Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 7 février 2019 par laquelle le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Hauts-de-France a fixé à 102 % le pourcentage de la prime spéciale qui lui a été attribuée pour l'année 2018, ensemble la décision rejetant son recours gracieux, d'enjoindre au directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Hauts-de-France de fixer ce pourcentage à 115 %, dans un délai raisonnable à compter de la notification du jugement, de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 1 375 euros en réparation des préjudices moral et financier subis ainsi que de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1904700 du 23 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 7 février 2019, a enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation d'attribuer à M. A... un coefficient de prime spéciale au titre de l'année 2018, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 août 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions à fin d'annulation et d'injonction de M. A... ;
2°) de rejeter les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision contestée était entachée d'incompétence.
La ministre de la transition écologique a présenté des observations le 19 mai 2022.
Par une ordonnance du 20 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 97-330 du 3 avril 1997 ;
- le décret n° 2000-239 du 13 mars 2000 ;
- le décret n° 2009-235 du 27 février 2009 ;
- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;
- le décret n° 2011-489 du 4 mai 2011 ;
- le décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 ;
- l'arrêté du 13 mars 2000 fixant la liste des corps et des emplois prévue à l'article 1er du décret n° 2000-239 du 13 mars 2000 instituant une prime spéciale en faveur de certains personnels du ministère chargé de l'agriculture ;
- l'arrêté du 13 mars 2000 pris pour application du décret n° 2000-239 du 13 mars 2000 instituant une prime spéciale en faveur de certains personnels du ministère chargé de l'agriculture ;
- l'arrêté du 11 août 2004 pris en application des articles 1er et 2 du décret n° 2000-239 du 13 mars 2000 instituant une prime spéciale en faveur de certains personnels du ministère chargé de l'agriculture affectés dans les services et les établissements publics du ministère chargé de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., technicien supérieur principal, spécialité technique et économie agricoles, du ministère chargé de l'agriculture, exerce, depuis le 6 janvier 2014, les fonctions de chargé de contentieux pénal et de l'urbanisme au sein du pôle contentieux pénal, de l'urbanisme et des installations classées pour la protection de l'environnement de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Hauts-de-France. Par une décision du 7 février 2019, le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Hauts-de-France a fixé à 102 % le pourcentage de la prime spéciale attribuée à M. A... au titre de l'année 2018. Par un courrier du même jour, ce dernier a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision qui a fait l'objet d'un rejet implicite. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du jugement du 23 juin 2021 en tant que le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 7 février 2019 et lui a enjoint d'attribuer à M. A... un coefficient de prime spéciale au titre de l'année 2018.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :
2. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 13 mars 2000 instituant une prime spéciale en faveur de certains personnels du ministère chargé de l'agriculture : " Une prime spéciale, non soumise à retenue pour pension civile, peut être attribuée aux fonctionnaires de certains corps ou emplois du ministère chargé de l'agriculture, dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de la fonction publique et du budget, lorsqu'ils sont en position normale d'activité dans les services de l'administration centrale et les services déconcentrés, dans les services à compétence nationale et dans certains établissements publics, ou lorsqu'ils sont mis à disposition. (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La prime spéciale est servie sur la base d'un montant individuel théorique déterminé à partir du grade ou de l'emploi, de l'échelon, de l'affectation et des fonctions exercées par chaque agent. / Le mode de calcul du montant individuel théorique est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de la fonction publique et du budget ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le montant individuel de la prime spéciale prévue par l'article 1er du présent décret peut être modulé, notamment en fonction du niveau de responsabilité, de la manière de servir, des sujétions individuelles et des avantages en nature de l'agent (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 16 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Lorsque des régimes indemnitaires prévoient une modulation en fonction des résultats individuels ou de la manière de servir, ces critères sont appréciés par le chef de service au vu du compte rendu de l'entretien professionnel ". Il résulte de ces dispositions que les chefs de service sont compétents pour arrêter, conformément au cadre fixé par les textes règlementaires régissant ces indemnités et compte tenu des crédits attribués, leur montant individuel.
4. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 1, que M. A... exerce ses fonctions au sein de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Hauts-de-France. Dans ces conditions, en application des dispositions de l'article 16 du décret du 28 juillet 2010 précité, le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Hauts-de-France, qui était son chef de service, avait compétence pour prendre la décision du 7 février 2019 fixant, au titre de l'année 2018, le taux de modulation de la prime spéciale, prévue par les dispositions précitées du décret du 13 mars 2000 instituant une prime spéciale en faveur de certains personnels du ministère chargé de l'agriculture. La circonstance, retenue par les premiers juges, qu'aucune mesure réglementaire prise pour l'application des dispositions des décrets des 3 avril 1997 portant déconcentration en matière de gestion de personnels relevant du ministre chargé de l'agriculture et du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration n'ait prévu de délégation du ministre de l'agriculture et de l'alimentation au profit du préfet de la région Hauts-de-France, s'agissant des décisions fixant le taux de modulation de la prime spéciale, aux techniciens supérieurs du ministère chargé de l'agriculture affectés au sein de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Hauts-de-France est dès lors sans incidence sur ce point. Par suite, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé, pour un motif d'incompétence, la décision du 7 février 2019 du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Hauts-de-France fixant le pourcentage de la prime spéciale attribuée à M. A... au titre de l'année 2018.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.
Sur les moyens soulevés par M. A... en première instance :
6. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le pourcentage de prime qui a été attribué à M. A... a été établi " sur la base des propositions de [ses] supérieurs hiérarchiques " et " calculé à partir de [sa] situation personnelle ", de sorte que cette décision ne saurait être regardée comme fondée sur des critères étrangers à ceux prévus par les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 13 mars 2000 instituant une prime spéciale en faveur de certains personnels du ministère chargé de l'agriculture. La circonstance qu'un courriel, versé au dossier en première instance par M. A..., mentionnant que la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Hauts-de-France dispose d'une enveloppe à ne pas dépasser pour la fixation des montants octroyés au titre de la prime spéciale ne permet pas d'établir que l'administration a pris en compte un critère nouveau non prévu par l'article 3 du décret du 13 mars 2000 précité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit doit être écarté.
7. En second lieu, il ressort du compte-rendu de l'entretien professionnel du 29 mars 2019 de M. A... au titre de l'année 2018, d'une part, que, dans la partie consacrée à l'appréciation des compétences de l'agent, sur dix-huit rubriques, seules deux ont été appréciées au niveau " expert ", les seize autres n'étant appréciées qu'au niveau " maîtrise ", d'autre part, que, dans la partie consacrée aux objectifs pour l'année en cours, son supérieur hiérarchique a relevé qu'il est " important de garder une vigilance accrue au respect des délais procéduraux et à l'amélioration de la sécurité juridique des avis et conseils produits (...) ". Ainsi, quand bien même ses responsables hiérarchiques ont proposé une modulation de cette prime spéciale à 115 %, il ressort de ces éléments que l'appréciation de la manière de servir de M. A... au titre de l'année 2018 est nuancée. Par suite et nonobstant la circonstance que l'intéressé a obtenu, au titre de l'année 2017, un taux de modulation de 110 %, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée, en retenant un taux de modulation de la prime spéciale à 102 % au titre de l'année 2018, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, ce moyen doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 7 février 2019 par laquelle le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Hauts-de-France a fixé à 102 % le pourcentage de la prime spéciale attribuée à M. A... au titre de l'année 2018 et lui a enjoint d'attribuer à l'intéressé un coefficient de prime spéciale au titre de cette année. Par suite, les conclusions à fin d'annulation et celles, accessoires, à fin d'injonction présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Lille doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Lille du 23 juin 2021 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée pour information au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet des Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 août 2022.
Le rapporteur,
Signé : N. Carpentier-Daubresse
La présidente de chambre,
Signé : G. BorotLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
N°21DA01955 2