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16/06/2022 | FRANCE | N°20DA01334

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 16 juin 2022, 20DA01334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1802098 du 29 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 août 2020 et un mémoire enregistré le 1er mars 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Lamrani, demandent à l

a cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802098 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de prononc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1802098 du 29 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 août 2020 et un mémoire enregistré le 1er mars 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Lamrani, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802098 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge au titre de l'année 2013 ; à titre subsidiaire la décharge de la majoration de 40% pour manquement délibéré et des intérêts de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la SCP D... devait tirer les conséquences fiscales de la dissolution anticipée de la société et déterminer ses résultats de l'année 2013 avec la méthode créances/dettes conformément à l'article 202 du code général des impôts ;

- les intérêts de retard sont mal fondés car l'article 1727 du code général des impôts était applicable ;

- les pénalités appliquées ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 février 2021 et un mémoire enregistré le 17 décembre 2021, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet des conclusions de la requête.

Il soutient que les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir des dispositions de l'article 202 du code général des impôts dès lors que les opérations de liquidation de la société étaient toujours en cours au 31 décembre 2013.

Par une ordonnance du 24 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 3 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les docteurs Krief et A... exerçaient leur activité au sein de la SCP D..., qui relevait du régime fiscal prévu aux articles 8 et 8 ter du code général des impôts et dont Mme A... était alors l'une des associés. La SCP D... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a rectifié le bénéfice non commercial de la société de l'exercice 2013, imposable entre les mains des associés. En conséquence, l'administration a assujetti Mme A... à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013, dont elle a vainement demandé la décharge au tribunal administratif d'Amiens.

Sur le bien-fondé de l'imposition supplémentaire :

2. Au titre des revenus de l'année 2013, Mme A... a déclaré 50% du résultat de la SCP D... établi selon la méthode dite des créances acquises et dettes certaines prévue au 1 de l'article 202 du code général des impôts, selon les comptes sociaux transmis par le liquidateur et a déclaré un déficit de 2 083 013 euros dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. L'administration a toutefois entrepris une vérification de comptabilité de la SCP D... et a rectifié le bénéfice imposable de l'exercice 2013 en refusant, pour le calcul du bénéfice, l'application de la méthode dite des créances acquises et dettes certaines prévue au 1 de l'article 202 du code général des impôts et en faisant application de la méthode de calcul du bénéfice prévue au 1 de l'article 93 du code général des impôts selon lequel " le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. ".

3. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 202 du code général des impôts : " Dans le cas de cessation de l'exercice d'une profession non commerciale, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices provenant de l'exercice de cette profession y compris ceux qui proviennent de créances acquises et non encore recouvrées et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi. (...) ". Cet article précise que les contribuables doivent, dans un délai de soixante jours courant, lorsqu'il s'agit de la cessation de l'exercice d'une profession autre que l'exploitation d'une charge ou d'un office, à compter du jour où la cessation a été effective, aviser l'administration de la cessation et lui faire connaître la date à laquelle elle a été ou sera effective, ainsi que, s'il y a lieu, les nom, prénoms et adresse du successeur.

4. En second lieu, selon l'article 1844-8 du code civil, applicable aux sociétés civiles professionnelles en vertu de l'article 30 de la loi du 29 novembre 1966 relative à ces sociétés : " La dissolution de la société entraîne sa liquidation. (...) La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 4113-90 du code de la santé publique, qui précise la mise en œuvre de ces mêmes dispositions s'agissant notamment des sociétés civiles professionnelles de médecins : " La société est en liquidation dès sa dissolution pour quelque cause que ce soit ou dès que la décision judiciaire déclarant sa nullité est devenue définitive. / La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci. / La raison sociale est obligatoirement suivie de la mention "société en liquidation". ".

5. Il résulte des principes applicables en cas de dissolution de sociétés, et notamment des dispositions du code civil citées au point 3, qu'une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes exerçant une activité relevant des bénéfices non commerciaux qui est placée en liquidation ne doit déposer la déclaration prévue par l'article 202 du code général des impôts en cas de cessation d'exercice d'une profession non commerciale que lorsque les comptes définitifs du liquidateur ont été approuvés dans les conditions prévues par la loi. Les associés d'une telle société ne sont, par suite, pas fondés à se prévaloir, pour la détermination du montant des bénéfices imposables entre leurs mains, de la méthode de calcul prescrite par les dispositions du 1 de l'article 202 du code général des impôts avant l'approbation des comptes définitifs du liquidateur.

6. En l'espèce, il est constant que la dissolution judiciaire de la SCP D... est intervenue en 2011 par l'effet d'un arrêt de la cour d'appel d'Amiens en date du 9 juin 2011 et que les opérations de liquidation de la SCP D... étaient toujours en cours au 31 décembre 2013. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions du 1 de l'article 202 du code général des impôts. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a rectifié le bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu de la SCP D... en faisant application du 1 de l'article 93 du code général des impôts.

Sur l'intérêt de retard :

7. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I.- Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. / II.- L'intérêt de retard n'est pas dû : (...) / 2. Au titre des éléments d'imposition pour lesquels un contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l'acte, ou dans une note annexée, les motifs de droit ou de fait qui le conduisent à ne pas les mentionner en totalité ou en partie, ou à leur donner une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées (...) ". En raison de l'objet des dispositions précitées, le juge se fonde sur le résultat de l'instruction pour apprécier si une déclaration de revenus comportait une mention de nature à écarter, au bénéfice du contribuable, l'application de l'intérêt de retard. Une indication expresse au sens de ces dispositions doit comporter des éléments précis et circonstanciés sur les motifs de droit et les éléments de fait mettant l'administration en mesure d'apprécier immédiatement si les conditions du régime ou des dispositions invoquées sont remplies.

8. Il résulte de l'instruction que le motif de droit permettant à l'administration d'apprécier immédiatement le bien fondé des arguments des contribuables était précisément et expressément indiqué dans l'indication expresse jointe à la déclaration des revenus modèle n° 2042 pour 2013 établie le 6 juin 2014. En revanche, les éléments chiffrés précisés dans une note produite à l'instance, relative à l'exercice clos le 31 décembre 2012, ne peuvent être regardés comme une indication expresse précise et circonstanciée portée sur la déclaration modèle n° 2035 pour 2013, établie le 6 juin 2014 par Mme A..., ou dans une note annexée à cette dernière, au sens de l'article 1727 du code général des impôts. Pour ce dernier motif, l'administration n'était pas en mesure d'apprécier immédiatement le bien fondé des arguments des contribuables à la date du 6 juin 2014, notamment de leur donner une qualification pouvant entraîner une taxation atténuée. C'est donc à bon droit que l'administration a appliqué l'intérêt de retard prévu par l'article 1727 du code général des impôts.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

10. En l'espèce, pour justifier l'application de cette majoration, l'administration fait valoir, notamment, que le manquement reproché dans la présente instance avait déjà été porté à la connaissance des requérants, à l'occasion de deux contrôles antérieurs dans deux propositions de rectification des 21 décembre 2012 et 12 juin 2013 portant, pour les années 2009 à 2011, sur le même impôt et la même question de droit. Toutefois, les époux A... avaient contesté devant le tribunal administratif d'Amiens cette rectification et le tribunal avait fait droit à leur demande pour l'année 2011, par un jugement 6 juillet 2017, au motif que c'était à tort que l'administration, estimant que la clôture de la liquidation de la SCP n'étant pas intervenue en 2011, avait refusé de faire application de l'article 202 du code général des impôts. La cour avait d'ailleurs rejeté l'appel du ministre par un arrêt du 2 avril 2020. Le litige n'a été définitivement tranché que le 25 juin 2021 par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux sur le pourvoi en cassation du ministre contre l'arrêt de la Cour du 2 avril 2020. Par suite, à la date de la déclaration des revenus de l'année 2013 établie par Mme A..., la persistance d'un litige entre les contribuables et l'administration, résultant d'une interprétation divergente sur l'application de l'article 202 du code général des impôts, ne peut être regardée, en l'espèce, comme la preuve de l'intention délibérée d'éluder le paiement de l'impôt justifiant l'application de la majoration pour manquement délibéré. Par suite, l'administration ne peut être regardée comme justifiant l'application de la majoration de l'article 1729 du code général des impôts, dont les requérants sont donc fondés à demander la décharge.

11. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a refusé de prononcer la décharge de la majoration pour manquement délibéré qui leur a été infligée au titre de l'année 2013.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance pour l'essentiel, les conclusions de M. et Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : M. et Mme A... sont déchargés de la majoration de 40% appliquée à la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 2 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2022.

Le président, rapporteur,

Signé : M. C...La conseillère la plus ancienne,

Signé : D. Bureau

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°20DA01334 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01334
Date de la décision : 16/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Sauveplane
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LAMRANI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-16;20da01334 ?
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