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22/08/2022 | FRANCE | N°21DA01745

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 22 août 2022, 21DA01745


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1903826 du 24 juin 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2021, M. E..., représenté par Me Antoine Tourbier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'a

rrêté du 18 octobre 2019 de la préfète de la Somme ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1903826 du 24 juin 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2021, M. E..., représenté par Me Antoine Tourbier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 de la préfète de la Somme ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ;

- il méconnaît l'autorité de la chose jugée par un jugement du 18 novembre 2018 du tribunal administratif d'Amiens, confirmé par un arrêt du 9 juillet 2019 de la cour ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

La requête a été communiquée à la préfète de la Somme qui n'a pas produit de mémoire.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. E... a été rejetée par une décision du 23 septembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai, confirmée par une ordonnance de la présidente de la cour du 3 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant rwandais, a sollicité le 6 avril 2016 le renouvellement de son titre de séjour et la délivrance d'une carte de résident. Par un arrêté du 18 octobre 2019, la préfète de la Somme a rejeté cette demande. M. E... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif d'Amiens qui a rejeté sa demande par un jugement du 24 juin 2021, dont il relève appel.

Sur la légalité externe de l'arrêté du 18 octobre 2019 :

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'après le rejet de sa demande d'asile par une décision, devenue définitive, du 12 octobre 2005 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, M. E... a sollicité le 19 mars 2007 son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de sa qualité de parent d'un enfant français et qu'en cette qualité, il a obtenu la délivrance de plusieurs cartes de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale, dont la dernière a expiré en 2015.

4. M. E... a demandé le 6 avril 2016 le renouvellement de sa carte de séjour temporaire et la délivrance d'une carte de résident en qualité de parent d'un enfant français. Par un arrêté du 21 septembre 2017, le préfet de la Somme a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et lui a interdit de revenir en France pendant deux ans. Par un jugement n° 1803304 du 12 novembre 2018, confirmé par un arrêt n° 18DA02429 du 9 juillet 2019 de la cour, le tribunal administratif d'Amiens, saisi par M. E... d'un recours aux fins d'annulation des seules décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour en France, a annulé cet arrêté du 21 septembre 2017 en tant seulement qu'il comportait ces deux décisions.

5. Alors que la décision portant refus d'un titre de séjour, contenue dans cet arrêté du 21 septembre 2017, n'avait pas été annulée par le jugement du 12 novembre 2018 du tribunal administratif d'Amiens, la préfète de la Somme s'est prononcée à nouveau, par l'arrêté attaqué du 18 octobre 2019, sur les demandes de titre de séjour présentées le 6 avril 2016 par M. E.... La préfète doit ainsi être regardée comme ayant implicitement mais nécessairement abrogé, par l'arrêté attaqué, la décision de refus de titre de séjour du 21 septembre 2017, laquelle constitue une décision non réglementaire non créatrice de droits que l'autorité administrative peut, sur le fondement de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration, abroger sans condition de délai et pour tout motif. Si l'appelant soutient avoir déposé en préfecture une nouvelle demande de titre de séjour le 20 septembre 2018, il ne produit à l'instance qu'un extrait de formulaire complété par ses soins, sans attester de son dépôt auprès des services préfectoraux.

6. Dans ces conditions, dès lors que M. E... n'a pas sollicité par ses demandes du 6 avril 2016 son admission exceptionnelle au séjour, il ne peut utilement se prévaloir de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour prévue par les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.

Sur la légalité interne de l'arrêté du 18 octobre 2019 :

7. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit, par son jugement du 12 novembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens n'a pas annulé la décision de refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 21 septembre 2017. Par suite, M. E... ne peut utilement soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait l'autorité de la chose jugée par ce jugement.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. E..., ressortissant rwandais né le 1er août 1987, est entré en France le 27 novembre 2003 et qu'il est père d'un enfant né le 7 septembre 2006 de sa relation avec Mme D... A..., ressortissante française, dont il était séparé à la date de l'arrêté attaqué. Cet enfant, qui souffre de déficience intellectuelle et de troubles du comportement, a été placé à compter de 2009 auprès des services de l'aide sociale à l'enfance en raison du placement sous curatelle de sa mère et de la situation précaire de son père. Le tribunal pour enfants a d'abord relevé, par un jugement du 12 juin 2005, que M. E... n'entretenait avec son fils que des relations " superficielles ", avant de constater, par ses jugements ultérieurs, qu'il tenait à l'égard de son fils des " propos valorisants " et que leurs " retrouvailles [étaient] chaleureuses ". Pour autant et même si, comme en attestent les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance, M. E... exerce son droit de visite auprès de son fils, il demeure depuis 2009 dans l'incapacité de le prendre en charge.

10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. E... a été condamné le 14 juin 2017 à une peine d'emprisonnement de trois mois avec sursis pour des faits de violences et d'outrage sur des personnes dépositaires de l'autorité publique et au paiement, à chacune des deux victimes, de la somme de 200 euros en réparation de leur préjudice moral. Par ailleurs, dans l'arrêté attaqué, la préfète a relevé, sans être démentie, que M. E... a été interpellé à Amiens le 30 janvier 2018 pour des faits de violences aggravées et de dégradation volontaire de véhicules. En outre, il ressort du procès-verbal établi le 22 mai 2020 par les services de police que l'intéressé a été interpellé à cette date en état d'ivresse manifeste sur la voie publique. Si l'appelant soutient que son identité a été usurpée lors de cette interpellation, il ne produit aucun élément probant à l'appui de ce dire, ni la plainte qu'il a déposée auprès du procureur de la République d'Amiens, alors qu'il ressort des pièces du dossier que la personne interpellée s'est présentée comme s'appelant M. C... E..., en précisant la date, le lieu de naissance et l'adresse exacts de l'intéressé.

11. Eu égard à la gravité et au caractère répété de ces faits pris globalement, la préfète a pu estimer, à bon droit, que la présence de M. E... sur le territoire français présente une menace pour l'ordre public et lui refuser, en dépit de ses liens familiaux en France, la délivrance d'un titre de séjour. L'appelant n'est ainsi pas fondé à soutenir que la préfète de la Somme aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

13. En l'espèce, dès lors que l'arrêté attaqué n'a pas pour objet d'obliger M. E... à quitter le territoire français ni pour effet d'entraver l'exercice de son droit de visite auprès de son fils, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour serait susceptible de porter atteinte à l'intérêt supérieur de son fils. S'il soutient que l'irrégularité de son séjour en France le prive des ressources qui lui permettraient de prendre en charge son fils, il ressort des pièces du dossier que, pendant toute la durée de validité des cartes de séjour temporaire dont il a bénéficié en tant que parent d'un enfant français, son fils a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance en raison de l'incapacité, pas seulement matérielle mais aussi psychologique, de son père à assurer une telle prise en charge. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. E... doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 août 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA01745 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01745
Date de la décision : 22/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-08-22;21da01745 ?
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