La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2022 | FRANCE | N°21DA02844

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 13 octobre 2022, 21DA02844


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de la région de Saint-Omer a lui verser la somme globale de 43 391,06 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité du licenciement dont elle a fait l'objet le 3 décembre 2015.

Par un jugement n° 1908204 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de la région de Saint-Omer à lui verser la somme de 500 euros et a rejeté

le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de la région de Saint-Omer a lui verser la somme globale de 43 391,06 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité du licenciement dont elle a fait l'objet le 3 décembre 2015.

Par un jugement n° 1908204 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de la région de Saint-Omer à lui verser la somme de 500 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2021, Mme B..., représentée par Me Benjamin Ingelaere, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier de la région de Saint-Omer à lui verser la somme globale de 43 391,06 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la région de Saint-Omer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si les premiers juges ont estimé que son préjudice financier n'était pas établi au motif qu'elle bénéficiait d'une proposition d'emploi équivalente qu'elle a refusée, le poste ainsi proposé ne correspondait ni à ses fonctions, ni à ses qualifications ;

- à la suite de son licenciement, le centre hospitalier a procédé à un recrutement sur son poste de conseillère conjugale et familiale, ce qui démontre l'absence de suppression de celui-ci ;

- l'illégalité de son licenciement eu égard à son état de grossesse constaté le 17 novembre 2015 lui ouvre droit à l'indemnisation totale de ses préjudices financier et moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2022, le centre hospitalier de la région de Saint-Omer, représenté par Me Jean-François Ségard, conclut :

1°) à titre principal, à l'annulation du jugement du 13 décembre 2021 et au rejet des demandes indemnitaires présentées par Mme B... ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la cour confirme le jugement attaqué ;

3°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Lille sont irrecevables dès lors qu'elles ont été présentées après l'expiration du délai de deux mois visé dans la décision du 25 août 2018 ;

- il n'a commis aucune faute ;

- Mme B... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice financier, ni moral.

Par une ordonnance du 27 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Mme B... et de Me Justine Chochois, substituant Me Jean-François Ségard, représentant le centre hospitalier de la région de Saint-Omer.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... a été recrutée le 23 novembre 2010 par le centre hospitalier de la région de Saint-Omer, au sein du centre de planification et d'éducation familiale en qualité d'adjoint administratif et conseillère en économie sociale et familiale. Son contrat à durée déterminée a été renouvelé jusqu'au 30 juin 2012, puis remplacé par un contrat à durée indéterminée signé le même jour et prenant effet le lendemain. En raison de la reprise du centre de planification et d'éducation familiale par le département du Pas-de-Calais, Mme B... a été invitée, le 26 octobre 2015, à présenter sa démission, offre qu'elle a déclinée le 18 novembre suivant. Par un courrier du 23 novembre 2015, Mme B... a été convoquée à un entretien pour évoquer son éventuel licenciement et, par une décision du 3 décembre 2015, le directeur du centre hospitalier de la région de Saint Omer a prononcé son licenciement en raison de la suppression de son emploi, à compter du 28 février 2016. Par un jugement n° 1601088 du 16 février 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision au motif que le centre hospitalier n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement. Ce jugement a été confirmé par un arrêt n° 17DA00427 du 28 mars 2018 de la cour administrative d'appel de Douai, devenu définitif.

2. Par une décision du 19 août 2019, le centre hospitalier de la région de Saint-Omer a refusé de faire droit à la demande préalable indemnitaire formée le 27 juin 2019 par Mme B.... Par une requête enregistrée le 23 septembre 2019, l'intéressée a demandé au tribunal administratif de Lille la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme globale de 43 391,06 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de son licenciement. Mme B... relève appel du jugement du 20 octobre 2021 par lequel le tribunal n'a fait que partiellement droit à sa demande en condamnant son ancien employeur à lui verser la somme de 500 euros au titre du préjudice moral résultant de l'illégalité fautive entachant la décision de licenciement et rejeté le surplus des conclusions de sa demande

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par le centre hospitalier :

3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction qu'en réponse au courrier du centre hospitalier du 13 juillet 2018 lui proposant une réintégration au sein de ses services, Mme B..., par un courrier du 10 août 2018, a décliné cette proposition et a émis le souhait de voir son conseil et celui du centre hospitalier de la région de Saint-Omer " se rapprocher afin d'envisager la compensation financière qui [lui] est due ". Compte tenu de ses termes, ce courrier ne peut être regardé comme constituant une demande indemnitaire préalable formée auprès du centre hospitalier. Ainsi, la décision du 22 août 2018 par laquelle le centre hospitalier a rejeté cette demande n'a pu commencer à faire courir le délai de recours. En revanche, la lettre du 29 juin 2019 par laquelle Mme B... a expressément demandé au centre hospitalier le versement de sommes en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estimait avoir subis présente le caractère d'une demande indemnitaire préalable. Ainsi, la décision du 19 août 2019 par laquelle le centre hospitalier a rejeté cette demande était seule de nature à lier le contentieux et ne peut être regardée comme confirmative de celle du 22 août 2018. Il suit de là que Mme B... ayant introduit sa demande de première instance le 23 septembre 2019 dans le délai de recours contentieux de deux mois ouvert contre la décision du 19 août 2019, la fin de non-recevoir soulevée par le centre hospitalier de la région de Saint-Omer doit être écartée.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne l'existence d'une faute en raison des conditions entourant le licenciement de Mme B... :

5. Aux termes des dispositions de l'article 14 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires, alors en vigueur : " Lorsque l'activité d'une personne morale de droit public employant des agents non titulaires de droit public est reprise par une autre personne publique dans le cadre d'un service public administratif, cette personne publique propose à ces agents un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires./Sauf disposition législative ou réglementaire ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération. (...) En cas de refus des agents d'accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique qui reprend l'activité applique les dispositions relatives aux agents licenciés ".

6. Il résulte des motifs de l'arrêt précité du 28 mars 2018 de la cour administrative d'appel de Douai qui est passé en force de chose jugée, et notamment des points 3 et 4, que la décision de licenciement prise le 3 décembre 2015 est illégale, d'une part, à raison de l'absence de démarches de reclassement de Mme B... et, d'autre part, de l'incompétence du centre hospitalier de la région de Saint-Omer pour procéder au licenciement de l'agent, cette compétence relevant du département du Pas-de-Calais qui a repris l'activité du centre de planification et d'éducation familiale. Ces illégalités tirées de l'incompétence et de la méconnaissance de l'obligation de reclassement sont constitutives d'une faute.

7. En revanche, si Mme B... soutient que le poste qui lui a été proposé dans le cadre du transfert des activités du centre de planification et d'éducation familiale comportait des missions différentes de celles qu'elle occupait au centre hospitalier, elle n'apporte pas d'élément précis sur ce point. En outre, les dispositions citées au point 5 prévoient que le contrat proposé par la personne morale qui reprend l'activité doit reprendre les clauses substantielles de l'ancien contrat mais ne précisent pas que les fonctions doivent être identiques au sein du nouvel employeur. Enfin, si Mme B... soutient que le centre hospitalier a profité de son départ pour recruter une nouvelle conseillère sur l'emploi qu'elle occupait, il est constant que l'appelante était directement rattachée au centre de planification et d'éducation familiale dont l'activité a été reprise par le département, que son départ est directement lié à ce transfert d'activité alors, en outre, qu'il n'est pas contesté que la nouvelle conseillère auprès du centre hospitalier exerce en qualité de travailleur indépendant. Aucune faute ne peut donc être retenue à ce titre.

En ce qui concerne l'existence d'une faute à raison de l'état de grossesse de Mme B... :

8. Aux termes de l'article 45 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Aucun licenciement ne peut être prononcé lorsque l'agent se trouve en état de grossesse, médicalement constatée (...). / Si le licenciement est notifié avant la constatation médicale de la grossesse (...), l'agent peut, dans les quinze jours de cette notification, justifier de son état par l'envoi d'un certificat médical (...). Le licenciement est alors annulé. (...) ".

9. Si Mme B... soutient avoir été victime de discrimination en raison de son état de grossesse, elle n'établit pas, en se bornant à produire une lettre du 18 novembre 2015 informant son employeur de sa situation non accompagnée de son certificat de grossesse, avoir transmis son certificat de grossesse au centre hospitalier dans les conditions prévues au point 8. Il résulte ainsi de l'instruction que son licenciement a seulement été motivé par la reprise de son poste de conseillère en économie sociale et familiale par le département du Pas-de-Calais et non par une volonté de son employeur de la discriminer en raison de sa grossesse. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que les parties ne sont pas fondées à remettre en cause l'appréciation faite par les premiers juges sur les fautes commises par le centre hospitalier de la région de Saint-Omer.

Sur les préjudices :

11. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'un vice d'incompétence ou d'un vice de procédure, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente et dans le cadre d'une procédure régulière. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence ou de procédure qui entachait la décision administrative illégale.

12. Il résulte de l'instruction que le préjudice financier allégué repose sur le refus de Mme B... de signer le nouveau contrat proposé par le département du Pas-de-Calais dans le cadre du transfert du centre de planification et d'éducation familiale alors que, comme il a été dit au point 7, Mme B... n'établit pas que les clauses substantielles de son contrat à durée indéterminée signé le 30 juin 2012 n'auraient pas été reprises par le département. En outre, Mme B... a continué à exercer ses fonctions sous le statut de vacataire et il ressort de ses fiches de paye pour les années 2016, 2017 et 2018 que ses revenus ont été largement supérieurs à ceux qu'elle percevait au centre hospitalier. Dès lors, aucun préjudice financier ne peut être constaté.

13. Par ailleurs, Mme B... ayant refusé les deux emplois qui lui avaient été proposés par le département du Pas-de-Calais, situés respectivement à Boulogne-sur-Mer et à Saint-Omer, le département du Pas-de-Calais aurait pris la même décision de licenciement en vertu des dispositions de l'article 14 ter de la loi du 13 juillet 1983 précitées. Dès lors, le vice d'incompétence entachant la décision de licenciement du 3 décembre 2015 n'est pas de nature à ouvrir droit à indemnisation pour Mme B... au titre de son préjudice moral. En revanche, la méconnaissance de l'obligation de reclassement, qui ne constitue pas un vice de légalité externe, a entraîné pour l'agent un préjudice moral qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évaluer à 500 euros. Ainsi, il y a lieu de confirmer la somme allouée par les premiers juges à ce titre.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et le centre hospitalier de la région de Saint Omer ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a condamné l'établissement public à verser la somme de 500 euros à Mme B... et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Sur les frais liés au litige :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'une ou l'autre partie une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de la région de Saint-Omer sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier de la région de Saint-Omer.

Délibéré après l'audience publique du 27 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA02844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02844
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : INGELAERE et PARTNERS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-13;21da02844 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award