Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société axonaise de presse a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aisne du 10 décembre 2018 en tant qu'il a autorisé les journaux " Picardie - La Gazette ", " l'Agriculteur de l'Aisne " et " Le Démocrate de l'Aisne " à publier des annonces judiciaires et légales pour l'année 2019.
Par un jugement n° 1900541 du 27 mars 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté en tant qu'il a autorisé les journaux " Picardie - La Gazette " et " Le Démocrate de l'Aisne " à publier des annonces judiciaires et légales pour l'année 2019.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 août 2020, et un mémoire enregistré le 14 décembre 2021, la société Picardie - La Gazette, représentée par Me Jean-Baptiste Dubrulle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé partiellement l'arrêté du préfet de l'Aisne du 10 décembre 2018 ;
2°) de mettre à la charge de la société axonaise de Presse, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que le mémoire déposé le 13 novembre 2019 ne lui a pas été communiqué ;
- la requête était irrecevable pour tardiveté ;
- elle réalise 3 145 ventes dans le département de l'Aisne et remplit les conditions fixées par le décret du 17 décembre 1955.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 10 janvier 2022, qui n'a pas été communiqué, la société axonaise de Presse, représentée par Me Claudia Massa, conclut au rejet de la requête à la mise à la charge de la société Picardie - La Gazette de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 27 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
La requête a été communiquée au ministre de la culture qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 ;
- le décret n° 55-1650 du 17 décembre 1955 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Baes-Honoré présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 10 décembre 2018, le préfet de l'Aisne a établi la liste des journaux habilités à publier des annonces judiciaires et légales pour l'année 2019, parmi lesquels figure le journal " Picardie - La Gazette ", édité par la SARL éponyme. Cette société demande à la cour d'annuler le jugement du 27 mars 2020, en tant que le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'autorisation qui lui avait été délivrée.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte des visas du jugement contesté que le mémoire de la société axonaise de presse enregistré le 12 novembre 2019 n'a pas été communiqué. Il résulte toutefois des pièces du dossier que cette société a présenté un mémoire rectificatif le 13 novembre 2019, dans lequel se trouvaient les éléments chiffrés dont la requérante soutient n'avoir pas eu connaissance. L'extrait issu de l'application Télérecours atteste que ce mémoire a été communiqué aux autres parties et que le mandataire de la société Picardie - La Gazette en a accusé réception le 22 novembre 2019. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le principe du contradictoire a été méconnu doit être écarté.
Sur la recevabilité de la requête de première instance :
3. D'une part, la demande de la société axonaise de presse a été enregistrée au tribunal le 18 février 2019, soit dans le délai de recours de deux mois après la publication de l'arrêté contesté au recueil des actes administratifs de la préfecture le 21 décembre 2018. D'autre part, ni le courriel d'envoi de l'arrêté en litige à la société Picardie - La Gazette produit à l'instance, ni aucune autre pièce du dossier ne permet de déterminer la date de notification de cet arrêté à la société axonaise de presse. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande doit être écartée.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 4 janvier 1955, alors en vigueur, concernant les annonces judiciaires et légales : " Dans chaque département, et sauf pour les annonces devant paraître au Journal officiel de la République française ou à ses annexes, les annonces exigées par les lois et décrets seront insérées, à peine de nullité de l'insertion, nonobstant les dispositions contraires de ces lois et décrets, dans l'un des journaux, au choix des parties, remplissant les conditions prévues à l'article 2 (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " Tous les journaux d'information générale, judiciaire ou technique, inscrits à la commission paritaire des publications et agences de presse, et ne consacrant pas en conséquence à la publicité plus des deux tiers de leur surface et justifiant une vente effective par abonnements, dépositaires ou vendeurs, sont inscrits de droit sur la liste prévue ci-dessous sous les conditions suivantes : / 1° Paraître depuis plus de six mois au moins une fois par semaine ; / 2° Etre publiés dans le département ou comporter pour le département une édition au moins hebdomadaire ; / 3° Justifier d'une diffusion atteignant le minimum fixé par décret, en fonction de l'importance de la population du département ou de ses arrondissements. / La liste des journaux susceptibles de recevoir les annonces légales soit dans tout le département, soit dans un ou plusieurs de ses arrondissements est fixée chaque année au mois de décembre pour l'année suivante, par arrêté du préfet (...) ".
5. Aux termes de l'article 1er du décret du 17 décembre 1955 alors en vigueur relatif aux annonces judiciaires et légales : " La diffusion dont les journaux d'information générale, judiciaire ou technique doivent justifier pour être admis sur la liste des publications susceptibles de recevoir les annonces légales doit comporter une vente effective par abonnements, dépositaires ou vendeurs au moins égale aux minima fixés par le tableau ci-dessous (départements, arrondissements et minimum de diffusion) : (...) Aisne, 2.900 : Laon (1.200), Château-Thierry (600), Saint-Quentin (1.100), Soissons (800), Vervins (900) ".
6. Il ressort de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu assurer que les annonces judiciaires et légales fassent l'objet, dans chaque département, d'une mesure de publicité sur un support de presse local ou comportant une édition locale en vue d'assurer une information appropriée de ces annonces, et en tenant compte de la diversité de l'offre de presse selon les départements. Pour ce faire, il a fixé au 2° de son article 2 des critères tenant au contenu rédactionnel de la publication, qui peut soit être principalement consacré aux informations d'intérêt local dans le département pour chacun de ses numéros, soit proposer un contenu rédactionnel au moins hebdomadaire relatif à des informations présentant un même intérêt.
7. Il résulte du formulaire de demande d'inscription sur la liste départementale des journaux pouvant publier les annonces judiciaires ou légales renseigné par la société Picardie - La Gazette que celle-ci a déclaré avoir réalisé 3145 ventes effectives dans le département de l'Aisne. Eu égard au chiffre d'affaires réalisé par la société Picardie - La Gazette dans ce département et au prix moyen des abonnements et des ventes libres de ce journal, et alors que l'expert-comptable de la société a attesté l'exactitude des informations figurant dans cette demande d'inscription, le nombre total des ventes déclaré par la société dans le département de l'Aisne n'apparaît ni incohérent ni inexact.
8. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'absence de justification d'une vente effective au moins égale à 2900 exemplaires dans le département de l'Aisne, caractérisant une violation du 3° de l'article 2 de la loi du 4 janvier 1955, pour annuler la décision du préfet de l'Aisne.
9. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société axonaise de presse devant la cour.
10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le journal Picardie - La Gazette n'est pas publié dans le département de l'Aisne et ne remplit donc pas l'une des deux conditions posées au 2° de l'article 2 de la loi du 4 janvier 1955.
11. D'autre part, alors que la société axonaise de presse a exposé que le journal Picardie - La Gazette consacre très peu de pages au département de l'Aisne, faisant ainsi valoir que moins de 3 des 52 pages lui sont consacrées dans la revue du 17 juillet 2018, la société Picardie - La Gazette s'est bornée quant à elle à faire état de l'attestation obtenue en 2020 et en 2021 de la commission paritaire des publications et agences de presse. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le contenu rédactionnel du journal Picardie - La Gazette présente un volume suffisant d'informations régulièrement dédiées au département de l'Aisne. N'est donc pas davantage remplie l'autre condition posée au 2° de l'article 2 de la loi du 4 janvier 1955.
12. Dans ces conditions, le préfet de l'Aisne ne pouvait pas, au regard des dispositions précitées, retenir le journal Picardie - La Gazette dans la liste des journaux habilités à recevoir les annonces judiciaires et légales dans le département de l'Aisne pour l'année 2019.
13. Il résulte de ce qui précède que la société Picardie - La Gazette n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé partiellement l'arrêté du préfet de l'Aisne du 10 décembre 2018.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
14. La demande présentée par la société Picardie - La Gazette, partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande présentée sur le même fondement par la société axonaise de presse.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Picardie - La Gazette est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société axonaise de presse présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Picardie - La Gazette, à la société axonaise de presse et à la ministre de la culture.
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Aisne.
Délibéré après l'audience publique du 31 mai 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- Mme Baes-Honoré, présidente-assesseure,
- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.
La présidente-rapporteure,
Signé : C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
N°20DA01281 2