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21/06/2022 | FRANCE | N°21DA01376

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 21 juin 2022, 21DA01376


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n°19003442, la société civile d'exploitation agricole (SCEA) C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 23 août 2019 par lequel la préfète de la Somme l'a mise en demeure de respecter le second alinéa de l'article 13 et le premier alinéa de l'article 14.1 de l'arrêté ministériel du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières.

Par une requête enregistrée sous le n° 1903453, la SCEA C... a demandé au tribunal a

dministratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 23 août 2019 par lequel la préfète de la Somm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n°19003442, la société civile d'exploitation agricole (SCEA) C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 23 août 2019 par lequel la préfète de la Somme l'a mise en demeure de respecter le second alinéa de l'article 13 et le premier alinéa de l'article 14.1 de l'arrêté ministériel du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières.

Par une requête enregistrée sous le n° 1903453, la SCEA C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 23 août 2019 par lequel la préfète de la Somme l'a mise en demeure de régulariser sa situation administrative.

Par un jugement n° 1903442 et 1903454 du 22 avril 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juin 2021, la SCEA C..., représentée par Me Pascal Bibard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 23 août 2019 de la préfète de la Somme ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les arrêtés attaqués sont entachés d'une erreur d'appréciation dès lors que les autorisations délivrées lui imposaient de créer une réserve incendie ;

- ils méconnaissent l'article R. 2225-1 du code général des collectivités territoriales dès lors qu'il lui était loisible de construire un ouvrage privé ;

- ils sont entachés d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle n'a pas vendu ou fait commerce des matériaux extraits pour réaliser la réserve incendie et que le point d'eau ne constitue pas une carrière et l'article 13 de l'arrêté du 22 septembre 1994 ne lui est ainsi pas opposable ;

- ils sont entachés d'une erreur de fait dès lors que la distance séparant la parcelle BV 29 et celle voisine est de 25 mètres et que des précautions de sécurisation ont été prises.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 janvier 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 22 septembre 1994 de la ministre de l'environnement relatif aux exploitations de carrières ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Samia Aggar, représentant la SCEA C....

Considérant ce qui suit :

1. La société civile d'exploitation agricole (SCEA) C... exploite un élevage bovin situé 109 chemin de Froise sur le territoire de la commune de Rue. A la suite d'une visite des services de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement, la préfète de la Somme a mis en demeure cette société, par deux arrêtés du 23 août 2019, d'une part, de respecter les prescriptions des articles 13 et 14.1 de l'arrêté du 22 septembre 1994 visé ci-dessus et, d'autre part, de régulariser sa situation administrative. La SCEA C... a demandé, par deux requêtes distinctes, l'annulation de ces deux arrêtés au tribunal administratif d'Amiens qui, après avoir joint ces requêtes, a rejeté ses demandes par un jugement du 22 avril 2021. La SCEA C... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité des arrêtés attaqués :

2. Pour mettre en demeure la SCEA C... de respecter les articles 13 et 14 de l'arrêté ministériel du 22 septembre 1994 visé ci-dessus et de régulariser sa situation administrative, la préfète de la Somme s'est fondée sur la circonstance que cette société exploitait une carrière sans autorisation administrative.

3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de visite du 5 août 2019 établi à la suite d'une visite sur site effectuée le 9 juillet 2019 par les services de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement, dont les indications ne sont pas sérieusement contestées, que la SCEA C... a, d'une part, réalisé sur la parcelle cadastrée BV 29 une excavation de forme irrégulière mesurant 27 mètres de longueur et 20 mètres de largeur et, d'autre part, utilisé les matériaux extraits, consistant en du sable et des galets, pour construire un dallage et des structures en béton au sein de l'exploitation agricole située à proximité de cette excavation sur la parcelle cadastrée BV 72.

4. D'une part, si la société soutient, en se prévalant de permis de construire qui lui ont été délivrés depuis 2004 pour l'extension de ses bâtiments agricoles, que cette excavation est remplie d'eau et qu'elle a été creusée pour servir de réserve incendie, il ne résulte pas de l'instruction et notamment pas des dires de M. B... C... que ce dernier aurait eu l'intention de réaliser cette excavation à cette fin, ni que cette excavation serait conforme aux autorisations d'urbanisme délivrées qui prescrivaient la construction d'une réserve incendie comportant une " colonne d'aspiration comprenant à ses extrémités une crépine et un demi raccord ", une " plateforme d'utilisation " d'une superficie de 32 mètres carrés, une " clôture " assortie d'un " portillon d'accès " et un " poteau d'incendie de 100 mm normalisé (...) sur une canalisation assurant un débit minimum de 1000 litres/minute sous pression dynamique de 1 bar ". Dans ces conditions et alors même qu'une réserve incendie peut consister en un point d'eau artificiel dans les conditions prévues par l'article R. 2225-1 du code général des collectivités territoriales, l'excavation en cause ne peut être regardée comme ayant réalisé en vue de construire une réserve incendie.

5. D'autre part, si la société soutient que l'excavation en cause, d'une superficie inférieure à 1 000 m2, doit être regardée comme un affouillement et pouvait ainsi être réalisée sans solliciter la délivrance d'une autorisation administrative, il résulte des dispositions de la rubrique n° 2510 de la nomenclature annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement, telles qu'interprétées par la circulaire du 10 décembre 2003 de la ministre de l'écologie et du développement durable relative à l'application de cette rubrique, que des affouillements consistent en des opérations " dont le but premier n'est pas l'extraction de matériaux, mais la réalisation d'une excavation pour un usage particulier ". Or, ainsi qu'il a été dit, l'excavation en cause a été réalisée, non dans le but de construire et aménager une réserve incendie, mais pour extraire des matériaux destinés à la construction d'ouvrages agricoles situés en dehors de l'emprise de cette excavation. Par suite, elle ne peut être regardée comme un affouillement.

6. Il résulte de ce qui précède qu'en extrayant des matériaux de construction sur la parcelle cadastrée BV n° 29, la SCEA C... doit être regardée comme exploitant une carrière, nonobstant la circonstance que les matériaux extraits ont été utilisés à des fins personnelles sans être vendus à des tiers. Par suite, les moyens tirés d'une erreur d'appréciation, d'une erreur de droit et d'une erreur de fait doivent être écartés.

Sur la légalité de l'arrêté ordonnant la mise en conformité de l'installation :

7. D'une part, aux termes du I de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine ".

8. D'autre part, aux termes de l'article 13 de l'arrêté ministériel du 22 septembre 1994 : " (...) L'accès de toute zone dangereuse est interdit par une clôture efficace ou tout autre dispositif équivalent. Le danger est signalé par des pancartes placées, d'une part, sur le ou les chemins d'accès aux abords des travaux et des zones de stockage des déchets d'extraction inertes résultant du fonctionnement des carrières, d'autre part, à proximité des zones clôturées. Les dispositions ci-dessus sont applicables aux orifices des puits et aux ouvertures de galeries qui donnent accès aux travaux souterrains ". Aux termes de l'article 14.1 du même arrêté : " Les bords des excavations des carrières à ciel ouvert sont tenus à distance horizontale d'au moins 10 mètres des limites du périmètre sur lequel porte l'autorisation ainsi que de l'emprise des éléments de la surface dont l'intégrité conditionne le respect de la sécurité et de la salubrité publiques (...) ".

9. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de visite produit, dont les mentions ne sont pas sérieusement contestées, que la carrière exploitée par la SCEA C... n'est pas conforme aux prescriptions des articles 13 et 14 précités de l'arrêté ministériel du 22 septembre 1994 visé ci-dessus. Si la société soutient que cette carrière n'est plus exploitée dès lors qu'elle est désormais remplie d'eau, une telle circonstance n'est pas de nature à la soustraire à l'obligation de respecter ces prescriptions jusqu'à la cessation définitive d'exploitation et la remise en état du site. En outre, si la société soutient que les bords de l'excavation sont situés à plus de 10 mètres des limites du périmètre de la carrière, elle ne produit aucun élément précis et circonstancié à l'appui de ses allégations. Par suite, les moyens tirés d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de fait doivent être écartés.

Sur la légalité de l'arrêté ordonnant la régularisation de l'installation :

10. Aux termes du I de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an (...) ".

11. En l'espèce, la préfète de la Somme a pu légalement, sur le fondement des dispositions citées au point précédent, mettre en demeure la SCEA C... de régulariser sa situation administrative, " en déposant en préfecture un dossier de demande d'autorisation " ou " en cessant ses activités et en procédant à la remise en état prévue par l'article L. 512-6-1 du code de l'environnement ". Par suite, le moyen tiré d'un erreur d'appréciation doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SCEA C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 23 août 2019 de la préfète de la Somme.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la SCEA C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société civile d'exploitation agricole C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole C... et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 31 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Naïla Boukheloua, première conseillère,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA01376 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01376
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET BIBARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-21;21da01376 ?
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