Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, dans la catégorie des plus-values de cession de biens immobiliers.
Par un jugement n° 1710316 du 19 mai 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 août 2020, le 13 mai 2022 et le 10 juin 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Stienne-Duwez, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige, à titre subsidiaire, une réduction de ces impositions.
Ils soutiennent que :
- leur requête n'est pas tardive, en l'absence de notification régulière du jugement attaqué et dès lors que le délai d'appel avait été suspendu en raison de la prolongation de l'état d'urgence sanitaire ;
- la partie de la plus-value correspondant à la période séparant l'acquisition du bien et l'inscription de celui-ci à l'actif professionnel de M. B... aurait dû être reprise dans le cadre de la vérification de comptabilité dont cette activité a fait l'objet ; en ne procédant pas ainsi, l'administration les a privés des garanties propres à une telle vérification, à savoir de la possibilité d'exercer des recours hiérarchiques et de recueillir l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la méthode mise en œuvre par l'administration pour déterminer, au moyen d'une simple règle de proportionnalité, la valeur d'une dépendance bâtie à partir de celle d'un espace vert est viciée ; à tout le moins, il y aurait lieu, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, d'appliquer une pondération, dont la mise en œuvre conduit à valoriser à 195 909 euros la parcelle cédée ; la nécessité de cette pondération est confortée par le fait que la parcelle avait donné lieu à la conclusion d'un compromis de vente pour un prix de 258 000 euros ; le fait que cet accord n'ait finalement pas abouti à la conclusion d'un acte de vente ne fait pas obstacle à ce qu'il soit tenu compte, en tant que référence, de ce prix convenu, dont le niveau n'a été évoqué que comme prétexte par les acquéreurs pour ne pas conclure l'achat ; dès lors, ils sont fondés à solliciter que soit retenu comme correspondant à la valeur de la parcelle vendue, à titre principal, le montant de 258 000 euros et, à titre subsidiaire, le montant de 195 909 euros résultant de l'application de la pondération ;
- la valeur d'inscription du bien à l'actif inclut le montant des travaux réalisés, qui, en conséquence, n'ont pas fait l'objet d'une déduction à titre professionnel, compte-tenu de leur immobilisation ; leur refuser la déduction des factures correspondantes, qu'ils justifient avoir acquittées au moyen de leurs comptes bancaires personnels à concurrence d'une somme de 109 270,03 euros, revient ainsi à imposer deux fois ces travaux ;
- M. B... ne peut être regardé comme ayant, antérieurement à l'année 2008, date à laquelle il a opté pour le régime simplifié, exercé, à titre professionnel, l'activité de loueur de locaux meublés ; en conséquence, ils sont fondés à se prévaloir des énonciations des paragraphes n°460 et n°480 de la doctrine publiée le 23 février 2022 sous la référence BOI-BIC-CHAMP-40-20, qui préconisent l'imposition de la plus-value de cession suivant le seul régime applicable à l'activité du cédant au jour de la cession.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2020, et par un mémoire, enregistré le 30 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il appartient à la cour de s'assurer de ce que la requête n'est pas tardive ;
- le rehaussement notifié à M. et Mme B... et tenant à l'imposition d'une partie de la plus-value de cession réalisée par eux selon le régime applicable aux particuliers n'avait pas à être mentionné dans la proposition de rectification adressée à M. B... en ce qui concerne la partie de la plus-value imposée selon le régime applicable aux professionnels ; en conséquence, le moyen tiré, par M. et Mme B..., de ce qu'ils auraient été privés, en ce qui concerne la part de plus-value de nature personnelle, des garanties de procédures attachées à la vérification de comptabilité est inopérant ; en outre, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est, en tout état de cause, pas compétente pour connaître de l'imposition des plus-values immobilières des particuliers ; de plus, dans le cadre de la vérification de comptabilité de son activité professionnelle de loueur de meublés, M. B... a bénéficié des recours hiérarchique de premier et de second niveaux ; enfin, la part personnelle de la plus-value en cause n'avait pas à être évoquée dans le cadre de l'entretien accordé par l'interlocuteur fiscal départemental, qui avait pour seul objet la contestation des rectifications issues de la vérification de comptabilité de l'activité individuelle de M. B... ;
- afin de déterminer la valeur vénale des dépendances construites sur la parcelle cédée, le service a procédé à un calcul de prorata au mètre carré de la surface cédée par rapport à la surface totale, au regard du prix d'acquisition de l'immeuble, ce qui l'a conduit à mettre en évidence une valeur de 44 128 euros ; le tribunal administratif a estimé à juste titre que le mode d'évaluation proposé par M. et Mme B..., fondé sur une pondération, ne pouvait être valablement retenu, dès lors que la parcelle cédée ne contenait, à la date de l'acquisition de la propriété, le 2 janvier 2002, aucune surface habitable ; par ailleurs, le compromis de vente auquel ils entendent se référer ne saurait davantage servir de base d'évaluation, dès lors qu'il a été signé en 2005, soit à une date postérieure à celle de l'acquisition du fonds, et qu'il n'a pas été suivi de la signature d'un acte authentique, pour un motif lié, comme les appelants l'admettent, au fait que le prix demandé était largement supérieur à la valeur du bien ;
- M. et Mme B... ne justifiant pas avoir personnellement payé les dépenses de travaux dont ils font état et pour lesquels ils ont fourni plusieurs factures, alors que l'entreprise individuelle de M. B... avait souscrit plusieurs emprunts professionnels dont les échéances ont été portées en charges, le service était fondé à évaluer ceux-ci par application du forfait de 15 % prévu au 4° du II de l'article 150 VB du code général des impôts ;
- dès lors que le bien cédé a successivement figuré dans le patrimoine personnel de M. et Mme B..., puis dans le patrimoine professionnel de M. B..., l'article 151 sexies du code général des impôts était applicable à leur situation ; pour le même motif, les appelants n'entrent pas dans les prévisions de la doctrine dont ils invoquent le bénéfice.
Un mémoire, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a été enregistré le 13 juin 2022, soit après la clôture de l'instruction prévue à l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Guey-Balgairies, substituant Me Stienne-Duwez, représentant M. et Mme B..., ainsi que celles de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... B... ont acquis, selon un acte notarié établi le 2 janvier 2002, un terrain, situé à Lambersart (Nord), couvrant une surface totale de 3 553 m², et qui comprenait alors une grande maison, des garages et plusieurs dépendances. M. et Mme B... ont fait procéder à une division de ce fonds, par acte du 6 août 2013, en plusieurs parcelles et ils ont revendu l'une d'entre elles, d'une surface de 281 m² et désormais cadastrée ..., de même que le bâtiment qui y était édifié, dans lequel ils avaient fait notamment aménager des logements meublés. Ayant estimé qu'en raison de l'inscription des biens cédés à l'actif de l'entreprise individuelle de location de meublés exploitée par M. B..., la plus-value de cession réalisée par eux était de nature professionnelle et qu'elle était exonérée, ils n'ont souscrit aucune déclaration spécifique à cette opération et n'ont pas davantage porté cette plus-value dans leur déclaration de revenus d'ensemble. Par un avis du 6 août 2015, M. B... a été informé de l'engagement d'une vérification de comptabilité, en ce qui concerne son activité de loueur de meublés, au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration a remis partiellement en cause le régime d'exonération sous lequel M. et Mme B... avaient placé la plus-value de cession, après avoir estimé qu'une partie de celle-ci relevait du régime des plus-values des particuliers. L'administration a fait connaître sa position à M. B..., par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 17 juin 2016. Elle a ensuite informé M. et Mme B..., par une proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 20 juin 2016, d'une part, des conséquences de ce rehaussement sur le revenu imposable de leur foyer fiscal, d'autre part, de l'imposition de la part de plus-value relevant du régime des particuliers. M. et Mme B... ayant présenté des observations, par lesquelles ils ne contestaient pas le principe de l'imposition d'une partie de la plus-value selon le régime applicable aux particuliers, qui n'ont pas convaincu l'administration, les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement le 13 mars 2017, à hauteur d'un montant, en droits et pénalités, de 174 974 euros. Leur réclamation ayant été rejetée, M. et Mme B... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, dans la catégorie des plus-values de cession de biens immobiliers. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 19 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. / (...) ". Aux termes de l'article R. 751-4-1 du même code : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751-4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application ou du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 aux parties qui en ont accepté l'usage pour l'instance considérée. / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de la notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles. ".
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance transmis à la cour que M. et Mme B... se seraient inscrits dans l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative et dénommée Télérecours, ni qu'ils auraient accepté l'usage, dans le cadre de la procédure introduite par eux devant le tribunal administratif de Lille, du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 en ce qui concerne la réception des notifications adressées par le greffe du tribunal, quand bien même leur conseil était lui-même inscrit dans l'application Télérecours. Dès lors, il appartenait, en principe, au greffe du tribunal administratif de leur adresser une notification du jugement du 19 mai 2020 par lettre recommandée avec avis de réception. Toutefois, à la date à laquelle le jugement a été mis à la disposition des parties par le greffe, l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 portant adaptation des procédures à la situation d'urgence sanitaire prévoyait, d'une part, que la mise à disposition d'un jugement, au moyen de l'application Télérecours, à l'avocat d'un requérant, inscrit à cette application, suffisait à faire courir le délai d'appel à l'égard de ce dernier, d'autre part, la prorogation de deux mois du délai d'appel. Or, il ressort, en l'espèce, des pièces du dossier de première instance qu'une copie du jugement attaqué a été mise, par l'application Télérecours, à la disposition du conseil de M. et Mme B..., le 19 mai 2020, qui en a pris connaissance le jour même, ce qui a eu pour effet de faire courir, à l'égard de M. et Mme B..., le délai d'appel prorogé de deux mois prévu par l'ordonnance du 25 mars 2020. Ainsi, leur requête d'appel, enregistrée le 6 août 2020, ne peut être regardée comme tardive. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être écartée.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Il résulte de l'instruction que M. B... a procédé, au cours de la période couvrant les années 2008 à 2011, à l'inscription progressive, à l'actif de son activité individuelle de loueurs de locaux meublés, de certains des biens immobiliers conjointement acquis par son épouse et lui-même le 2 janvier 2002, dans lesquels ils avaient fait aménager des locaux meublés, ainsi que des dépendances de ceux-ci. Cette inscription, qui a la nature d'une décision de gestion, est opposable à M. et Mme B.... Ainsi, l'administration était fondée à estimer que la plus-value résultant de la cession de la parcelle cadastrée ... revêtait, en tant qu'elle se rapportait à la période postérieure à l'inscription, à cet actif, des biens correspondants, une nature professionnelle et qu'en tant qu'elle se rapportait à la période antérieure, s'étendant de l'acquisition du fonds à cette inscription, une nature personnelle. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en examinant pas, dans le cadre de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet l'activité de loueur de meublés exercée, à titre individuel, par M. B..., la question de l'évaluation de la part personnelle de la plus-value de cession, l'administration aurait privé M. et Mme B... des garanties que la loi accorde aux contribuables qui font l'objet d'une vérification de comptabilité ne peut qu'être écarté, la question à laquelle les appelants font référence étant, par nature, étrangère à l'examen critique de la comptabilité de l'activité individuelle exercée par M. B....
5. Pour le même motif, M. et Mme B... ne peuvent utilement soutenir, à l'appui de leur critique de la régularité de la procédure d'imposition mise en œuvre à leur égard en ce qui concerne la part personnelle de la plus-value de cession, qu'ils n'ont pas eu la possibilité de discuter de cette question avec l'interlocuteur fiscal départemental, dans le cadre d'un recours que M. B... a exercé dans les suites de la vérification de comptabilité dont son activité individuelle a fait l'objet, la circonstance que le supérieur hiérarchique du vérificateur, qui l'a reçu dans le même cadre, a accepté d'examiner cette question demeurant sans incidence à cet égard.
6. Enfin, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires étant incompétente pour connaître des plus-values immobilières réalisées par les particuliers, dès lors que ce point ne relève pas du domaine de compétence défini, pour cette commission, par l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, M. et Mme B... ne peuvent utilement soutenir qu'ils auraient été privés de la possibilité de soumettre cette même question à l'avis de cette commission.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
7. D'une part, aux termes du I de l'article 151 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La plus-value réalisée dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale, industrielle ou libérale est calculée, si le bien cédé a figuré pendant une partie du temps écoulé depuis l'acquisition dans le patrimoine privé du contribuable, suivant les règles des articles 150 U à 150 VH, pour la partie correspondant à cette période. (...) ".
8. D'autre part, en vertu du I de l'article 150 U du code général des impôts, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont, en principe, passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. L'article 150 V du code général des impôts précise que la plus ou moins-value brute réalisée lors de la cession de biens ou droits mentionnés à l'article 150 U est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant. L'article 150 VA définit, en son I, le prix de cession comme le prix réel stipulé dans l'acte. En son II, il précise que ce prix est majoré, notamment, de toutes les charges et indemnités mentionnées au deuxième alinéa du I de l'article 683, hors indemnités d'assurance consécutives à un sinistre. En son III, il ajoute que ce prix est réduit, sur justificatifs, du montant de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée et des frais, définis par décret, supportés par le vendeur à l'occasion de cette cession. Enfin, l'article 150 VB définit, quant à lui, en son I, le prix d'acquisition, comme étant aussi celui stipulé dans l'acte et effectivement acquitté par le futur cédant. En son II, cet article précise que ce prix est, sur justificatifs, majoré notamment de toutes les charges et indemnités mentionnées au deuxième alinéa du I de l'article 683, des frais afférents à l'acquisition à titre onéreux définis par décret, que le cédant peut fixer forfaitairement à 7,5 % du prix d'acquisition dans le cas des immeubles, et des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l'achèvement de l'immeuble ou son acquisition si elle est postérieure, lorsqu'elles n'ont pas été déjà prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu et qu'elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives. Le même II ajoute que, lorsque le contribuable, qui cède un immeuble bâti plus de cinq ans après son acquisition, n'est pas en état d'apporter la justification de ces dépenses, une majoration égale à 15 % du prix d'acquisition est pratiquée.
S'agissant de la détermination de la valeur d'acquisition de la parcelle cédée :
9. Il résulte de l'instruction et, notamment, des énonciations de l'acte notarié du 2 janvier 2002, produit au dossier, que le prix auquel la propriété de Lambersart a été acquise par M. et Mme B... était fixé à 586 929 euros, lequel prix incluait, à hauteur de 28 965 euros, des biens meubles, selon inventaire joint. Il résulte, en outre, de l'instruction que, comme il a été dit au point 1, M. et Mme B..., après avoir procédé à une division du fonds en plusieurs parcelles, ont fait aménager, dans les dépendances construites sur l'une de ces parcelles, couvrant une superficie de 281 m² et désormais cadastrée ..., cinq gîtes meublés, un espace couvert d'une surface de 30 m² permettant l'organisation d'événements, un espace de stockage, ainsi que des places de stationnement attenantes, ces aménagements ayant fait l'objet, à compter de l'année 2008 et au fur et à mesure de leur achèvement, d'une inscription à l'actif de l'activité individuelle de loueur de meublés exercée par M. B.... Enfin, cette parcelle ... a été cédée, en ce compris les constructions qui y étaient aménagées, selon un acte authentique établi le 6 août 2013. Il résulte également de l'instruction qu'afin de déterminer, pour l'application des dispositions, rappelées au point 8, de l'article 150 VB du code général des impôts, le prix d'acquisition de la parcelle cédée, le service s'est livré à un calcul de prorata consistant à déterminer, à partir du prix d'achat de l'entière propriété, non compris les biens meubles, soit un prix de 557 964 euros, un prix au mètre carré, et à rapporter celui-ci à la surface de la parcelle cédée. Le service a ainsi abouti à un prix d'acquisition, pour cette parcelle, de 44 128 euros, qui lui est apparu de nature à tenir suffisamment compte de la valeur prépondérante des constructions dans la formation du prix d'acquisition de la propriété.
10. M. et Mme B... contestent la pertinence de cette méthode en soutenant qu'elle aboutit à un prix d'acquisition notablement sous-évalué. Ils proposent de corriger cette méthode en appliquant une pondération conduisant à retenir qu'une part de 10 % du prix d'achat de 557 964 euros acquitté pour la propriété représente le prix du terrain et qu'une part de 30 % du prix d'acquisition hors terrain correspond à la valeur d'acquisition de la parcelle cédée, soit 195 909 euros. Toutefois, la méthode ainsi proposée par les appelants, qui ne tient aucun compte, pour l'évaluation de la parcelle en cause, de la valeur du terrain, alors qu'ils ne contestent pas sérieusement que cette parcelle ne contenait, au jour de l'acquisition de la propriété, que des dépendances non habitables, n'apparaît pas de nature à aboutir à un montant représentatif de la valeur de cette parcelle à cette date. En revanche, la méthode mise en œuvre par l'administration, qui n'est pas radicalement viciée dans son principe, permet de traduire plus fidèlement cette valeur, en tenant compte, d'une manière suffisante, de la part prépondérante du bâti dans le prix d'acquisition.
11. Dans le cadre d'une argumentation subsidiaire, M. et Mme B... proposent de déterminer la valeur de la parcelle cédée par référence au prix de 258 000 euros mentionné dans un compromis de vente, la concernant, qui avait été conclu en 2005. Toutefois, ce compromis de vente, qui n'a d'ailleurs pas été suivi de l'établissement d'un acte authentique et qui, surtout, a été conclu trois ans après l'acquisition, en janvier 2002, de la propriété par M. et Mme B..., délai au cours duquel la consistance du fonds faisant l'objet de ce compromis a pu être modifiée, ne saurait constituer une référence pertinente pour la détermination de la valeur d'acquisition de la parcelle cédée.
S'agissant de la prise en compte du coût des travaux :
12. Afin de tenir compte du coût des travaux réalisés dans les dépendances construites sur cette parcelle dans le but d'y aménager cinq gîtes meublés, le service a appliqué au prix d'acquisition de la parcelle cédée la majoration forfaitaire de 15 % prévue par les dispositions, rappelées au point 4, du II de l'article 150 VB du code général des impôts.
13. M. et Mme B... contestent cette approche forfaitaire, en faisant observer qu'ils avaient fourni au service plusieurs factures se rapportant à ces travaux, pour un montant de 136 040 euros, et qui permettaient à celui-ci d'en déterminer le coût réel. Cependant, de leur lettre même, les dispositions du II de l'article 150 VB du code général des impôts subordonnent la prise en compte du coût des travaux pour leur montant réel à la justification, par le vendeur, de ce qu'il a effectivement exposé les dépenses correspondantes. Or, d'une part, M. et Mme B... n'ont pas produit de relevé de compte bancaire justifiant du paiement des factures de travaux dont ils ont fait état et, d'autre part, le ministre fait valoir, sans être contredit, que M. B..., dans le cadre de l'exercice de son activité individuelle de loueur de locaux meublés, a souscrit plusieurs emprunts professionnels, pour un montant total de 425 781 euros, dont les échéances ont été portées en charges dans la comptabilité de cette activité et dont la justification était le financement de travaux d'aménagement. Le ministre fait d'ailleurs observer que plusieurs des factures produites comportent la mention " accord de décaissement sur le prêt professionnel ".
14. Toutefois, dans le dernier état de leurs écritures, M. et Mme B... précisent avoir effectivement payé certaines de ces factures, à concurrence d'un montant de 109 270,03 euros, au moyen de leurs comptes personnels. Ils joignent à leur mémoire un tableau détaillé de ces dépenses, lequel précise les modalités de prise en charge de ces dépenses sur leurs comptes personnels respectifs. Or, les mentions précises de ce tableau ne sont pas, par elles-mêmes, contestées par le ministre. Dès lors, il y a lieu de prescrire un supplément d'instruction aux fins, pour M. et Mme B..., de produire, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, les relevés de compte bancaire se rapportant à ces opérations, ainsi que tous éléments de nature à justifier que celles-ci se rapportent effectivement à la parelle cédée et, pour le ministre, de produire, dans le même délai, les factures fournies par les intéressés en ce qui concerne ces travaux. Dans ce cadre, le mémoire, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, enregistré le 13 juin 2022, sera versé à la procédure contradictoire.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
15. M. et Mme B... invoquent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les paragraphes n°460 et n°480 de la doctrine publiée le 23 février 2022 sous la référence BOI-BIC-CHAMP-40-20. Ces extraits de doctrine énoncent, d'une part, qu'en cas de cession d'immeuble par un contribuable ayant eu alternativement la qualité de loueur en meublé professionnel et de loueur en meublé non-professionnel, la plus-value afférente à cette cession est soumise au régime d'imposition applicable lors de la cession et, d'autre part, que, sauf dans l'hypothèse où le bien aurait figuré successivement dans le patrimoine privé puis dans le patrimoine professionnel du loueur en meublé, l'article 151 sexies du code général des impôts n'est pas applicable en cas de cession d'un bien par une personne ayant eu successivement la qualité de loueur en meublé non professionnel et de loueur en meublé professionnel. Toutefois, si M. et Mme B... soutiennent que M. B... n'aurait eu la qualité de loueur en meublé professionnel qu'à compter de l'année 2008, ils ne l'établissent par aucun élément probant, le seul fait que celui-ci ait opté, à compter de cette année, pour le régime réel simplifié ne pouvant suffire à cet égard. Dès lors, les appelants n'établissent pas entrer dans les prévisions de la doctrine, au surplus postérieure à l'année d'imposition en litige, dont ils invoquent le bénéfice.
16. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire le supplément d'instruction défini au point 14 et que tous droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt doivent être réservés jusqu'en fin d'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est prescrit un supplément d'instruction aux fins, pour M. et Mme B..., de produire, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, les relevés de compte bancaire se rapportant aux opérations détaillées dans le tableau joint à leurs dernières écritures, ainsi que tous éléments de nature à justifier que ces opérations se rapportent bien à la parcelle dont la plus-value de cession fait l'objet du présent litige, et, pour le ministre, de produire, dans le même délai, les factures fournies par M. et Mme B... en ce qui concerne ces travaux.
Article 2 : Tous droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt est réservé jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 16 juin 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°20DA01187
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N°"Numéro"