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18/10/2022 | FRANCE | N°21DA01595

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 21DA01595


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Oise a modifié l'autorisation accordée au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement portant sur la création d'un stade de football sur la parcelle cadastrée section AR n° 36 à Chambly.

Par un jugement n°1900657 du 12 mai 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cou

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Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 juillet 2021 et le 14 janvier 2022, la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Oise a modifié l'autorisation accordée au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement portant sur la création d'un stade de football sur la parcelle cadastrée section AR n° 36 à Chambly.

Par un jugement n°1900657 du 12 mai 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 juillet 2021 et le 14 janvier 2022, la commune de Chambly, représentée par Me Philippe Bluteau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 mai 2021 ;

2°) de rejeter les demandes de l'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches ;

3°) de mettre à la charge de l'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le terrain d'assiette de l'opération d'aménagement est inférieur à dix hectares ; par suite aucune évaluation environnementale n'était nécessaire ;

- l'absence de preuve du dépôt du dossier de déclaration est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie ;

- l'arrêté du 7 décembre 2018 ne comporte ni inexactitude, ni incohérence ;

- cet arrêté se fonde sur des faits matériellement exacts, tant en ce qui concerne les terrains d'assiette, les surfaces remblayées et leurs aménagements que le périmètre et l'assiette du projet ;

- il n'y a pas eu de modification substantielle du projet tel qu'il avait été autorisé par l'arrêté du 15 janvier 2016 ;

- il n'est pas établi que le projet porte atteinte à la faune et à la flore, ni que l'arrêté du 7 décembre 2018 serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne les dégradations de l'environnement qui font l'objet de compensations dans le projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2021, l'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches, représentée par Me Jean-Guy Voisin, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Chambly de la somme de 5 000 euros, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- la superficie du projet est supérieure à dix hectares ; par suite, une évaluation environnementale était nécessaire ;

- à titre subsidiaire s'il est retenu que le projet portait sur une superficie de moins de dix hectares, il aurait dû faire l'objet d'un nouvel examen au cas par cas ;

- au surplus, la modification du projet était substantielle et nécessitait pour ce motif une évaluation environnementale ;

- le projet aurait dû faire l'objet d'une consultation du public.

La ministre de la transition écologique a été mise en demeure de produire par courrier du 12 octobre 2021 et n'a pas répondu.

Par une ordonnance du 23 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au même jour en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

L'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 septembre 2021du tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Chambly a souhaité construire un nouveau stade de football et aménager des terrains de part et d'autre de l'Esches autour de cet équipement. Elle a obtenu à cette fin une autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement par arrêté préfectoral du 15 janvier 2016. La commune a modifié son projet et la préfète de l'Oise a délivré une nouvelle autorisation par arrêté du 7 décembre 2018. Saisi par l'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches (AAVE), le tribunal administratif d'Amiens a annulé, par jugement du 12 mai 2021, cet arrêté. La commune de Chambly relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes du I de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. / Cette autorisation est l'autorisation environnementale régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier, sans préjudice de l'application des dispositions du présent titre. ". Aux termes de l'article R. 214-6 du même code : " L'autorisation instituée par le I de l'article L. 214-3 est délivrée dans les conditions prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier. ". L'article L. 181-8 du même code ainsi rendu applicable dispose que : " Le pétitionnaire fournit un dossier dont les éléments, lorsqu'ils sont communs à toutes les demandes d'autorisation environnementale, sont fixés par le décret en Conseil d'Etat prévu par l'article L. 181-31 et qui comprend notamment l'étude d'impact prévue par le III de l'article L. 122-1 ou une étude d'incidence environnementale lorsque le projet n'est pas soumis à évaluation environnementale. ".

3. D'autre part, aux termes du II de l'article L. 122-2 du même code : " Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale. / Pour la fixation de ces critères et seuils et pour la détermination des projets relevant d'un examen au cas par cas, il est tenu compte des données mentionnées à l'annexe III de la directive 2011/92/ UE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. ". Le II de l'article R. 122-2 du même code prévoit que : " Les modifications ou extensions de projets déjà autorisés, qui font entrer ces derniers, dans leur totalité, dans les seuils éventuels fixés dans le tableau annexé ou qui atteignent en elles-mêmes ces seuils font l'objet d'une évaluation environnementale ou d'un examen au cas par cas. ". La rubrique 39 de l'annexe dans sa version applicable soumet à évaluation environnementale : " Opérations d'aménagement dont le terrain d'assiette est supérieur ou égal à 10 ha, ou dont la surface de plancher au sens de l'article R. 111-22 du code de l'urbanisme ou l'emprise au sol au sens de l'article R. * 420-1 du code de l'urbanisme est supérieure ou égale à 40 000 m2. ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'un projet soumis à autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement doit comporter une étude d'impact s'il est soumis à évaluation environnementale, ce qui est le cas s'il est lié à une opération d'aménagement dont le terrain d'assiette est supérieur ou égal à dix hectares.

5. Il n'est pas contesté en l'espèce que les travaux envisagés par la commune de Chambly dans le bassin versant de l'Esches étaient soumis à autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement et étaient liés à l'opération d'aménagement réalisée par la commune afin d'aménager un stade de football, des parkings et des installations sportives de part et d'autre des rives de l'Esches.

6. Si la commune conteste que le projet porte sur une superficie supérieure ou égale à dix hectares et nécessite donc une évaluation environnementale, le plan des surfaces concernées par le projet joint au porter à connaissance adressé par la commune au préfet le 7 novembre 2018 a fait état d'une surface totale de l'opération de 102 000 mètres carrés. De même le tableau des surfaces de l'opération adressé au préfet le 24 octobre 2018, à la suite de ses demandes portant sur la première version du porter à connaissance, a confirmé cette superficie supérieure à dix hectares. La commune n'apporte aucune explication ou justification probante permettant de retirer certaines surfaces mentionnées dans ces documents de la superficie totale de l'opération.

7. En particulier, si le tableau précédemment mentionné fait état de parcelles en rive gauche, non traitées dans l'opération pour une superficie de 9 800 mètres carrés, le même tableau rattache ces parcelles au bassin versant de l'Esches. Par ailleurs, les plans joints au porter à connaissance indiquent que des parcelles contiguës aux terrains d'entraînement, objet du projet, en rive gauche de l'Esches supportent des aménagements nécessaires à la gestion des eaux pluviales résultant des équipements construits sur les autres parcelles du projet. La commune ne démontre donc pas que les parcelles dont elle demande que leur superficie ne soit pas prise en compte dans le projet sont sans lien avec l'opération d'aménagement dans son ensemble. Or le terrain d'assiette d'un projet doit s'entendre comme la surface des parcelles cadastrales qui supportent ce projet, ainsi que le relève d'ailleurs le guide de lecture de la nomenclature de la loi sur l'eau, édité par le ministère de la transition écologique. De plus, la demande du 4 juin 2018 de permis d'aménager portant sur la même opération fait état d'une surface de 102 141 mètres carrés, le récapitulatif des parcelles cadastrales concernées confirmant cette superficie.

8. La superficie de l'opération étant donc supérieure à dix hectares, celle-ci devait être soumise à évaluation environnementale en application des dispositions rappelées au point 2. Par suite, la commune de Chambly n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens, par le jugement du 12 mai 2021, a annulé pour ce motif l'arrêté du 7 décembre 2018.

9. En second lieu, aux termes de l'article L.181-14 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-32. (...) " et aux termes de l'article R. 181-46 du même code : " Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : / 1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; / 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; / La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale. " .

10. En l'espèce, le projet modifié dont le terrain d'assiette était supérieur à dix hectares devait faire l'objet d'une évaluation environnementale. Par suite, la modification du projet constituait une modification substantielle des travaux soumise à autorisation environnementale. L'opération nécessitait donc la délivrance d'une nouvelle autorisation, ce qui supposait la reprise de la procédure de la demande d'autorisation ab initio dans les conditions fixées par l'article L. 181-9 du code de l'environnement, comprenant notamment une phase de consultation du public. Or, le préfet, considérant qu'il était seulement saisi d'une modification notable, a modifié l'autorisation initiale en fixant des prescriptions complémentaires sans imposer au pétitionnaire de déposer une nouvelle demande d'autorisation environnementale. Il a donc méconnu les dispositions citées au point 9.

11. La commune de Chambly n'est en conséquence pas fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a également retenu ce second motif pour annuler l'arrêté du 7 décembre 2018.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Chambly au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Chambly, la somme de 2 000 euros à verser au conseil de l'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Chambly est rejetée.

Article 2 : La commune de Chambly versera la somme de 2 000 euros à Me Jean-Guy Voisin au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Voisin renonce à percevoir la somme correspondante à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches, à la commune de Chambly, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à Me Jean-Guy Voisin.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 8 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

Le président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA01595 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01595
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : BLUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-18;21da01595 ?
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