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27/09/2022 | FRANCE | N°21DA02784

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 27 septembre 2022, 21DA02784


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... N'Guessan a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 10 mai 2021 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ensemble la décision du 25 juin 2021 du préfet de l'Aisne rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2102251, 2102327 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure

devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 décembre 2021 et 31 mar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... N'Guessan a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 10 mai 2021 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ensemble la décision du 25 juin 2021 du préfet de l'Aisne rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2102251, 2102327 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 décembre 2021 et 31 mars 2022, Mme N'Guessan, représentée par Me Xavier Lefevre, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'annuler la décision du 25 juin 2021 du préfet de l'Aisne rejetant son recours gracieux ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ainsi qu'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " pour la durée des soins, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Aisne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de renouvellement de son titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'un vice de procédure car sa situation a fait l'objet d'un examen incomplet et l'avis des experts de l'OFII lui-même est incomplet, en l'absence de réponse aux questions relatives à la prise en charge médicale dans le pays d'origine et sur la nécessité des soins et leur durée ;

- les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas applicables à la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour ;

- le collège d'experts de l'OFII a commis une erreur d'appréciation de sa situation médicale ;

- en ne tenant pas compte des nouvelles pièces médicales communiquées lors du recours amiable et devant le tribunal administratif, le préfet a entaché sa décision d'une erreur matérielle et d'appréciation ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'abrogation du titre de séjour valable jusqu'au 17 août 2021 n'est pas motivée, alors même que des soins étaient en cours et que l'opération orthopédique programmée pour le 27 juin 2021 a dû être reprogrammée pour le 19 septembre 2021 ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, visé par l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2022, le préfet de l'Aisne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme N'Guessan a été constatée par décision du 17 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1734 du 16 décembre 2020 portant partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Baronnet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... N'Guessan, ressortissante ivoirienne née le 29 décembre 1991 à Bouaké (Côte d'Ivoire), est entrée en France en 2018 munie d'un visa de court séjour. Munie d'un titre de séjour de janvier 2020 à janvier 2021, elle a demandé le 26 novembre 2020 le renouvellement de son titre de séjour pour raison de santé. Le préfet de l'Aisne a refusé, par arrêté du 10 mai 2021, de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et a rejeté son recours gracieux par décision du 25 juin 2021.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour :

2. L'arrêté attaqué, qui vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne également les éléments de la situation personnelle et familiale de Mme N'Guessan. En particulier, le préfet relève que Mme N'Guessan est célibataire, sans enfant et sans attache familiale en France et n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. L'arrêté contient ainsi l'exposé des considérations de droit qui en constituent le fondement, le préfet de l'Aisne n'étant pas tenu de mentionner tous les éléments de la situation personnelle et familiale de Mme N'Guessan. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aisne ne se serait pas livré à un examen sérieux de la situation personnelle de Mme N'Guessan avant de prendre la décision attaquée. Par suite, le moyen invoqué par Mme N'Guessan tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.

3. Le préfet de l'Aisne a été saisi d'une demande de titre de séjour pour raison de santé le 26 novembre 2020, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Les dispositions de l'article L. 425-9 de ce code étant entrées en vigueur le 1er mai 2021 en application de l'article 20 de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 susvisée, et les dispositions des articles R. 425-11 et R. 425-12 dudit code étant entrées en vigueur le 1er mai 2021 également, en application de l'article 18 du décret n° 2020-1734 du 16 décembre 2020 susvisé, c'est sans commettre d'erreur de droit, ni vicier la procédure que le préfet de l'Aisne a pris la décision de refus de renouvellement du titre de séjour de Mme N'Guessan le 10 mai 2021 sur le fondement des dispositions de ces articles L. 425-9, R. 425-11 et R. 425-12. En tout état de cause, contrairement à ce que soutient la requérante, la recodification des articles L. 313-11, R. 313-22 et R. 313-23 aux articles L. 425-9, R. 425-11 et R. 425-12 n'a apporté aucune modification à la procédure applicable.

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Par un avis du 30 avril 2021, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme N'Guessan nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine. Si Mme N'Guessan soutient que le préfet n'aurait pas examiné les pièces qu'elle a produit à l'appui de sa demande, de son recours gracieux et de sa demande contentieuse, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait entaché ses décisions d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, en particulier médicale, qui ne peut se déduire de la seule circonstance que le préfet n'a pas fait droit aux demandes de l'intéressée. À supposer même que la requérante puisse être regardée comme soulevant le moyen tiré de ce que le défaut de prise en charge médicale pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, les pièces produites au dossier, notamment les pièces relatives à son état de santé, ne permettent pas de l'établir. Dans ces conditions, ni le collège de médecins de l'OFII ni le préfet de police n'ont commis d'erreur matérielle ou d'erreur d'appréciation de la situation médicale de Mme N'Guessan et ils n'étaient pas tenus de se prononcer sur la possibilité pour l'intéressée de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, ni sur la durée des soins

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme N'Guessan est sans enfant et était célibataire à la date de la décision attaquée. Si elle fait valoir que son père et ses deux frères sont décédés et qu'elle a une sœur en situation régulière en France et deux sœurs aux Etats-Unis, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Côte d'Ivoire, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans et où réside sa mère. En outre, si elle soutient qu'elle est en concubinage depuis 2020 et si elle s'est mariée, postérieurement à la décision attaquée, le 19 mars 2022, elle ne justifie l'existence d'aucun obstacle à la poursuite d'une vie familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et compte tenu de la durée de la présence de l'intéressée en France, en prenant la décision attaquée, le préfet de l'Aisne n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. Mme N'Guessan reprend en appel le moyen tiré de ce que l'abrogation du récépissé de demande de titre de séjour serait entachée d'un défaut de motivation. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif d'Amiens, aux points 6 et 7 du jugement.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français :

9. Mme N'Guessan demande l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les conclusions à fin d'annulation de cette dernière décision étant vouées au rejet, ses conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

10. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle doit être écarté pour les mêmes motifs que ce qui a été dit aux points aux points 5 et 7.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi :

11. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, visé par l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le retour de Mme N'Guessan dans son pays d'origine l'exposerait à un traitement inhumain ou dégradant. Si elle soutient que les infrastructures médicales en orthopédie et en gynécologie y seraient insuffisantes, son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait cependant pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, ainsi qu'il a été dit précédemment. Il suit de là que la décision du préfet de l'Aisne du 10 mai 2021 n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme N'Guessan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme N'Guessan est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... N'Guessan et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : M. A...La présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA02784


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02784
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : LEFEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-09-27;21da02784 ?
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