Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Lille, par deux demandes successives, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 et de mettre à la charge de l'Etat, dans chacun des litiges, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement nos 1800354, 1800363 du 11 mai 2020, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint ces deux demandes, a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige et a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juin 2020 et 11 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de M. et Mme A... les suppléments d'impôt et de contributions sociales dont la décharge a été prononcée par ce jugement ;
3°) de prescrire le reversement de la somme de 1 500 euros mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif, pour prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige, a estimé à tort que l'administration avait, en méconnaissance de l'obligation lui incombant en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, omis de communiquer à M. et Mme A..., en réponse à une demande de leur part, les pièces obtenues de tiers et sur lesquelles le service avait fondé son appréciation pour établir les impositions ; en effet, la demande dont se prévalaient M. et Mme A... a été formulée par leur conseil, auprès de l'interlocuteur fiscal interrégional, dans les suites de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, et non dans le cadre de leur contestation des rehaussements en cause, afférents aux revenus distribués perçus par M. A... de la société Diffusion de Pièces Détachées d'Origine (DPDO) ; cette demande devait donc être regardée comme se rattachant exclusivement à cette procédure, quand bien même elle évoquait les rectifications apportées aux revenus imposables des intéressés au titre de l'année 2014, non concernée par l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle ; en outre, cette demande, qui visait l'ensemble des éléments sur lesquels le service avait fondé les impositions contestées, était insuffisamment précise ; néanmoins, en réponse à cette demande, le service a communiqué à M. et Mme A... l'ensemble des éléments obtenus de tiers en sa possession et utilisés pour fonder les rectifications ; en revanche, le service était fondé à considérer que la demande des intéressés ne concernait pas les écritures comptables de la société DPDO, dont il n'était plus en possession et dont les extraits utiles avaient été reproduits dans les propositions de rectification adressées aux intéressés ;
- quand bien même la cour confirmerait le raisonnement retenu par le tribunal administratif, elle devrait néanmoins constater que celui-ci n'impliquait pas la décharge de l'ensemble des suppléments d'impôt et de contributions sociales en litige, dès lors que les factures fondant le rehaussement afférent aux travaux effectués par la société Idverde ont été communiqués à M. et Mme A... et que le montant des salaires perçus par Mme A... au titre de l'année 2014 a été déterminé à partir de la déclaration annuelle transmise par son employeur, laquelle déclaration ne constitue pas un document communicable au contribuable ;
- pour les motifs développés dans les écritures produites au nom de l'Etat devant le tribunal administratif, les autres moyens soulevés en première instance par M. et Mme A... et dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel, ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2020, et par un mémoire, enregistré le 24 juin 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Boron, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 9 823,75 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges ont estimé à bon droit que l'administration, en ne leur communiquant pas, malgré leur demande en ce sens, l'ensemble des documents obtenus de tiers et sur lesquels les rehaussements contestés ont été fondés, a commis une irrégularité de procédure ayant conduit à les priver de la garantie prévue à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; contrairement à ce que soutient le ministre, leur demande, qui a été présentée avant la mise en recouvrement des impositions en litige, était suffisamment précise et concernait les rehaussements issus des vérifications de comptabilité de la société DPDO, y compris au titre de l'année 2014 ; le fait que cette demande ait été adressée à l'interlocuteur fiscal interrégional dans les suites de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet ne fait pas obstacle à ce que la procédure d'imposition soit regardée comme irrégulière, alors d'ailleurs que la discussion tenue avec cette autorité de recours a excédé le cadre des années 2012 et 2013, concernées par ce contrôle, et s'est étendue à l'année 2014 et à l'ensemble des rectifications qui leur ont été notifiées ; le service l'a d'ailleurs bien compris, puisqu'il leur a communiqué, à la suite de ces demandes, des pièces afférentes à l'année 2014 ; cependant, l'ensemble des pièces sur lesquelles le service a fondé son raisonnement pour établir les impositions et contributions sociales en litige ne leur ont pas été communiquées, les éléments obtenus des sociétés DPDO et France Accessoire Services (FAS) faisant notamment défaut ; or, contrairement à ce que soutient le ministre, cette irrégularité entache l'intégralité de la procédure d'imposition mise en œuvre à leur égard et justifiait la décharge de l'ensemble des suppléments d'impôt et de contributions sociales en litige, alors d'ailleurs que l'administration ne s'est livré à aucune corrélation entre les pièces non communiquées et les montants rectifiés ;
- ils maintiennent les moyens soulevés dans leurs écritures produites devant le tribunal administratif.
Par une communication en date du 9 mai 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête du ministre de l'action et des comptes publics tendant à ce que la cour prescrive la restitution de la somme de 1 500 euros mise à la charge de l'Etat, par le jugement frappé d'appel, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... était, jusqu'au 22 mai 2015, l'associé et le gérant de la société à responsabilité limitée (SARL) France Accessoire Services (FAS). Cette société est elle-même, depuis le 9 août 2013, la présidente du conseil d'administration de la société par actions simplifiée (SAS) Diffusion de Pièces Détachées d'Origine (DPDO). Cette dernière société a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité successives, portant sur les périodes couvrant les exercices clos en 2013 et en 2014, au cours desquelles M. A... était employé par cette société en tant que responsable de sa gestion comptable et financière. A l'issue de ces contrôles, l'administration a estimé que M. A... avait bénéficié, de la part de cette société, de revenus distribués. L'administration a, en conséquence, fait connaître à M. et Mme A..., par deux propositions de rectification qu'elle leur a successivement adressées le 30 mars 2016 et le 20 juillet 2016, les conséquences de ces contrôles sur leur situation fiscale personnelle. Les observations formulées par M. et Mme A... n'ont conduit l'administration à revoir que de façon ponctuelle sa position. Dans ces conditions, les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement les 31 mars 2017 et le 30 juin 2017, à hauteur d'un montant total, en droits et pénalités, de 212 528 euros. Leur réclamation n'ayant donné lieu qu'à une admission très partielle et au prononcé d'un dégrèvement de 2 019 euros, M. et Mme A... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant, par deux demandes successives, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre des années 2013 et 2014, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat, dans chacun des litiges correspondant, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du 11 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige et a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens.
2. En vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.
Sur le motif de décharge retenu par les premiers juges :
3. Pour prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige, le tribunal administratif a retenu que, pour établir ces impositions et contributions, l'administration s'était fondée sur des documents et informations obtenus de tiers, au nombre desquels figuraient, en ce qui concerne l'année 2013, des relevés des comptes bancaires ouverts au nom de M. A..., remis à la demande du service par les établissements bancaires, des documents transmis par les autorités belges portant sur un compte bancaire ouvert en Belgique par M. A..., un contrat de crédit-bail conclu avec la SAS DPDO et portant sur un véhicule mis à la disposition de M. A..., trois factures en date des 25 et 28 mai 2013 émises par la SAS Idverde et concernant la réalisation de travaux pris en charge par la SAS DPDO, par ailleurs, les relevés des comptes-courants d'associés ouverts au nom de M. et Mme A... dans la comptabilité de cette société, ainsi que des extraits de comptes de charges, enfin, la lettre du 13 août 2015 de la SAS DPDO désignant M. A... en tant que bénéficiaire de certains revenus distribués. En ce qui concerne l'année 2014, les premiers juges ont relevé que l'administration s'était appuyée sur les comptes de charge et les relevés des comptes-courants d'associés de M. et Mme A... présentant un solde débiteur et sur des documents transmis par les autorités belges portant sur un compte bancaire ouvert en Belgique par M. A.... Le tribunal administratif a ensuite estimé que M. et Mme A... avaient valablement demandé, par une lettre adressée le 29 septembre 2016 à l'interlocuteur fiscal interrégional, qu'ils avaient rencontré dans le cadre de la contestation des suites de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils avaient fait l'objet en ce qui concerne la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, que leur soit communiquée l'intégralité des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels l'administration s'était fondée pour établir les rehaussements contestés. Enfin, après avoir retenu qu'il n'était pas contesté que M. A..., à la suite d'un désaccord avec son ancien associé, n'avait plus aucun accès à la comptabilité de la SAS DPDO, ni aux documents et informations détenus par celle-ci, et après avoir constaté que, par une lettre du 23 novembre 2016, le service avait adressé à M. et Mme A... la réponse des autorités belges à sa demande relative à des comptes bancaires dans le cadre de l'assistance administrative internationale, les trois factures émises par la SAS Idverde ainsi que la copie des cartons de signatures obtenus auprès du Crédit du nord, HSBC France et Monte Paschi Banque, les premiers juges ont estimé que cette communication ne portait pas sur l'intégralité des documents et renseignements demandés. Ils ont tiré de ces constats la conclusion qu'en ne communiquant pas, malgré la demande de M. et Mme A..., l'ensemble des documents et renseignements que le service s'était procurés et sur lesquels les rehaussements contestés étaient fondés, l'administration avait, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, entaché d'une irrégularité substantielle la procédure d'imposition mise en œuvre à l'égard des intéressés, en les privant d'une garantie offerte par la loi aux contribuables, et que ce vice justifiait que soit prononcée la décharge de l'intégralité des suppléments d'impôt et de contributions sociales en litige.
4. Le caractère distinct des procédures de contrôle visant une société et ses associés ne fait pas, par lui-même, obstacle à ce que l'administration fiscale exploite, dans le cadre de l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable, des informations obtenues dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société dont il est associé, dès lors qu'elle respecte les droits et garanties du contribuable, notamment les exigences énoncées à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Toutefois, l'obligation de communication que font peser sur l'administration, valablement saisie d'une demande en ce sens, les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales concerne les seuls documents contenant les renseignements, utilisés pour asseoir les impositions contestées, qui ont été obtenus par le service auprès de tiers et qui demeurent en sa possession au jour de la demande. Or, si, pour établir les suppléments d'impôt et de contributions sociales en litige, qui résultent de ce qu'il est apparu, au cours des vérifications de comptabilité dont a fait l'objet la SAS DPDO, que cette société avait versé des revenus distribués à M. et Mme A..., ses associés, le service a exploité les éléments d'information recueillis au cours de ces vérifications de comptabilité, il n'est pas contesté que ces éléments n'étaient plus en la possession de l'administration à la date à laquelle M. et Mme A... ont formé leur demande de communication. Les seuls documents obtenus auprès de tiers, au sens de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, sur lesquels le service a fondé son raisonnement pour établir les impositions et contributions en litige et qui demeuraient en la possession de l'administration étaient les relevés de comptes bancaires ouverts, tant en France qu'en Belgique, au nom de M. A..., les renseignements obtenus par le service auprès des autorités belges au sujet de ces comptes ouverts en Belgique, les trois factures établies par la SAS Idverde et la lettre du 13 août 2015 par laquelle la SAS DPDO a désigné M. A... comme bénéficiaire des distributions opérées par cette société au cours de l'année 2013. Or, ainsi qu'il a été dit au point précédent, ces documents et renseignements ont, à l'exception de la lettre susmentionnée, été communiqués à M. et Mme A..., à la suite de leur demande. Ainsi, si M. et Mme A... ne soutiennent pas qu'ils ne pouvaient, à la date de la demande de communication, avoir accès, dans les mêmes conditions que l'administration, à leurs relevés de comptes bancaires, il n'est pas contesté qu'ils n'ont pas obtenu communication, en dépit de leur demande, de la lettre désignant M. A... comme le bénéficiaire des revenus distribués par cette société en 2013 de sorte qu'ils doivent être tenus comme ayant été privés de la possibilité d'en discuter utilement. En conséquence, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, pour prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2013, a retenu que celles-ci avaient été établies à l'issue d'une procédure entachée d'une irrégularité substantielle au regard de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, faute pour l'administration d'avoir communiqué à M. et Mme A..., malgré leur demande, qui était suffisamment précise, l'ensemble des documents et renseignements obtenus de tiers sur lesquels elle avait fondé ces suppléments d'impôt et de contributions sociales. En revanche, il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification adressée le 20 juillet 2016 à M. et Mme A... que l'administration n'a aucunement fondé son appréciation sur cette lettre, qui portait sur l'année 2013, pour établir les rehaussements afférents à l'année 2014. Dans ces conditions et sans qu'il soit nécessaire d'apprécier si l'administration était valablement saisie d'une demande de communication des pièces au vu desquelles elle a établi les rehaussements notifiés à M. et Mme A... en ce qui concerne l'année 2014, le ministre est fondé à soutenir que le tribunal administratif a retenu à tort, pour prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre de la seule année 2014, que celles-ci avaient été établies à l'issue d'une procédure entachée d'une irrégularité substantielle au regard de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A..., tant devant le tribunal administratif de Lille que devant elle, au soutien de leurs conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
6. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. L'article R. 57-1 de ce livre précise que la proposition de rectification prévue à l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée.
7. La proposition de rectification adressée le 20 juillet 2016 à M. et Mme A... pour porter à leur connaissance les rectifications apportées à leurs revenus imposables, de l'année 2014, mentionne l'année et l'imposition en cause et précise, en faisant une référence expresse aux dispositions des a. et c. de l'article 111 du code général des impôts et en reproduisant des extraits de chacune des propositions de rectification adressées à la SAS DPDO, les motifs de droit et de fait sur lesquels le service s'est fondé pour estimer que M. A... avait bénéficié, de la part de cette société, d'avantages occultes et que M. et Mme A... avaient bénéficié de revenus distribués par voie d'inscription aux comptes courants ouverts à leurs noms dans la comptabilité de la même société, imposables sur le fondement de ces dispositions. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces propositions de rectification manque en fait.
8. Les vices propres susceptibles d'entacher la décision prise par le directeur des services fiscaux sur la réclamation du contribuable sont dépourvus d'influence tant sur la régularité de la procédure à l'issue de laquelle l'imposition contestée a été établie que sur le bien-fondé de cette imposition. Par suite, M. et Mme A... ne peuvent utilement invoquer, à l'appui de leurs conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt et de contributions sociales qui leur ont été assignés au titre de l'année 2014, l'insuffisance de motivation de la décision portant admission partielle de leur réclamation.
Sur le bien-fondé des suppléments d'impôt et de contributions sociales en litige :
En ce qui concerne les avantages occultes :
9. En vertu du c de l'article 111 du code général des impôts, les rémunérations et avantages occultes sont considérés comme des revenus distribués.
10. Au cours des vérifications de comptabilité dont la SAS DPDO a fait l'objet, le service a été amené à constater que des dépenses se rapportant, pour l'essentiel, à des notes de restaurant et à des achats de carburant, représentant un montant total de 23 000 euros, avaient été réglées, au cours de l'année 2014, au moyen de l'une des cartes bancaires de la société, mise à la disposition de M. A... pour l'exercice de ses fonctions de responsable de la gestion comptable et financière de cette société. Dès lors que la SAS DPDO, qui a porté ces dépenses en déduction en tant que charges de l'exercice clos en 2014, n'a pu présenter, à l'appui des écritures comptables correspondantes, aucun justificatif de nature à permettre de retenir que les sommes ainsi désinvesties par la société répondaient à un intérêt pour celle-ci, l'administration était fondée à estimer qu'elles avaient la nature, non pas de charges déductibles, mais d'avantages occultes concédés à M. A..., détenteur de la carte bancaire en cause, et, dès lors qu'elles n'avaient pas été comptabilisées comme tels, que ces sommes étaient imposables entre ses mains en tant que revenus distribués sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts. Si M. et Mme A... contestent cette analyse en soutenant que ces dépenses répondaient à un intérêt pour l'entreprise et qu'elles avaient la nature de charges de l'exercice concerné, dès lors qu'elles se rapportaient à des repas d'affaires ou à des dépenses professionnelles exposées lors de déplacements, le tableau qu'ils produisent et qui précise, pour chaque chef de dépense, son objet, ne peut suffire à l'établir, dès lors que, comme le fait valoir le ministre, ses mentions ne sont appuyées par aucune pièce justificative. M. et Mme A... ne sont pas fondés à invoquer, sur ce point, les énonciations du paragraphe n°20 de la doctrine administrative publiée le 8 septembre 2014 sous la référence BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40, qui, en tout état de cause, ne contiennent pas une interprétation de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application.
En ce qui concerne les inscriptions en compte courant d'associé :
11. En vertu du a. de l'article 111 du code général des impôts, sont considérés comme revenus distribués, sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes.
12. Au cours des vérifications de comptabilité dont la SAS DPDO a fait l'objet, le vérificateur a constaté que les comptes courants ouverts au nom de M. A... et de Mme A... dans la comptabilité de cette société présentaient, à la clôture de l'exercice 2014, des soldes débiteurs s'élevant respectivement à 85 779 euros et à 39 790 euros. L'administration a tiré de ces constats la conclusion, dans une situation dans laquelle le rehaussement de même objet notifié aux intéressés au titre de l'année 2013 a finalement été abandonné, que ces sommes, qui correspondent à l'accroissement du solde débiteur de ces comptes au cours de l'exercice clos en 2014, avaient la nature de revenus distribués dont M. et Mme A... devaient être réputés avoir eu la disposition. En soutenant que l'administration n'a pas apporté la preuve de l'appréhension effective de ces sommes entre leurs mains, M. et Mme A... ne contestent pas utilement ce chef de rehaussement, alors que l'inscription de sommes sur des comptes dont ils avaient la libre disposition suffit, par elle-même, à les faire présumer comme ayant été les bénéficiaires desdites sommes, qu'il leur était loisible de prélever à leur guise. En outre, si l'administration a finalement abandonné ce chef de rehaussement en ce qui concerne l'année 2013, après avoir constaté que M. et Mme A... avaient perçu des rémunérations par la voie d'inscription en compte courant, il est constant qu'aucune rémunération ne leur a été servie selon les mêmes modalités au titre de l'année 2014, comme l'administration a pu notamment le constater au cours des vérifications de comptabilité dont la SAS DPDO et la SARL FAS ont fait l'objet. Dans ces conditions, le moyen tiré par M. et Mme A... de ce que le maintien de ce chef de rectification au titre de l'année 2014 est susceptible de les soumettre, à raison des sommes qu'ils ont perçues à titre de rémunération des sociétés DPDO et FAS, à une double imposition ne peut qu'être écarté. Au demeurant, M. et Mme A... n'apportent, au soutien de ce moyen, aucun élément probant, l'attestation de salaires qu'ils versent à l'instruction étant dépourvue de précision quant aux modalités de versement des sommes auxquelles elle se rapporte. Enfin, si M. et Mme A... soutiennent que l'administration a omis de tenir compte d'un remboursement de 30 000 euros que M. A... aurait versé par chèque sur son compte courant d'associé, ils ne justifient pas de la réalité de cette opération en produisant un relevé de compte bancaire mentionnant qu'une somme de 30 000 euros y a été portée au débit le 25 novembre 2014 comme ayant fait l'objet d'un virement, mais qui ne précise ni l'objet ni le bénéficiaire de cette opération.
Sur les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
14. Pour justifier, comme la charge lui en incombe, que les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à la charge de M. et Mme A... au titre de l'année 2014 ont été assortis à bon droit de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification adressée le 20 juillet 2016 aux intéressés, que M. A..., qui avait bénéficié, au cours de l'année 2014, de la mise à disposition, par la SAS DPDO, d'un véhicule, n'avait pas porté sur sa déclaration de revenus l'avantage en nature correspondant, alors qu'il ne pouvait ignorer qu'il avait l'usage habituel d'un véhicule dont le coût était intégralement pris en charge par cette société. L'administration a retenu, par ailleurs, que M. A..., qui exerçait les fonctions de directeur administratif et financier de la SAS DPDO, ne pouvait ignorer avoir exposé de façon répétée, au cours de l'année 2014, en utilisant la carte bancaire de la société, dont il avait la disposition, des dépenses de nature personnelle ou dont, à tout le moins, il n'était pas en mesure de justifier qu'elles répondaient à un intérêt pour l'entreprise, plusieurs des écritures comptables correspondantes n'étant d'ailleurs appuyées d'aucun justificatif. Enfin, l'administration a relevé l'existence de prélèvements excédentaires réalisés, de façon répétée, par M. A..., pour un montant total de 125 569 euros au titre de l'année 2014, non mentionné sur la déclaration de revenus souscrite par les intéressés, alors que l'intéressé, de par les fonctions de responsabilité qu'il exerçait au sein de la société, ne pouvait ignorer le caractère injustifié de cette pratique, ni même que les sommes correspondantes avaient la nature de revenus imposables. Ces éléments, qui ne sont pas sérieusement contestés et qui ne consistent pas dans le seul constat de l'absence ou de l'insuffisance des justificatifs produits par la SAS DPDO à l'appui des opérations correspondantes, sont de nature à établir l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé M. A.... En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a fait application aux suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2014. En revanche, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A... en première instance et non compris dans les dépens, après avoir estimé qu'il était la partie perdante. Par suite et en tout état de cause, ses conclusions tendant à ce que la cour prescrive le reversement de cette somme de 1 500 euros doivent être rejetées. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées devant la cour par M. et Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que les pénalités correspondantes, auxquels M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2014, dont la décharge a été prononcée par le jugement n°s 1800354, 1800363 du 11 mai 2020 du tribunal administratif de Lille, sont remis à la charge de M. et Mme A....
Article 2 : Le jugement du 11 mai 2020 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Lille et les conclusions qu'ils présentent en appel sont, en tant qu'elles concernent l'année 2014, rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance ainsi que les conclusions présentées par M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. et Mme B... A....
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 19 mai 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°20DA00838
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N°"Numéro"