La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2022 | FRANCE | N°22DA00706

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 13 octobre 2022, 22DA00706


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le préfet du Nord a prononcé son transfert aux autorités allemandes, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2200558 du 28 février 2022, la magistrate désignée par la

présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le préfet du Nord a prononcé son transfert aux autorités allemandes, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2200558 du 28 février 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mars 2022, M. B..., représenté par Me Tourbier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200558 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2021 par lequel le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités Allemandes ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de prendre en charge l'instruction de sa demande d'asile ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entachée d'un défaut d'examen particulier et sérieux de sa situation ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une ordonnance du 2 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2022.

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 avril 2022 refusant à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Sauveplane, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant ivoirien né en décembre 2003, est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2016 selon ses déclarations. Il a déposé le 3 janvier 2022 une demande d'admission au séjour au titre de l'asile. Toutefois, la consultation par l'administration du fichier " Eurodac " a permis d'établir que M. B... était connu, en tant que demandeur d'asile, des autorités autrichiennes et allemandes qui avaient prélevé ses empreintes digitales les 17 novembre 2017 et 25 février 2018. Par un arrêté du 31 janvier 2022, le préfet du Nord a prononcé le transfert de M. B... aux autorités allemandes. M. B... relève appel du jugement du 28 février 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet du Nord, pour prononcer le transfert de M. B... aux autorités allemandes a procédé à un examen particulier et attentif de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. B... doit être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...) ".

4. D'une part, la faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

5. D'autre part, l'Allemagne étant membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption n'est toutefois pas irréfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systématiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités allemandes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

6. M. B... déclare avoir quitté son pays en 2015 et être entré en France en 2016 après être passé par l'Italie. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance le 28 mars 2019 puis a bénéficié d'un contrat jeune majeur en décembre 2021. Toutefois, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet du Nord, pour prononcer le transfert de M. B... vers les autorités allemandes, a relevé que l'intéressé n'établit pas être exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Allemagne, qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France stable dès lors qu'il est entré récemment sur le territoire français. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'Allemagne ne procédera pas à l'examen de sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que cet Etat est membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, la circonstance que M. B... a conclu un contrat jeune majeur le 20 décembre 2021 ne permet pas par elle-même de regarder l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités allemandes comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, en ne faisant pas usage de la faculté qu'elles ouvrent de procéder à l'examen de sa demande d'asile.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de M. B... à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ne peuvent qu'être également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 29 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. E... D..., premier-conseiller,

- M. G... A..., premier-conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.

Le président, rapporteur,

Signé : M. F... Le conseiller le plus ancien,

Signé : B. D...

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA00706 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00706
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sauveplane
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-13;22da00706 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award