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22/08/2022 | FRANCE | N°22DA00364

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 22 août 2022, 22DA00364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2021 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2109239 du 19 janvier 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 février 2022, le pré

fet du Nord, représenté par Me Xavier Termeau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2021 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2109239 du 19 janvier 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 février 2022, le préfet du Nord, représenté par Me Xavier Termeau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- sa décision n'est pas entachée d'un détournement de pouvoir ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2022, M. B... C..., représenté par Me Claire Perinaud, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant un délai de départ volontaire est entachée d'incompétence ;

- elle a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant obligation de quitter le territoire ;

- la décision fixant le pays d'éloignement est entachée d'incompétence ;

- elle a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant obligation de quitter le territoire ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour est entachée d'incompétence ;

- elle a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant obligation de quitter le territoire français.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 avril 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 novembre 2021, le préfet du Nord a obligé M. C..., ressortissant algérien né le 11 juin 1985, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 19 janvier 2022, le tribunal administratif de Lille, saisi par M. C..., a annulé cet arrêté. Le préfet du Nord relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation accueilli par le tribunal administratif de Lille :

2. Aux termes de l'article 175-2 du code civil : " Lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l'audition ou des entretiens individuels mentionnés à l'article 63, que le mariage envisagé est susceptible d'être annulé au titre de l'article 146 ou de l'article 180, l'officier de l'état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe les intéressés. / Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu'il sera sursis à sa célébration, dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fait procéder. Il fait connaître sa décision motivée à l'officier de l'état civil, aux intéressés. / La durée du sursis décidé par le procureur de la République ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée. / A l'expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l'officier de l'état civil s'il laisse procéder au mariage ou s'il s'oppose à sa célébration. /L'un ou l'autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal judiciaire, qui statue dans les dix jours. La décision du président du tribunal judiciaire peut être déférée à la cour d'appel qui statue dans le même délai ".

3. En l'espèce, il est constant que M. C... et Mme D..., ressortissante française, entretiennent en France une relation de concubinage depuis avril 2021 et qu'ils ont déposé le 12 octobre 2021 un dossier de mariage auprès des services municipaux de Louvroil. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 9 novembre 2021, devenue définitive, le substitut du procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe, saisi par ces services, a décidé de surseoir pendant un mois à la célébration du mariage en application de l'article 175-2 du code civil afin de " vérifier si les conditions légales relatives au consentement des époux sont respectées ". Pour procéder à cette vérification, M. C... a été convoqué le 22 novembre 2021 au tribunal judiciaire de Valenciennes.

4. A son arrivée, M. C... a été placé de 14 heures à 17 heures 30 en retenue administrative afin de procéder à un contrôle d'identité et vérifier son droit de circulation et de séjour. A l'issue de cette retenue, le préfet du Nord a édicté la décision attaquée le même jour à 17 heures 10. Si le préfet a relevé que " les services de police vont transmettre un avis négatif au procureur de la République en raison notamment du caractère précipité de leur démarche ", il ne produit pas d'élément probant attestant d'un défaut de consentement des futurs époux, alors qu'à la date d'édiction de l'arrêté attaqué, le sursis prononcé par le procureur de la République n'était pas échu et que ce dernier ne s'était pas encore prononcé.

5. Dans ces conditions, eu égard à la précipitation avec laquelle le préfet a obligé M. C... à quitter sans délai le territoire français, l'arrêté attaqué doit être regardé comme ayant eu pour motif déterminant de faire obstacle à la célébration du mariage qui devait intervenir à bref délai.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 22 novembre 2021 au motif qu'il était entaché d'un détournement de pouvoir.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Claire Perinaud, avocate de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Claire Perinaud de la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Claire Perinaud, avocate de M. C..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Perinaud renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... C... ainsi qu'à Me Claire Perinaud.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 août 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°22DA00364 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00364
Date de la décision : 22/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : ACTIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-08-22;22da00364 ?
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