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02/06/2022 | FRANCE | N°20DA00445

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 juin 2022, 20DA00445


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1701745 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mars 2020 et le 12 août 2020, M. et Mme C..., représe

ntés par Me Couderc, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1701745 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mars 2020 et le 12 août 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Couderc, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il omet de répondre à leurs moyens tirés, d'une part, de l'absence de communication par l'administration de l'ensemble des documents auxquels la proposition de rectification qui leur a été adressée le 12 décembre 2014 fait référence, d'autre part, de l'inapplicabilité des dispositions de l'article 170 decies de l'annexe IV au code général des impôts ;

- cette proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard de l'exigence posée par les articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales ; en effet, celle-ci mentionne l'existence de " treize SCI " sans que soient mentionnés leur nom, leur raison sociale ou encore les données nécessaires à leur identification, alors que l'administration se fonde sur l'existence même de ces treize SCI, dans lesquelles ils n'ont pas investi, et qu'elles auraient pris part à " un seul et même programme immobilier " pour remettre en cause la réduction d'impôt dont ils ont bénéficié ; ne disposant, dans ces conditions, d'aucune information sur ces autres sociétés et dès lors que plusieurs des documents auxquels la proposition de rectification fait référence n'étaient pas joints, ils n'ont pas été mis à même de contester utilement les suppléments d'impôt mis à leur charge ; or, dès lors que les impositions en litige procèdent d'un contrôle sur pièces, ils n'ont aucunement pu avoir accès à ces documents, ni échanger avec le service à leur sujet ; l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification constitue une irrégularité substantielle, au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, qui justifie la décharge des impositions en litige ; les paragraphes n°40 et n°80 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-CF-IOR-10-40 confortent leur position sur ce point ;

- l'administration, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ne les a pas informés de l'origine et de la teneur des renseignements et documents obtenus auprès de tiers et sur lesquels elle a fondé les rehaussements dont procèdent les impositions en litige ; il s'agit d'une irrégularité substantielle, au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscale, qui justifie la décharge des impositions en litige ; le paragraphe n°200 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-CF-PGR-10, de même que le paragraphe n°2 de l'instruction 13 L-6-06 du 21 septembre 2006, confortent leur position sur ce point ;

- pour remettre en cause la réduction d'impôt à laquelle leur ouvrait droit leur investissement, l'administration ne pouvait légalement leur opposer le fait que le montant du programme immobilier dans lequel s'inscrit cet investissement excède le seuil de deux millions d'euros, au-delà duquel un agrément ministériel préalable est requis, alors que les dispositions du 4 de l'article 199 undecies A du code général des impôts ne font pas référence à une telle notion, mais seulement au montant des investissements ; l'administration n'a pu davantage interpréter ces dispositions en les rapprochant de celles du III de l'article 217 undecies du code général des impôts, qui ne concernent pas le même régime de défiscalisation et dont le seul objet est de définir les conditions dans lesquels l'agrément ministériel est délivré lorsqu'il est requis, ni davantage des dispositions de l'article 170 decies de l'annexe IV à ce code, qui ont pour seul objet de fixer les règles attributives de compétence matérielle pour la délivrance de l'agrément ; de plus, l'article 199 undecies A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 38 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique de l'outre-mer, dispose que les investissements mentionnés au c du 2 correspondent aux souscriptions de parts ou d'actions de sociétés ; or, l'augmentation de capital à laquelle ils ont souscrit s'élève à 1 426 276 euros, c'est-à-dire à un montant inférieur au seuil de deux millions d'euros ; l'administration ne saurait, à cet égard, invoquer sa propre doctrine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2020, et par un mémoire, enregistré le 9 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la proposition de rectification adressée le 12 décembre 2014 à M. et Mme C..., qui ne se réfère à aucune correspondance qui aurait été précédemment reçue par ces derniers, est suffisamment motivée au regard des règles énoncées aux articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales ; contrairement à ce que les appelants soutiennent, le service a annexé à cette proposition de rectification la copie des documents qui justifient son analyse en ce qui concerne la SCI B..., dont M. et Mme C... sont les associés, de sorte qu'ils disposaient des éléments utiles à leur permettre de présenter des observations ;

- l'administration n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne communiquant pas spontanément à M. et Mme C... ceux des documents obtenus par le service auprès de tiers dont ils n'avaient pas demandé la communication avant la mise en recouvrement des impositions en litige ; en outre, la proposition de rectification du 12 décembre 2014 mentionne l'origine et la teneur de ces documents avec une précision suffisante pour qu'ils soient mis à même de demander leur communication ;

- les dispositions de l'article 170 decies de l'annexe IV au code général des impôts, pris pour l'application de l'article 199 undecies A de ce code, dont les appelants font une interprétation restrictive, doivent s'appliquer de façon concomitante et renvoient explicitement à la notion de programme immobilier ; les rehaussements notifiés à M. et Mme C... se fondent sur une interprétation de ces dispositions et non sur la doctrine administrative, laquelle ne fait d'ailleurs que commenter ces dispositions ; au demeurant, le contrat conclu par la société de droit calédonien Jeorca et la SCI B... révèle que l'investissement que M. et Mme C... ont contribué à financer concerne un " lot-volume " qui s'insère dans un même ensemble immobilier et qui n'est pas individualisable ; en conséquence, il convient de tenir compte du programme immobilier dans son ensemble, soit d'un investissement total s'élevant à 2 597 499 euros, pour apprécier si le seuil de deux millions d'euros, au-delà duquel un agrément ministériel préalable est requis, est ou non dépassé, sans qu'ait d'incidence le découpage artificiel de ce programme auprès de quatorze société civiles immobilières, alors d'ailleurs que le permis de construire a été sollicité et obtenu par la société Jeorca ; cet agrément étant requis, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le bénéfice de la réduction d'impôt dont M. et Mme C... avaient cru pouvoir bénéficier pour leur investissement ;

- les appelants ne peuvent opposer à l'administration, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une part, une doctrine administrative dont ils ne font qu'une lecture partielle et, d'autre part, deux doctrines administrative qui ne sont plus en vigueur depuis le 1er novembre 2009.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention conclue entre le gouvernement de la République française et le Conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et de ses dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, signée à Nouméa le 31 mars 1983 et à Paris le 5 mai 1983, ainsi que le protocole qui y est annexé ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit calédonien Jeorca a réalisé une opération immobilière consistant en la construction de cent dix-sept logements répartis dans cinq bâtiments, sur un terrain sis dans le quartier de Boulari au Mont-Dore en Nouvelle-Calédonie. Ce programme immobilier a porté sur un montant total d'investissement de 19 967 864 euros. La société Jeorca a vendu à quatorze sociétés civiles immobilières (SCI) de droit calédonien, créées par ses associés, des " lots-volumes " correspondant à une quote-part du futur ensemble immobilier. Concomitamment à l'achat des " lots-volume ", chacune des SCI a procédé à une augmentation de capital à laquelle ont souscrit des contribuables métropolitains, afin notamment de bénéficier de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies A du code général des impôts en faveur des investissements réalisés outre-mer. Le capital social de chaque SCI a ainsi été porté à 1 426 276 euros. Au cours de l'année 2011, M. et Mme A... C..., contribuables résidant dans le département de l'Oise, ont souscrit au capital de l'une de ces SCI, la SCI B..., à hauteur de 83 800 euros, soit 100 parts. Ils ont régulièrement souscrit leurs déclarations de revenus des années 2011, 2012 et 2013 en demandant, pour chacune de ces années, le bénéfice de l'avantage fiscal prévu à l'article 199 undecies A du code général des impôts, au titre des investissements dans l'immobilier en Nouvelle-Calédonie, réalisés dans le logement social. M. et Mme C... ont, en conséquence, bénéficié, pour chacune de ces années, d'une réduction d'impôt de 8 045 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a estimé devoir remettre en cause cet avantage, au motif que l'une des conditions auxquelles le bénéfice de celui-ci était subordonné n'était pas satisfaite, à savoir que le programme d'investissement immobilier mis en œuvre par la société Jeorca n'avait pas été soumis à l'agrément préalable du ministre chargé du budget, tel que prévu par les articles 199 undecies A et 217 undecies du code général des impôts dans le cas où le montant de l'investissement est supérieur à deux millions d'euros. L'administration a fait connaître à M. et Mme C... sa position sur ce point par une proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 12 décembre 2014. Les observations formulées par les intéressés n'ayant pas amené l'administration à remettre en cause son appréciation, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement le 30 septembre 2016 pour un montant total, en droits et pénalités, de 28 095 euros. Leur réclamation ayant été rejetée, M. et Mme C... ont porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes mêmes du jugement dont M. et Mme C... relèvent appel que celui-ci apporte, en son point 3, une réponse expresse à l'argument, qu'ils soulevaient au soutien de leur moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 12 décembre 2014, ayant trait à ce que celle-ci faisait référence à des documents dont la copie n'était pas jointe et qui ne leur avaient pas été précédemment communiqués, en relevant que cet argument manquait en fait. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur ce point ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

3. Si M. et Mme C... ont soutenu, devant les premiers juges, qui ont d'ailleurs visé ce moyen dans leur jugement, que les dispositions de l'article 170 decies de l'annexe IV au code général des impôts ne concernaient aucunement, à leur sens, les modalités d'appréciation du seuil de deux millions d'euros, au-delà duquel l'investissement en cause est subordonné à un agrément ministériel préalable, mais qu'elles se rapportaient, selon leur analyse, au montant de référence conditionnant la compétence de l'autorité habilitée à octroyer cet agrément, il ressort des motifs de ce jugement, énoncés aux points 9 à 11, que, pour estimer que le seuil de deux millions d'euros devait être apprécié au regard du montant total du programme auquel se rattachait l'investissement en cause, les premiers juges se sont livré à une interprétation des dispositions de l'article 199 undecies A du code général des impôts et de celles de l'article 217 undecies de ce code, en éclairant leur raisonnement par une prise en considération des travaux parlementaires dont ces deux textes sont issus, et n'ont pas eu besoin, même pour conforter leur raisonnement, d'apprécier la portée des dispositions de l'article 217 undecies du même code, sur lesquelles d'ailleurs, comme les premiers juges l'ont relevé, l'administration n'a aucunement fondé les rehaussements contestés. Le moyen tiré de l'inapplicabilité de ces dernières dispositions étant ainsi inopérant, les premiers juges ont pu, sans entacher leur jugement d'une insuffisance de motivation, ne pas y apporter une réponse expresse.

4. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit, dans ses deux branches, être écarté.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :

5. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. L'article R. 57-1 de ce livre précise que la proposition de rectification prévue à l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée.

6. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification adressée le 12 décembre 2014 à M. et Mme C... que celle-ci indique les années concernées par les rectifications sur lesquelles elles portent, ainsi que l'impôt en cause, de même que les conséquences financières en résultant pour les intéressés. Ce même document expose en outre la nature des rectifications ainsi envisagées par l'administration, de même que les motifs de droit et de fait sur lesquels celles-ci sont fondées, à savoir les dispositions des articles 199 undecies A et 217 undecies du code général des impôts, ainsi que l'absence d'agrément préalable du programme immobilier dans lequel l'investissement souscrit par M. et Mme C... auprès de la SCI B... s'insère. Enfin, cette proposition de rectification précise que les suppléments d'impôt résultant de ces rehaussements seront assortis des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue, en cas d'inexactitude déclarative, par l'article 1758 A du code général des impôts, dont les modalités de détermination et la justification sont exposées. Pour retenir que le montant du programme immobilier en cause a excédé le seuil de deux millions d'euros au-delà duquel, en vertu du 4 de l'article 199 undecies du code général des impôts, est requis un agrément ministériel préalable, la proposition de rectification fait état de ce que le financement de ce programme immobilier, engagé par la société Jeorca, initiatrice du projet et titulaire de l'autorisation de défrichement ainsi que du permis de construire, portant sur un ensemble d'immeubles communiquant entre eux et bénéficiant de dessertes communes, a été réparti entre quatorze sociétés civiles immobilières, dont la SCI B..., sans toutefois donner de précisions propres à permettre d'identifier les treize autres sociétés. Néanmoins, les éléments ainsi contenus dans la proposition de rectification étaient suffisants pour mettre à même M. et Mme C... de comprendre le raisonnement adopté par l'administration pour asseoir des rectifications, et de le contester utilement. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la copie de la majeure partie des documents auxquels cette proposition de rectification fait une référence précise, à savoir l'extrait du procès-verbal des délibérations des associés de la SCI B... comportant la décision d'augmenter le capital de cette société, ainsi que l'autorisation de défrichement et le permis de construire délivrés à la société Jeorca, de même que l'acte de cession, à la SCI B..., de " lots-volumes " correspondant à une quote-part du futur ensemble immobilier, a été jointe en annexe à celle-ci. La circonstance que la proposition de rectification fait référence à d'autres documents dont une copie n'a pas été jointe ne peut suffire à la faire regarder comme insuffisamment motivée, dès lors que ces énonciations permettent d'identifier la nature et la teneur de ces documents, sur lesquels d'ailleurs l'administration n'a pas fondé les rehaussements notifiés. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des propositions de rectification manque en fait et doit donc être écarté. M. et Mme C... ne sont pas fondés à invoquer, à cet égard, les énonciations des paragraphes n°40 et n°80 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-CF-IOR-10-40, qui, s'agissant d'une question afférente à la régularité de la procédure d'imposition, ne peuvent, en tout état de cause, être regardées comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la régularité de l'exercice, par l'administration, de son droit de communication :

7. En vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

8. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification que l'administration a adressée le 12 décembre 2014 à M. et Mme C..., qui ne contestent pas avoir reçu celle-ci avant la mise en recouvrement des suppléments d'impôt en litige, que ce document précise qu'une demande de renseignements, adressée par le service dans le cadre de la convention fiscale franco-calédonienne des 31 mars et 5 mai 1983, lui a permis d'obtenir, le 31 octobre 2014, la communication de la délibération des associés de la SCI B... décidant de l'augmentation du capital de cette société et ajoute que l'extrait de procès-verbal contenant cette délibération précise l'identité de chaque associé ayant souscrit l'augmentation de capital, ainsi que le nombre de parts obtenues et le montant investi par lui en Francs pacifiques. Cette même proposition de rectification ajoute que le service a obtenu, par la même voie, du directeur des finances publiques de la Nouvelle Calédonie, des documents concernant le programme immobilier en vue duquel cette augmentation de capital a été opérée. La proposition de rectification précise que ces documents comprennent l'acte d'acquisition, par la société Jeorca, du terrain d'assiette du programme immobilier, les arrêtés portant autorisation de défrichement et permis de construire, délivrés à la même société, les actes de cession, à chacune des sociétés civiles immobilières entre-temps constituées, dont la SCI B..., de deux " lots-volumes " correspondant à une quote-part de la propriété des immeubles à construire, ainsi qu'une déclaration relative à la taxe locale d'aménagement, souscrite en 2010 par la société Jeorca. En conséquence, M. et Mme C... doivent être regardés comme ayant été informés, dans des termes suffisants pour leur permettre d'avoir accès aux documents et renseignements ainsi obtenus par le service avant la mise en recouvrement des impositions contestées, de l'origine et de la teneur de ces documents et renseignements. Au demeurant, il est constant que l'administration, ainsi qu'il a été dit au point 6, leur a spontanément communiqué, en annexe à la proposition de rectification, une copie de la majeure partie des documents contenant les renseignements utilisés par elle pour asseoir les rehaussements en litige. Ainsi, il ne peut être tenu pour établi que l'administration aurait méconnu, au détriment de M. et Mme C..., les obligations qui lui incombent en vertu des dispositions, rappelées au point précédent, de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. M. et Mme C... ne sont pas fondés à invoquer, à cet égard, les énonciations du paragraphe n°200 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-CF-PGR-10, ni celles du paragraphe n°2 de l'instruction 13 L-6-06 du 21 septembre 2006, qui, s'agissant d'une question afférente à la régularité de la procédure d'imposition, ne peuvent, en tout état de cause, être regardées comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

9. D'une part, aux termes de l'article 199 undecies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Il est institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui investissent (...) en Nouvelle-Calédonie (...) entre la date de promulgation de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer et le 31 décembre 2017. / 2. La réduction d'impôt s'applique : / (...) / c) Au prix de souscription de parts ou actions de sociétés dont l'objet réel est exclusivement de construire des logements neufs situés dans les départements ou collectivités visés au 1 et qu'elles donnent en location nue pendant cinq ans au moins à compter de leur achèvement à des personnes, autres que les associés de la société, leur conjoint ou les membres de leur foyer fiscal, qui en font leur habitation principale. Ces sociétés doivent s'engager à achever les fondations des immeubles dans les deux ans qui suivent la clôture de chaque souscription annuelle. Les souscripteurs doivent s'engager à conserver les parts ou actions pendant cinq ans au moins à compter de la date d'achèvement des immeubles ; / (...) / 4. Lorsque le montant des investissements mentionnés aux b, c, d, f, g et h du 2 est supérieur à deux millions d'euros, le bénéfice de la réduction d'impôt est conditionné à l'obtention d'un agrément préalable délivré par le ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l'article 217 undecies. / (...) ".

10. D'autre part, aux termes du III de l'article 217 undecies de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I réalisés dans les secteurs des transports, de la navigation de plaisance, de l'agriculture, de la pêche maritime et de l'aquaculture, de l'industrie charbonnière et de la sidérurgie, de la construction navale, des fibres synthétiques, de l'industrie automobile, ou concernant la rénovation et la réhabilitation d'hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés ou des entreprises en difficultés, ou qui sont nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de l'outre-mer. (...) ".

11. Il résulte des dispositions précitées, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer dont elles sont issues, que, pour ouvrir droit à la réduction d'impôt prévue au c du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts, les investissements réalisés outre-mer dans le secteur du logement doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget lorsque leur montant excède deux millions d'euros et que, eu égard à l'objet et aux critères de délivrance de cet agrément, le seuil de deux millions d'euros doit être apprécié, non pas au regard des souscriptions au capital des sociétés, mais au regard du coût total du programme immobilier en vue duquel les souscriptions de parts ou d'actions de sociétés ont été réalisées. Pour l'application de ces dispositions, les bâtiments collectifs ou les ensembles de logements individuels faisant l'objet d'une même demande de permis de construire doivent être regardés comme constituant un programme immobilier.

12. L'analyse des documents et renseignements transmis au service vérificateur par le directeur des finances publiques de la Nouvelle Calédonie, dans le cadre procédural rappelé au point 8, à savoir, plus précisément, l'extrait du procès-verbal des délibérations des associés de la SCI B... comportant la décision d'augmenter le capital de cette société, ainsi que l'autorisation de défrichement et le permis de construire délivrés à la société Jeorca, enfin, l'acte de cession, à la SCI B..., de deux " lots-volumes " correspondant à une quote-part du futur ensemble immobilier, a conduit l'administration, ainsi que l'expose la proposition de rectification adressée à M. et Mme C... le 12 décembre 2014, à estimer que ce programme immobilier avait donné lieu à la demande puis à l'obtention d'un permis de construire unique, portant sur des bâtiments contigus, desservis par des voiries et réseaux communs et s'insérant dans le cadre de la réalisation d'un même projet immobilier initié par la société Jeorca. L'administration a relevé, en outre, que l'acte de cession à la SCI B... des deux " lots-volumes " que M. et Mme C... ont contribué à financer dans le cadre de l'augmentation de capital décidée par cette SCI, mentionnait expressément, de même d'ailleurs que les actes de cession conclus, dans les mêmes termes, par la société Jeorca avec les autres sociétés civiles immobilières, que les biens vendus dépendaient d'un " ensemble immobilier à construire ". Eu égard à l'ensemble de ces éléments d'appréciation, l'administration était fondée à considérer que la répartition du financement de cet ensemble immobilier entre quatorze sociétés civiles immobilières, au nombre desquelles figurait la SCI B..., ne permettait pas de regarder l'opération financée comme portant sur quatorze projets distincts, mais sur un seul programme immobilier. Dès lors et eu égard aux principes énoncés au point 11, l'administration était fondée à prendre en compte le coût total de ce programme, soit 19 967 864 euros, pour constater que celui-ci excédait le seuil de deux millions d'euros au-delà duquel, en application des dispositions précitées du 4 de l'article 199 undecies A du code général des impôts, un agrément ministériel préalable est requis. Par suite, et alors qu'il est constant que la société Jeorca n'a pas obtenu un tel agrément avant de mettre en œuvre son projet, c'est à bon droit que l'administration a, pour ce motif, remis en cause la réduction d'impôt à laquelle M. et Mme C... avaient cru pouvoir bénéficier au titre de leur souscription à l'augmentation du capital de la SCI B.... En revanche, et contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'administration n'a aucunement fondé son raisonnement sur les dispositions de l'article 170 decies de l'annexe IV au code général des impôts, qui sont relatives aux conditions de délivrance de l'agrément ministériel, quand bien même elle y a fait référence, pour conforter sa position, dans ses écritures contentieuses.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. Les conclusions qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 19 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

1

2

N°20DA00445

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00445
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : COUDERC

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-02;20da00445 ?
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