La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2022 | FRANCE | N°20DA00783

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 09 juin 2022, 20DA00783


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 16 septembre 2016 A... laquelle le maire d'Halluin a procédé à son licenciement ainsi que les décisions implicites A... lesquelles il lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle et a rejeté son recours gracieux formé contre la décision la licenciant. Elle a également demandé qu'il soit enjoint à la commune d'Halluin de lui accorder la protection fonctionnelle et que cette commune soit condamnée à lui ver

ser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 18 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 16 septembre 2016 A... laquelle le maire d'Halluin a procédé à son licenciement ainsi que les décisions implicites A... lesquelles il lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle et a rejeté son recours gracieux formé contre la décision la licenciant. Elle a également demandé qu'il soit enjoint à la commune d'Halluin de lui accorder la protection fonctionnelle et que cette commune soit condamnée à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 18 000 euros en réparation des autres préjudices subis.

A... un jugement n° 1709658 du 18 février 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

A... une requête, enregistrée le 27 mai 2020, et des mémoires, enregistrés le 5 août 2021 et le 5 janvier 2022, Mme C..., représentée A... Me Jean-Luc Wabant, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions implicites A... lesquelles le maire d'Halluin a rejeté le recours gracieux qu'elle avait formé contre la décision la licenciant et sa demande de protection fonctionnelle ;

3°) d'annuler la décision du 16 septembre 2016 A... laquelle le maire d'Halluin l'a licenciée ;

4°) de lui accorder la protection fonctionnelle ;

5°) de condamner la commune d'Halluin à lui verser la somme de 30 000 euros à titre d'indemnité de licenciement ainsi que la somme de 18 000 euros en réparation de son préjudice de santé et de son préjudice moral ;

6°) de mettre à la charge de la commune d'Halluin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car le tribunal administratif a statué ultra petita ;

- la décision de licenciement était irrégulière car elle ne comportait pas la mention des voies et délais de recours ;

- cette décision n'avait pas été précédée d'une information sur les modifications du contrat de travail qui lui étaient imposées ;

- les dispositions du nouveau contrat de travail étaient contraires aux dispositions de l'article D. 423-7 du code de l'action sociale et des familles ;

- le maire ne pouvait la licencier pour avoir refusé de signer son contrat de travail ;

- le refus d'un salarié que des éléments substantiels de son contrat de travail soient modifiés ne peut constituer un motif de licenciement ;

- le licenciement n'était pas motivé ;

- la commune a méconnu son obligation de reclassement ;

- elle a droit à l'indemnisation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- les pressions exercées pour qu'elle accepte la modification de son contrat ont dégradé ses conditions de travail et justifient l'indemnisation de son préjudice moral.

A... un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2021, la commune d'Halluin, représentée A... la société civile professionnelle Savoye-Forgeois, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C... de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est tardive et donc irrecevable ;

- l'appelante se prévaut des dispositions de l'article 39-4 du décret du 15 février 1988 qui ne lui est pas applicable ;

- elle était tenue de régulariser le contrat de Mme C... ;

- elle n'était pas tenue de proposer un reclassement à cette dernière ;

- la décision de licenciement est parfaitement motivée ;

- Mme C... n'apporte pas d'éléments laissant présumer des agissements de harcèlement moral.

A... ordonnance du 6 janvier 2022, l'instruction a été rouverte et la clôture a été fixée au 21 janvier 2022 à 12 heures.

Des demandes de pièces ont été adressées à Mme C... le 4 novembre 2021, le 27 décembre 2021 et le 7 février 2022, ainsi qu'à la commune d'Halluin le 26 novembre 2021 et le 27 décembre 2021.

La commune d'Halluin a répondu le 3 décembre 2021, le 28 décembre 2021 et Mme C..., le 4 janvier 2022 et le 17 février 2022. Les pièces produites ont été communiquées à l'autre partie, l'instruction n'étant rouverte que sur ce point, s'agissant des pièces reçues le 17 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code du travail ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Wabant, pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C... était assistante maternelle agréée, employée A... la commune d'Halluin A... un contrat à durée indéterminée depuis le 2 décembre 1991. Le maire d'Halluin l'a licenciée A... décision du 16 septembre 2016 au motif qu'elle refusait de signer un nouveau contrat. L'intéressée a formé, le 13 juillet 2017, un recours gracieux contre cette décision et a également demandé à bénéficier de la protection fonctionnelle. Elle a saisi le tribunal administratif de Lille de demandes d'annulation tant de la décision de licenciement que de la décision implicite rejetant son recours gracieux et de celle rejetant sa demande de protection fonctionnelle. Elle a également demandé qu'il soit enjoint à la commune de lui accorder la protection fonctionnelle. Elle a enfin demandé que la commune soit condamnée à l'indemniser des préjudices subis. Mme C... relève appel du jugement du 18 février 2020 qui a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période dans sa rédaction alors applicable : " Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit A... la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. ". L'article 1er de la même ordonnance dans sa rédaction applicable à la date d'enregistrement de la requête prévoyait que les dispositions précitées " sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ". Le I de l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions administratives rend ces dispositions applicables à la juridiction administrative.

3. A... suite, le délai d'appel contre le jugement du 18 février 2020 n'était nécessairement pas expiré, en application de ces dispositions, à la date du 27 mai 2020 à laquelle a été enregistrée la requête d'appel. La fin de non-recevoir, tirée de la tardiveté de l'appel, ne peut donc qu'être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Mme C... soutient que le tribunal administratif de Lille a statué ultra petita en écartant l'application de certaines dispositions du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale. Toutefois, l'intéressée se prévalait dans ses écritures de première instance notamment des articles 39-3, 39-4 et 39-5 de ce décret. Il relevait donc de l'office des premiers juges de vérifier que ces articles s'appliquaient à la situation de Mme C.... Le moyen de régularité ainsi évoqué ne pourra donc qu'être écarté.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision de licenciement :

5. D'une part, le contrat de recrutement d'un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci, sauf s'il présente un caractère fictif ou frauduleux. Lorsque le contrat d'un agent contractuel de droit public est entaché d'une irrégularité, notamment parce qu'il méconnaît une disposition législative ou réglementaire applicable à la catégorie d'agents dont relève l'agent contractuel en cause, l'administration est tenue de proposer à celui-ci une régularisation de son contrat afin que son exécution puisse se poursuive régulièrement. Si le contrat ne peut être régularisé, il appartient à l'administration, dans la limite des droits résultant du contrat initial, de proposer à l'agent un emploi de niveau équivalent ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi, afin de régulariser sa situation. Si l'intéressé refuse la régularisation de son contrat ou si la régularisation de sa situation, dans les conditions précisées ci-dessus, est impossible, l'administration est tenue de le licencier. Lorsqu'elle n'implique la modification d'aucun de ses éléments substantiels, l'administration procède à la régularisation du contrat de l'agent, sans être tenue d'obtenir son accord. Dès lors, si l'agent déclare refuser la régularisation à laquelle a procédé l'administration, ce refus n'y fait pas obstacle et l'administration n'est pas tenue de licencier l'agent.

6. D'autre part, le principe général du droit dont s'inspirent les dispositions des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail implique que toute modification des termes d'un contrat de travail recueille l'accord à la fois de l'employeur et du salarié.

7. Le principe visé au point 6 s'applique aux contractuels de droit public, sauf dans le cas où serait démontré que la modification résulte de l'intérêt du service. Il en résulte que, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, lorsque la modification du contrat de travail ne résulte ni d'une régularisation, ni de l'intérêt du service, l'agent public est en droit de la refuser et le licenciement que prononcerait l'administration dans ce cas serait illégal.

8. En l'espèce, le nouveau contrat que Mme C... a refusé de signer reprenait au point E de l'article 8, les dispositions de l'article D. 423-7 du code de l'action sociale et des familles relatif à l'indemnité d'entretien. Il prévoyait également au point D de ce même article 8, une majoration de la rémunération au-delà de quarante-cinq heures de travail effectuées, conformément aux dispositions de l'article D. 423-10 du code de l'action sociale et des familles. Il fixait également au A de cet article 8, une rémunération horaire supérieure à la rémunération minimale définie A... l'article D. 423-9 du même code. Il déterminait également au point E de l'article 8, le montant de l'indemnité d'attente dans le respect des dispositions de l'article D. 423-20 du même code. Le nouveau contrat adressé A... la commune à Mme C..., le 5 juillet 2016, comportait donc des régularisations de son ancien engagement qui étaient imposées A... les modifications introduites dans le code de l'action sociale et des familles A... le décret du 7 mars 2008 relatif au code du travail. La commune était donc tenue de proposer une régularisation du contrat de travail de Mme C... sur ces points, en application du principe rappelé au point 5.

9. Toutefois, le nouveau contrat comportait aussi des modifications portant sur la rémunération ou sur la charge de travail et qui n'étaient pas imposées A... la règlementation. Il permettait en effet une plus grande diversité des contrats signés entre l'assistante maternelle et les parents pour l'accueil de chaque enfant. Alors que l'ancien contrat ne comportait que trois possibilités de contrats pour des accueils respectivement de trois, quatre ou cinq jours A... semaine soit selon les cas treize, dix-sept ou vingt-deux jours A... mois, le nouveau contrat comprend au point A de l'article 8, cinq formules créant des possibilités d'accueil sur deux jours A... semaine et neuf jours A... mois ou sur trois jours mais pour seulement douze A... mois pour les enfants d'enseignants. Combiné avec la limitation à trois du nombre de contrats d'accueil, ces dispositions peuvent entraîner une baisse de rémunération de l'assistante maternelle. A... ailleurs, le nouveau contrat est beaucoup plus individualisé que l'ancien en ce qui concerne la rémunération forfaitaire et non horaire de l'assistante maternelle. Alors que l'ancien contrat prévoyait une rémunération forfaitaire de cinq heures dès la première heure de travail, le nouveau n'applique une rémunération forfaitaire qu'à compter de la sixième heure. Cette modification peut également induire une diminution de la rémunération de l'assistante maternelle. De même, la plus grande précision du nouveau contrat peut conduire à une baisse de salaire. Ainsi, dans l'ancien contrat, une assistante maternelle qui travaillait entre huit et dix heures était rémunérée A... un forfait de dix heures, alors que dans le nouveau, ce forfait ne s'applique qu'à l'assistante employée entre neuf et dix heures, celle travaillant entre huit et neuf heures, ne percevant que neuf heures. De même, le nouveau contrat réduit le montant de l'indemnité de nourriture, auparavant fixée à 5,10 euros pour une journée de crèche à 4,90 euros. Aucune de ces clauses n'étaient imposées A... la mise en conformité avec les dispositions législatives et règlementaires applicables. A... ailleurs, la commune ne présente aucune argumentation tendant à démontrer que ces évolutions auraient été imposées A... l'intérêt du service. Or ces modifications portent sur des éléments substantiels du contrat de travail de l'assistante maternelle, qu'il s'agisse de la rémunération ou du temps de travail. En conséquence, Mme C... pouvait refuser de signer son nouveau contrat, sans que ce refus puisse constituer un motif légal de licenciement, en application du principe rappelé au point 7. A... suite, la décision de licenciement du 21 mars 2017 est illégale pour ce motif. Mme C... est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes d'annulation de la décision de licenciement du 21 mars 2017 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle a soulevés. Mme C... est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes d'annulation de la décision de licenciement du 16 septembre 2016 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux formé contre cette décision, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle a soulevés.

En ce qui concerne les conclusions d'annulation du refus de la protection fonctionnelle :

10. Mme C... a sollicité la protection fonctionnelle A... un courrier de son conseil en date du 3 juillet 2017. Le maire d'Halluin n'a pas répondu à cette demande, faisant naître une décision implicite de rejet.

11. En premier lieu, si Mme C... soutient que le rejet de sa demande de protection fonctionnelle n'était pas motivé, elle n'établit pas avoir demandé les motifs de cette décision implicite dans le délai de deux mois à compter de la naissance de cette décision implicite, conformément à l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration. Ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.

12. En second lieu, Mme C... n'a pas précisé ni dans sa demande préalable, ni dans sa demande de première instance, ni dans sa requête d'appel, à quel titre, elle estimait devoir bénéficier de la protection fonctionnelle. Or, Mme C... n'a pas fait l'objet de poursuites pénales, de violences, de menaces, d'injures, de diffamations ou d'outrages qui justifieraient de lui accorder, le cas échéant, la protection fonctionnelle. Elle ne fait pas valoir non plus qu'elle était victime d'agissements répétés de harcèlement moral et à supposer qu'elle entende se placer sur ce terrain, la seule production d'articles de presse relatant le conflit entre la municipalité et les assistantes maternelles sur la modification de leurs contrats, ne suffisent pas à laisser présumer que Mme C... ait fait l'objet d'agissements répétés de harcèlement moral la visant personnellement et ayant contribué à la dégradation de ses conditions de travail.

13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions d'annulation de la décision implicite refusant d'accorder la protection fonctionnelle à Mme C... ne peuvent qu'être rejetées. A... suite, les conclusions tendant à ce que lui soit accordée la protection fonctionnelle ne peuvent également, en tout état de cause, qu'être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

S'agissant de la responsabilité et du lien de causalité :

14. Mme C... demande la condamnation de la commune en raison de l'illégalité de son licenciement mais également du fait des agissements de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis et de la méconnaissance qu'elle allègue A... son employeur de son obligation de protection de la santé et de la sécurité de ses agents.

15. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 12, aucun agissement de harcèlement moral n'est établi. De même, si Mme C... soutient que son employeur a manqué à son obligation de sécurité, elle n'établit ni que son licenciement serait en lien direct avec de tels manquements de la commune à son obligation générale de sécurité à l'égard de ses employés, ni la réalité de tels manquements.

16. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.

17. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que Mme C... a fait l'objet d'un licenciement illégal. Alors que la commune n'a à aucun moment mis en avant l'intérêt du service, elle n'aurait pu prendre une décision de licenciement légale qu'en modifiant les stipulations du contrat proposé à l'intéressée, en limitant les modifications à celles visées au point 8, ce qui ne permet pas de considérer qu'elle aurait pu prendre légalement une décision de licenciement dans des conditions identiques. Dès lors, Mme C... a droit à l'indemnisation des préjudices qui sont en lien direct avec cette illégalité fautive.

S'agissant des préjudices :

18. Il résulte de l'instruction que la rémunération de l'intéressée comprenait des indemnités d'entretien et de nourriture ainsi qu'un forfait de frais de déplacement. Ces sommes compensent donc des charges liées à l'exercice effectif des fonctions et ne doivent donc pas être prises en compte pour le calcul de l'indemnisation due en application du principe rappelé au point 16. Après déduction de ces sommes, la rémunération moyenne mensuelle nette de l'intéressée pendant ses périodes d'activité de décembre 2015 à juin 2016, s'établit à 963,32 euros. Il convient également de prendre en compte la prime de fin d'année, fixée A... son contrat au douzième de sa rémunération brute annuelle, que Mme C... aurait eu une chance sérieuse de percevoir si elle n'avait pas fait l'objet d'une éviction illégale. Les revenus que l'intéressée aurait dû percevoir sur la période peuvent donc être évalués à la somme de 60 005,20 euros du 16 septembre 2016 au 30 juin 2021, date de son départ à la retraite, dont il convient de déduire les revenus qu'elle a perçus sur la même période, qui s'élèvent à la somme de 49 331,27 euros d'après les avis d'imposition ainsi que les relevés de Pôle emploi produits A... l'appelante. Il y a lieu d'ajouter à ces revenus l'indemnité de licenciement de 10 293,61 euros bruts, soit 8 366,65 euros nets, versée A... la commune qui constitue, bien que non fiscalisée, un revenu lié à l'activité professionnelle de l'intéressée. Si l'intéressée allègue que son éviction illégale lui a fait perdre des droits à retraite complémentaire, elle n'apporte aucune précision permettant d'établir le caractère certain de son préjudice sur ce point, alors qu'elle a à nouveau été salariée après son licenciement, parfois pour des salaires mensuels supérieurs à ceux versés A... la commune et a donc cotisé à ce titre. A... suite, il sera fait une exacte appréciation du préjudice financier subi A... Mme C... en le fixant à la somme de 2 307,28 euros.

19. A... ailleurs, dans le dernier état de ses écritures, Mme C... demande l'indemnisation du préjudice moral résultant de son licenciement illégal. Il y a lieu de faire droit à cette demande, compte tenu de l'incertitude et des bouleversements qu'a pu provoquer ce licenciement intervenu alors que Mme C... était âgée de cinquante-sept ans, et de le fixer A... une juste appréciation à la somme de 1 000 euros.

20. A... ailleurs, Mme C... soutient A... ailleurs qu'elle a subi des pressions pour signer son contrat et que la dégradation de son état de santé est en lien avec ces pressions et avec son travail. Toutefois, en se bornant à produire des articles de presse sur le conflit entre les assistantes maternelles et la municipalité ainsi qu'un certificat médical qui n'établit pas de lien direct entre son état de santé et son travail, l'appelante n'établit pas que les conditions de son licenciement auraient été vexatoires, ni qu'elle ait subi de préjudice à ce titre.

21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes d'annulation de la décision de licenciement du 16 septembre 2016 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision, ainsi que ses conclusions indemnitaires. A... suite, le jugement du tribunal administratif de Lille du18 février 2020 doit être réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune d'Halluin demande au titre des frais exposés A... elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune d'Halluin, une somme de 2 000 euros à verser à Mme C....

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 16 septembre 2016 A... laquelle le maire d'Halluin a licencié Mme C... et la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision sont annulées.

Article 2 : La commune d'Halluin est condamnée à verser la somme de 3 307,28 euros à Mme C....

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 18 février 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune d'Halluin versera la somme de 2 000 euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la commune d'Halluin.

Délibéré après l'audience publique du 25 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public A... mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Chloé Huls-Carlier

1

2

N° 20DA00783

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00783
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : AVOCATS ASSOCIES GIRAUD - WABANT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-09;20da00783 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award