, fait l'objet d'une décision de rejet et que, dans ces conditions, les intéressées n'étaient pas en situation de prétendre à une admission au séjour pérenne sur le territoire français, quand bien même elles étaient autorisées à s'y maintenir le temps nécessaire à l'examen du recours qu'elles avaient, chacune, introduit, par leurs représentants légaux, devant la Cour nationale du droit d'asile. En outre, si M. E... soutient qu'il est titulaire de l'autorité parentale sur ses filles jumelles, il n'établit pas l'exercer alors que les pièces qu'il a versées au dossier, constituées pour l'essentiel d'attestations peu circonstanciées, de la copie incomplète d'un bail ne comportant pas la signature des preneurs et de quittances de loyers comportant le seul nom de M. E..., ne sont pas de nature à lui permettre de justifier d'une vie commune avec la mère de ses filles jumelles, ni même de liens réels avec celles-ci. De même, M. E... ne conteste pas que cette autorité sur ses filles jumelles est, en tout état de cause, partagée avec la mère de celles-ci, qui est en mesure de les représenter et de les accompagner dans le cadre de l'instruction de leur recours devant la Cour nationale du droit d'asile. Il suit de là que le moyen tiré par M. E... de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions, citées au point précédent, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, M. E..., dont les filles jumelles ne peuvent être regardées comme ayant la qualité de mineur non accompagné, au sens des dispositions de l'article R. 521-18 de ce code, ne peut utilement soutenir que, pour lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu ces dispositions.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. E..., qui, selon ses déclarations, est entré en France au cours du mois de janvier 2015, se prévaut de la relation affective qu'il a nouée avec une compatriote avec laquelle il a eu trois enfants, à savoir ses filles jumelles, nées le 10 juin 2016, et un garçon, John, né le 20 juin 2019. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, les pièces qu'il verse au dossier, constituées pour l'essentiel d'attestations peu circonstanciées, ne permettent pas à M. E... de justifier d'une vie commune effective avec cette compatriote, qui, d'ailleurs, ne disposait d'aucun droit au séjour à la date d'édiction de l'arrêté contesté, ni même de liens avec les enfants nés de sa relation avec celle-ci. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que celle que M. E... désigne comme sa compagne ne serait pas à même de le rejoindre dans leur pays d'origine, où l'intéressé n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales pour y avoir habituellement vécu durant près de trente ans et pour y avoir, selon ses propres déclarations, laissé un enfant mineur. Si M. E... fait état, par ailleurs, de la naissance, le 12 octobre 2020, d'un autre fils, issu de sa relation récente avec une autre compatriote, titulaire d'une carte de séjour temporaire en cours de validité, les seules photographies et attestations peu circonstanciées qu'il produit ne peuvent suffire à lui permettre de justifier d'une contribution effective à l'éducation, ni même à l'entretien, de cet enfant à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions et eu égard à la durée ainsi qu'aux conditions du séjour de M. E... en France, la décision lui fait obligation de quitter le territoire français n'a, malgré sa participation à un atelier d'insertion portant sur la récupération et la rénovation de meubles, pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette décision en vue desquels elle a été prise. En conséquence, cette décision ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision ne peut davantage être regardée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. E....

8. Aux termes des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant: " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

9. En l'absence de justification, par M. E..., d'une contribution effective de sa part, à la date de l'arrêté contesté, à l'éducation ou à l'entretien, d'une part, de ses filles jumelles et de son fils, avec lesquels il n'établit pas vivre, d'autre part, de son plus jeune fils, issu d'une autre union, le préfet de la Seine-Maritime ne peut être tenu comme ayant porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ces enfants, ni comme ayant méconnu les stipulations précitées du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision portant refus d'attribution d'un délai de départ volontaire :

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que la décision faisant obligation à M. E... de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision refusant de lui accorder un délai pour quitter volontairement le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. Si, en vertu de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dispose en principe d'un délai de trente jours pour y satisfaire, l'article L. 612-2 de ce code dispose toutefois que l'autorité administrative peut refuser de lui accorder un délai de départ volontaire lorsque, notamment, selon le 3° de cet article, il existe un risque que l'intéressé se soustraie à cette obligation. L'article L. 612-3 du même code précise que ce risque est regardé comme établi, sauf circonstances particulières, lorsque notamment, selon le 3° de cet article, l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement, ou lorsque, selon le 5° de cet article, l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ou encore, selon le 8° du même article, lorsque l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

12. Il n'est pas contesté que, comme le relèvent les motifs de l'arrêté contesté, M. E..., d'une part, n'a pu présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, d'autre part, n'a pas déféré à deux mesures d'éloignement prononcés précédemment à son encontre, enfin, n'a accompli aucune démarche, depuis le rejet de sa dernière demande de titre de séjour, afin d'obtenir une régularisation de sa situation administrative et s'est sciemment maintenu irrégulièrement sur le territoire français. M. E... entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions des 3°, 5° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorisant l'autorité préfectorale à refuser de lui accorder un délai de départ volontaire. En outre, pour les motifs énoncés aux points 2 et 5, la circonstance que les filles jumelles de M. E... aient formé, à une date antérieure à celle de l'arrêté contesté, un recours devant la Cour nationale du droit d'asile contre les décisions rejetant leurs demandes d'asile n'impliquait pas nécessairement qu'un délai de départ volontaire soit accordé à l'intéressé. Ainsi, les moyens tirés de ce que le préfet de la Seine-Maritime, pour refuser d'accorder à M. E... un délai de départ volontaire, a méconnu les dispositions susmentionnées des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que la décision faisant obligation à M. E... de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit d'office devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

14. Eu égard à ce qui a été dit aux points 2 et 5 en ce qui concerne le sort de la demande d'asile formée par chacune des filles jumelles de M. E... et la nature du droit au séjour dont celles-ci pouvaient se prévaloir, le moyen tiré par l'intéressé de ce que le préfet de la Seine-Maritime, pour désigner le Nigeria au nombre des pays à destination desquels il pourra être reconduit d'office, a méconnu le principe de non refoulement des réfugiés énoncé à l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

15. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".

16. Eu égard à ce qui a été dit au point 7 en ce qui concerne la vie privée et familiale de M. E... et en l'absence de justification, par l'intéressé, de liens effectif avec ses quatre enfants vivant en France, le préfet de la Seine-Maritime, pour estimer qu'aucune circonstance humanitaire ne justifiait qu'il n'édicte pas d'interdiction de retour ou qu'il en fixe une durée inférieure à deux ans, n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas davantage commis d'erreur d'appréciation.

17. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Maritime, pour faire interdiction à M. E... de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, aurait porté, en méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, une attention insuffisante à l'intérêt supérieur des quatre enfants de l'intéressé qui demeurent en France ne peut qu'être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles qu'il présente sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bidault.

Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 13 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°22DA00714

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00714
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-27;22da00714 ?
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