Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 décembre 2020 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.
Par un jugement n° 2105020 du 25 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Emilie Dewaele, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté du 4 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté pris dans son ensemble est insuffisamment motivé ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreurs de fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision lui accordant un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 27 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 16 mai 2022, à 12 heures.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 3 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 21 janvier 1992, est entrée en France le 22 mai 2014 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a été mise en possession d'un titre de séjour valable du 20 juin 2014 au 19 juin 2015, en sa qualité d'épouse d'un ressortissant français, dont elle est désormais divorcée. Par un arrêté du 31 janvier 2017, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire. Le 5 mars 2020, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 4 décembre 2020, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Mme A... relève appel du jugement du 25 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est mère de deux enfants nés respectivement le 5 avril 2019 et le 17 novembre 2020, issus d'une union avec un compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2029, et qui vit en situation régulière sur le territoire français depuis le 30 septembre 2009. Quand bien même leur relation serait récente, il est constant que le couple vit ensemble, avec leurs enfants. Le compagnon de Mme A..., avec lequel elle s'est au demeurant pacsée postérieurement à la date de l'arrêté, est par ailleurs titulaire d'un contrat à durée indéterminée en tant qu'agent de fabrication. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour en litige, tout comme la décision portant obligation de quitter le territoire français, ont pour effet de priver durablement les enfants nés de cette union, de la présence d'un de leur parent. La décision de refus de titre de séjour, ainsi que la décision obligeant Mme A... à quitter le territoire français, méconnaissent ainsi les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Ces décisions, ainsi que par voie de conséquence, celle fixant le pays de destination, doivent être annulées.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur l'injonction, assortie d'une astreinte :
5. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Nord délivre à Mme A... un certificat de résidence algérien. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25%. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dewaele de la somme de 1 000 euros, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 25 novembre 2021 tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 4 décembre 2020 du préfet du Nord sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer à Mme A... un certificat de résidence algérien dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Article 3 : L'Etat versera à Me Emilie Dewaele une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dewaele renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au préfet du Nord, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Emilie Dewaele.
Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.
Le président-assesseur,
Signé : M. C...
La présidente de chambre,
présidente-rapporteure,
Signé : G. BorotLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
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N° 22DA00666
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