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18/10/2022 | FRANCE | N°22DA00608

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 22DA00608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de son renvoi et a assorti sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Il a également demandé à ce tribunal d'enjoindre sous astreinte à l'autorité administrative compé

tente de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de son renvoi et a assorti sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Il a également demandé à ce tribunal d'enjoindre sous astreinte à l'autorité administrative compétente de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter du jugement, ou, à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours en lui délivrant durant cet examen une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2103992 du 14 février 2022, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté du 17 septembre 2021 en tant qu'il interdit à M. A... de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mars 2022, le préfet de la Seine-Maritime, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.

Il soutient que :

- l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans était parfaitement fondée ; c'est donc à tort que le tribunal administratif a annulé cette décision ;

- il s'en remet pour le surplus à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2022, M. A..., représenté par Me Azia Mumtaz Taj, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 14 février 2022 en ce qu'il a rejeté ses demandes d'annulation des décisions du 17 septembre 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Il demande en conséquence qu'il soit enjoint à l'autorité administrative compétente de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Dans tous les cas, il demande la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que:

- le refus d'admission au séjour a été pris par un signataire qui n'avait pas compétence pour ce faire ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet ne s'est pas livré à un examen sérieux de sa situation ;

- le préfet aurait dû recueillir l'avis de la commission du titre de séjour ;

- le refus d'admission au séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de fait ;

- elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de celle du refus de titre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant pakistanais, déclare être entré en France le 4 novembre 2013. Par arrêté du 17 septembre 2021, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa dernière demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un jugement du 14 février 2022, le tribunal administratif de Rouen a uniquement annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des demandes de M. A.... Le préfet de la Seine Maritime relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français et M. A..., par la voie de l'appel incident, demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions visant les autres décisions.

Sur l'appel principal et le moyen d'annulation de l'interdiction de retour retenu par le tribunal administratif de Rouen :

2. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " et aux termes de l'article L. 612-9 du même code : " Sauf s'il n'a pas satisfait à une précédente décision portant obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, les articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ne sont pas applicables à l'étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application des articles L. 425-1 ou L. 425-3 n'a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d'un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre Etat membre de l'Union européenne, il n'a pas rejoint le territoire de cet État à l'expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti. ". Enfin, l'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.

Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

3. En l'espèce, M. A... déclare être entré en France le 4 novembre 2013 et il y a demandé l'asile, le 23 mai 2014. Si sa demande a été rejetée par décision du 13 août 2015 de l'Office français des réfugiés et apatrides, confirmée par décision du 11 février 2016 de la Cour nationale du droit d'asile, il a sollicité le 9 mars 2017 un titre de séjour en raison de son état de santé et l'a obtenu pour la période du 20 octobre 2017 au 13 septembre 2018. Il a sollicité le renouvellement de ce titre le 3 octobre 2018. Le 31 juillet 2019, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... a à nouveau demandé son admission au séjour le 5 novembre 2020. M. A... s'est maintenu de manière irrégulière sur le territoire français à la suite des décisions du 31 juillet 2019 et ne fait pas valoir d'attaches privées et familiales en France, où il s'est maintenu pour bénéficier de soins à la suite de son hospitalisation en 2016. Toutefois, il justifie avoir régulièrement travaillé depuis novembre 2017 et notamment de manière quasi-continue comme carreleur de juin 2018 au 30 septembre 2019. M. A... justifiait donc d'au moins sept ans de présence en France à la date de la décision portant interdiction de retour. Il est également constant qu'il ne représentait pas une menace pour l'ordre public. Par suite, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé, eu égard à la durée de présence en France de M. A..., à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé sa décision d'interdiction de retour d'une durée de deux ans pour erreur d'appréciation.

Sur l'appel incident :

En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions du 17 septembre 2021 :

4. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Rouen, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 17 septembre 2021.

En ce qui concerne les moyens propres à la décision de refus de titre :

5. La décision de refus de titre cite ou, à défaut, vise les textes dont elle fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. En particulier, le préfet considère que M. A... " peut bénéficier de soins en cas de retour dans son pays, d'autant qu'il n'établit pas ne pas y avoir accès ". Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre ne peut qu'être écarté.

6. M. A... ne justifie d'aucune attache privée ou familiale en France. S'il justifie y avoir bénéficié de soins depuis son hospitalisation en 2016 et avoir travaillé dans le bâtiment à plusieurs reprises depuis 2017 et notamment de manière quasi-continue comme carreleur de juin 2018 au 30 septembre 2019, ces seuls éléments ne suffisent pas à justifier l'intensité de son insertion en France. Si M. A... déclare être entré en France le 4 novembre 2013 et y a demandé l'asile le 23 mai 2014, sa demande d'asile a été définitivement rejetée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 17 février 2016, il n'a demandé un titre de séjour sur un autre fondement que le 9 mars 2017 et il ne conteste pas s'être également maintenu irrégulièrement à la suite de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours prononcée à son encontre par le préfet de la Seine-Maritime, le 31 juillet 2019. Par ailleurs, l'intéressé ne démontre pas être isolé dans son pays où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans et où demeurent son épouse et ses deux enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

7. Si M. A... établit qu'il fait l'objet d'un suivi médical régulier et d'un traitement de longue durée, il ne démontre pas ainsi qu'il ne pourrait avoir effectivement accès à ce traitement dans son pays d'origine. Si l'intéressé soutient qu'il doit faire l'objet d'un suivi régulier pour adapter son traitement, il n'établit pas que cette circonstance aurait une incidence sur son accès effectif aux soins dans son pays d'origine. Par suite, et compte tenu de ce qui a été dit au point 6, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

8. Le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des étrangers qui remplissent les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour. Il résulte de ce qui précède que M. A... ne rentre pas dans ce cas. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prononcer sa décision du 17 septembre 2021.

9. Il résulte de la décision elle-même comme des pièces du dossier et de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime s'est livré à un examen attentif de la situation de M. A.... Le moyen tiré du défaut d'examen doit donc être écarté.

En ce qui concerne les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. L'obligation de quitter le territoire français prise en application d'un refus de titre ne nécessite pas de motivation distincte de celle du refus de titre dès lors que celui-ci est motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français sont rappelées. En l'espèce, le refus de titre est suffisamment motivé et l'arrêté cite le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11 Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : /.../ 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; /... " . Le préfet n'a donc commis aucune erreur de droit, ni de fait en obligeant M. A..., à qui il venait, par le même arrêté de refuser l'admission au séjour, à quitter le territoire français.

12. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 et 7, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. A... ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du préfet de la Seine-Maritime doit être rejetée, de même que l'appel incident de M. A... en tant qu'il demande l'annulation des autres décisions que l'interdiction de retour sur le territoire français contenues dans l'arrêté du 17 septembre 2021. Le présent arrêt n'implique donc aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fins d'injonction de M. A... doivent également être rejetées.

En ce qui concerne les moyens propres à la décision fixant le pays de renvoi :

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 13 que le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, la décision fixant le pays de renvoi n'a pas pour base légale la décision de refus de titre ni n'est prise en application de la décision de refus de titre. Le moyen tiré de l'illégalité de cette décision est donc inopérant.

Sur les frais du litige :

15. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, la présente instance n'a donné lieu à aucun dépens qui ne soit resté à la charge de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 8 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°22DA00608 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00608
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-18;22da00608 ?
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