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02/06/2022 | FRANCE | N°20DA00282

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 juin 2022, 20DA00282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Auto Shop a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2011, 2012 et 2013, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2010 au 31 mars 2013, d'autre part, de prescrire le rembou

rsement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 14 887 euros, enfin, d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Auto Shop a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2011, 2012 et 2013, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2010 au 31 mars 2013, d'autre part, de prescrire le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 14 887 euros, enfin, d'annuler l'avis de compensation du 22 novembre 2016 ainsi que les mises en demeure de payer en date des 30 novembre et 8 décembre 2016.

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement nos 1702357, 1702396 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Rouen, après avoir joint ces deux demandes et constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à concurrence des dégrèvements de 255 euros au titre de l'année 2011 et de 1 258 euros au titre de l'année 2012, prononcés, en matière de prélèvements sociaux, en cours d'instance, sur la demande de M. et Mme B..., a rejeté le surplus des conclusions de cette demande ainsi que la demande présentée par la SARL Auto Shop.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2020, la SARL Auto Shop, ainsi que M. et Mme B..., représentés par Me Ohanian, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, intérêts de retard et pénalités, de l'ensemble des impositions demeurant en litige, avec toutes conséquences de droit s'agissant de la compensation, de la prise en compte d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée et des actes de poursuite ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement, d'une part, à la SARL Auto Shop, d'autre part, à M. et Mme B... de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les entiers dépens de l'instance.

Ils soutiennent que :

- la durée de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL Auto Shop, portant sur la période allant du 1er avril 2010 au 31 mars 2013, a excédé celle de trois mois prévue à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, alors que son chiffre d'affaires n'a pas excédé les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; cette société n'ayant été rendue destinataire d'aucun courrier l'informant d'une prorogation de ce délai, la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard est irrégulière ;

- ces irrégularités entachent les rehaussements, issus du contrôle dont la SARL Auto Shop a fait l'objet, notifiés à M. et Mme B... ;

- en raison de l'irrégularité du contrôle dont elle procède, la proposition de rectification qui a été adressée le 7 septembre 2015 à la SARL Auto Shop n'a pu valablement interrompre la prescription en ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés afférents à l'exercice clos le 31 mars 2011 et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la période couvrant cet exercice ; pour le même motif, la prescription n'a pas davantage été valablement interrompue en ce qui concerne les exercices clos les 31 mars 2012 et 2013 et les périodes couvrant ces exercices ;

- la prescription affecte nécessairement les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à la charge de M. et Mme B... ;

- la comptabilité de la SARL Auto Shop a été écartée à tort comme entachée de graves irrégularités de nature à en altérer le caractère sincère et probant ; compte tenu de l'impossibilité dans laquelle cette société se trouvait de produire certains documents comptables du fait de l'incendie survenu, le 29 juin 2013, dans les locaux de la société, l'expert-comptable de la SARL Auto Shop a communiqué à l'administration l'intégralité de la comptabilité de cette société afférente à la période vérifiée, et seules des pièces justificatives n'ont pu être produites ;

- la vérification de comptabilité n'a pas été conduite de manière contradictoire, la vérificatrice n'ayant pas tenu compte des observations de M. B..., gérant de la SARL Auto Shop, et ayant refusé de prendre connaissance des déclarations aux douanes ; ce manque de sérieux transparaît dans les propositions de rectification adressées à la SARL Auto Shop, qui comportent de nombreuses erreurs ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultent seulement de l'absence de production, par la SARL Auto Shop, de justificatifs de la livraison intracommunautaire de véhicules, en Lituanie, alors qu'elle était dans l'impossibilité de produire ces pièces, détruites lors de l'incendie du 29 juin 2013 ; en tout état de cause, les déclarations en douane souscrites en ce qui concerne les opérations en cause sont de nature à établir la sortie du territoire français des véhicules concernés ; en conséquence, ces opérations n'avaient pas à être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, puisqu'elles en étaient exonérées ;

- contrairement à ce qu'a retenu à tort l'administration, l'apport au compte courant d'associé de M. B..., comptabilisé par la SARL Auto Shop au cours de l'exercice clos en 2011, à hauteur d'un montant de 5 000 euros, ne correspond pas au produit d'une vente, mais au remboursement en espèces d'une créance que détenait la SARL Auto Shop à l'égard de M. B... ; le rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant ne saurait être maintenu au seul motif que le justificatif de cet apport en espèces n'a pu être produit, celui-ci ayant été détruit lors de l'incendie ;

- il en est de même des autres avances en compte courant effectuées en espèces par M. B... et comptabilisées par la SARL Auto Shop au cours des exercices clos les 31 mars 2012 et 2013, qui correspondent à des avances sur commandes versées par des clients lituaniens, ainsi qu'il en est attesté ; les justificatifs de ces versements ont également disparu lors de l'incendie ;

- par voie de conséquence, le chef de rectification des résultats imposables de la SARL Auto Shop correspondant au profit sur le Trésor n'est pas fondé ;

- l'opération inscrite, en 2010, au crédit du compte courant de M. B... ne pouvait faire l'objet d'une rectification du résultat imposable de la SARL Auto Shop, dès lors que l'exercice correspondant est atteint par la prescription ;

- les rectifications de même nature opérées sur les résultats imposables de la SARL Auto Shop au titre des exercices clos en 2011 et 2012 ne sont pas fondées ;

- les actes décernés à la SARL Auto Shop afin d'assurer le recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés en litige devront être annulés ;

- la somme de 5 000 euros inscrite au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. B... dans la comptabilité de la SARL Auto Shop a été regardée à tort comme constituant un revenu distribué imposable entre les mains de ce dernier, sur le fondement du a. de l'article 111 du code général des impôts ;

- les autres inscriptions en compte courant ont, tout autant à tort, été regardées comme des revenus distribués imposables entre les mains de M. B..., sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; en effet, la trésorerie de la SARL Auto Shop était, au 31 mars 2012, insuffisante pour que celui-ci puisse prétendre au versement des sommes correspondantes, dans un contexte où elle avait, en outre, des échéances d'emprunt à rembourser ; ainsi, ces sommes ne peuvent être regardées comme ayant été mises à la disposition de M. B... et la présomption de distribution dont se prévaut l'administration doit être écartée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la SARL Auto Shop a déclaré, au titre de l'exercice clos en 2011, premier exercice vérifié, un chiffre d'affaires hors taxes s'élevant à 932 366 euros, dont 921 220 euros au titre des ventes, montant qui excède le plafond de 777 000 euros fixé, pour l'application du régime réel simplifié, par l'article 302 septies A du code général des impôts, s'agissant des ventes ; dès lors, la vérification de comptabilité de cette société, dont, au surplus, la comptabilité a été écartée comme non-probante, a pu s'étendre, quand bien même le chiffre d'affaires de cette société aurait ensuite été inférieur à ce plafond, au-delà du délai maximum de trois mois prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; en outre, contrairement à ce qui est soutenu, la SARL Auto Shop a été informée, dans les conditions prévues au 4° du II du même article, de la prorogation de la durée de ce contrôle, par un courrier remis en main propre à l'une de ses représentantes désignées, qui en a accusé réception, sans qu'ait d'incidence à cet égard l'erreur matérielle affectant la désignation, dans ce courrier, de son destinataire ; en outre, le contrôle n'a pas excédé la durée de six mois prévue au 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- contrairement à ce qui est soutenu, la vérification de comptabilité, qui s'est déroulée, à la demande du gérant de la SARL Auto Shop, dans les locaux de l'expert-comptable de cette société, a été conduite contradictoirement ; c'est uniquement en raison des caractéristiques des locaux dans lesquels les déclarations en douane lui ont été présentées, à savoir des locaux encombrés de gravats et dépourvus d'éclairage, que la vérificatrice a refusé de consulter ces documents tout en demandant qu'ils soient mis à sa disposition dans les locaux de l'expert-comptable, ce qui n'a cependant pas été fait ;

- les erreurs matérielles, à les supposer établies, affectant les propositions de rectification adressées à la SARL Auto Shop sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

- le délai de prescription a été interrompu, s'agissant de l'exercice clos au 31 mars 2011, par la proposition de rectification adressée à la SARL Auto Shop le 11 décembre 2014, et s'agissant de l'exercice clos au 31 mars 2012, par la proposition de rectification adressée à la société le 7 septembre 2015 ; par ailleurs, aucun rehaussement n'a été maintenu au titre de l'exercice clos au 31 mars 2013 ; le moyen tiré de la prescription, invoqué par la SARL Auto Shop, doit donc être écarté ; en outre, eu égard au principe d'indépendance des procédures, la circonstance que tout ou partie des suppléments d'impôt et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à cette société seraient atteints par la prescription est dépourvue d'incidence sur le bien-fondé des suppléments d'impôt mis à la charge de M. et Mme B... ;

- la comptabilité de la SARL Auto Shop a été écartée à bon droit comme dépourvue de caractère probant, dès lors qu'elle n'était appuyée par aucune pièce justificative des produits enregistrés et que seules les écritures afférentes aux charges sociales ont été appuyées de justificatifs, tandis que seule une copie de feuillets du registre de police, que les revendeurs de véhicules d'occasion sont tenus de renseigner, a été présentée au vérificateur ; celui-ci a pu, sans irrégularité, consulter des écritures afférentes à la période antérieure à celle vérifiée ; la circonstance que les locaux de l'entreprise ont subi un incendie ne peut suffire à remettre en cause le constat de l'absence de caractère probant de cette comptabilité ;

- la SARL Auto Shop n'a pas été en mesure de justifier de la sortie du territoire français de véhicules qu'elle a indiqué avoir remis, en ses locaux, à des clients lituaniens qui ont fait leur affaire du transport, alors qu'elle a placé les opérations correspondantes sous le régime d'exonération applicable aux livraisons intracommunautaires ; dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'application de ce régime ; la SARL Auto Shop ne peut utilement invoquer l'incendie dont les locaux de l'entreprise ont fait l'objet, lequel ne constitue pas un événement de force majeure et ne la dispense pas d'établir par tout moyen la réalité des livraisons intracommunautaires dont elle fait état, notamment en se rapprochant de ses clients ; les déclarations d'échange qu'elle a produites et qui mentionnent d'ailleurs des montants autres que ceux portés en comptabilité ne sont pas de nature à établir, à elles seules, l'expédition des véhicules en cause à destination de la Lituanie ; par ailleurs, les pièces se rapportant à la période allant du 8 juillet 2013 au 26 juin 2014, au titre de laquelle aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée n'a été établi, sont sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige ;

- au cours de l'exercice clos le 31 mars 2012, la SARL Auto Shop a comptabilisé des ventes qu'elle a placées sous le régime d'exonération afférent aux exportations ; dès lors qu'elle n'a cependant pas été en mesure de justifier de la réalité de ces opérations, c'est à bon droit que le service a remis en cause, pour ces ventes, le bénéfice de ce régime ; là encore, la SARL Auto Shop ne peut utilement invoquer la destruction des pièces justificatives lors de l'incendie dont elle a été victime et qui ne peut la dispenser d'établir par tout moyen la réalité de ces opérations, ce qu'elle ne peut faire au moyen des seules déclarations souscrites auprès de l'administration des douanes ;

- en l'absence de toute justification des inscriptions portées au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. B... dans la comptabilité de la SARL Auto Shop, c'est à bon droit que le service a estimé qu'elles correspondaient à des produits de ventes non comptabilisés ; à cet égard, l'attestation établie par un client lituanien, selon laquelle il aurait versé, en espèces, des avances, d'un montant de 120 000 euros, à la fin de l'année 2009, à valoir sur des achats de véhicules conclus en 2012, est dépourvue de caractère probant ; en outre, si les appelants soutiennent qu'à concurrence d'une somme de 5 000 euros, ces inscriptions se rapportent à un apport, ils n'apportent aucun justificatif au soutien de ces allégations et ne sont pas fondés à se prévaloir, à cet égard, de la prescription, dès lors que cette inscription se rapporte à l'exercice clos en 2011 et non à l'année 2010 ;

- dans ces conditions, le chef de rectification des résultats imposables de la SARL Auto Shop correspondant au profit sur le Trésor est fondé ;

- les actes de poursuites et l'avis de compensation décernés par le comptable sont réguliers et légalement fondés ;

- l'administration est fondée à invoquer la présomption de distribution prévue au 1 de l'article 109 du code général des impôts pour regarder les sommes inscrites au crédit du compte-courant d'associé de M. B... comme constituant, en l'absence de justification du contraire, des revenus distribués entre ses mains ; le a. de l'article 111 du code général des impôts sur lequel le service s'est initialement placé n'étant toutefois pas un fondement pertinent, il est demandé à la cour de lui substituer, le cas échéant, le 1° ou 2° du 1 de l'article 109 du même code ; les appelants ne démontrent pas que la situation de trésorerie de la SARL Auto Shop était dégradée au point de faire obstacle à tout prélèvement par M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR), conclue à Genève le 19 mai 1956 ;

- la sixième directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Auto Shop, dont M. A... B... est le gérant et dont le siège est situé à Guichainville (Eure), exerce une activité de vente de véhicules d'occasion auprès d'une clientèle constituée de particuliers et d'entreprises. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er avril 2010 au 31 mars 2013, étendue au 30 juin 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, au cours duquel la comptabilité produite pour cette société a été écartée comme entachée de graves irrégularités de nature à en affecter le caractère sincère et probant, le service vérificateur a procédé à une reconstitution des recettes taxables et des résultats imposables de la SARL Auto Shop. L'administration lui a fait connaître sa position par trois propositions de rectification successives, qu'elle lui a adressées le 11 décembre 2014 en ce qui concerne l'exercice clos le 31 mars 2011, le 7 septembre 2015 en ce qui concerne les exercices clos les 31 mars 2012 et 2013, et le 7 septembre 2015 en ce qui concerne, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la période allant du 1er avril 2013 au 30 juin 2014. La SARL Auto Shop a présenté des observations à l'issue desquelles l'essentiel des rehaussements notifiés a été maintenu. En conséquence, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de ces rehaussements ont été mis en recouvrement à hauteur des montants respectifs, en droits et pénalités, de 72 036 euros et de 33 752 euros. En outre, une amende de 9 210 euros a été mise à la charge de la SARL Auto Shop au titre de la période allant du 1er avril 2011 au 31 mars 2013, au motif que cette société avait perçu, à hauteur de sommes excessives, des règlements en espèces. Sa réclamation n'ayant donné lieu à aucune réponse expresse de l'administration, la SARL Auto Shop a porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen en lui demandant de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2011, 2012 et 2013, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2010 au 31 mars 2013, de prescrire le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 14 887 euros, enfin, d'annuler l'avis de compensation du 22 novembre 2016 ainsi que les mises en demeure de payer en date des 30 novembre et 8 décembre 2016.

2. Parallèlement, M. et Mme A... B... ont été informés par l'administration, au moyen de deux propositions de rectification qu'elle leur a adressées le 11 décembre 2014 et le 7 septembre 2015, de ce qu'elle les avait regardés comme les bénéficiaires, au titre des années 2011 à 2013, de revenus réputés distribués par la SARL Auto Shop. Après examen des observations formulées par M. et Mme B..., l'administration a décidé de ne maintenir que les rehaussements notifiés en ce qui concerne les années 2011 et 2012. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en résultant ont été mis en recouvrement à hauteur d'une somme totale, en droits et pénalités, de 94 087 euros. Leur réclamation n'ayant fait l'objet d'aucune réponse expresse, M. et Mme B... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre des années 2011 et 2012.

3. Par un jugement du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Rouen, après avoir joint ces deux demandes et constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à concurrence des dégrèvements de 255 euros au titre de l'année 2011 et de 1 258 euros au titre de l'année 2012, prononcés, en matière de prélèvements sociaux, en cours d'instance, sur la demande de M. et Mme B..., a rejeté le surplus des conclusions de cette demande, ainsi que la demande présentée par la SARL Auto Shop. La SARL Auto Shop ainsi que M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition mise en œuvre à l'égard de la SARL Auto Shop :

En ce qui concerne la durée de la vérification de comptabilité :

4. En vertu du I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut, sous peine de nullité de l'imposition, s'étendre sur une durée supérieure à trois mois, lorsqu'elle concerne, notamment, selon le 1° du I, les entreprises industrielles et commerciales dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts, à savoir 777 000 euros, s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 234 000 euros, s'il s'agit d'autres entreprises. Toutefois, aux termes du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : / (...) / 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. / (...) ".

5. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de comptabilité dont la SARL Auto Shop a fait l'objet, en ce qui concerne la période allant du 1er avril 2010 au 31 mars 2013 étendue au 30 juin 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la vérificatrice a constaté que cette société n'avait pu fournir aucune pièce justificative à l'appui des écritures comptables qu'elle avait portées dans les comptes de produits et qu'elle n'avait pu fournir de telles pièces qu'à l'appui de ses seules écritures de charges sociales, l'ensemble des autres charges courantes demeurant injustifiées. En outre, la vérificatrice n'a pu consulter que des copies de quelques feuillets du registre de police que les revendeurs de véhicules d'occasion, à l'instar de la SARL Auto Shop, sont tenus de tenir à jour et de présenter à toute réquisition des administrations et autorités compétentes. Si la SARL Auto Shop fait valoir qu'un incendie, survenu dans ses locaux le 29 juin 2013, a entraîné la destruction de nombreux documents en sa possession, dont notamment l'original des documents comptables et des pièces qui y étaient jointes, cet événement ne faisait pas obstacle à ce qu'elle puisse justifier par tout autre moyen, notamment en se rapprochant de ses clients et fournisseurs, le bien-fondé de ces imputations comptables en produits et charges. Les anomalies ainsi relevées par la vérificatrice, à qui il était loisible de consulter des écritures comptables antérieures à la période vérifiée pour conforter son appréciation en ce qui concerne cette période, doivent, dans ces conditions, être regardées comme ayant la nature de graves irrégularités affectant le caractère probant de la comptabilité tenue par la SARL Auto Shop, de sorte que l'administration était fondée à l'écarter. Au surplus, il n'est pas contesté que cette société a déclaré, au titre de l'exercice clos en 2011, premier exercice vérifié, un chiffre d'affaires hors taxes s'élevant à 932 366 euros, dont 921 220 euros au titre des ventes, lequel montant excède le plafond de 777 000 euros fixé, pour l'application du régime réel simplifié, par l'article 302 septies A du code général des impôts, s'agissant des ventes. Par suite, l'administration était fondée à poursuivre la vérification de comptabilité sur une durée de six mois conformément aux dispositions précitées du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. Or, ces dispositions n'imposent pas à l'administration d'informer le contribuable vérifié de la prolongation du contrôle dont il fait l'objet. Au demeurant, la vérificatrice a informé la SARL Auto Shop de cette prolongation en remettant, en main propre, à l'une des comptables mandatées pour représenter la société, qui en a accusé réception, un courrier informatif en ce sens, sans qu'ait d'incidence l'erreur matérielle affectant, dans ce courrier, l'identification de la société destinataire. En outre, dès lors qu'il n'est pas contesté que le premier entretien avec la vérificatrice s'est tenu le 11 août 2015 et que le dernier entretien a eu lieu le 9 février 2015, la durée de ce contrôle n'a, en l'espèce, pas excédé la durée maximale de six mois. Il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité de la vérification de comptabilité, en raison de sa durée, doit être écarté.

En ce qui concerne le caractère contradictoire du contrôle :

6. Aux termes du I de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur à la date de la vérification de comptabilité : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. ".

7. Si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux. Il en va ainsi lorsque, notamment, l'entreprise ne dispose pas, au moment du contrôle, de locaux permettant au vérificateur de procéder à ses investigations dans des conditions adaptées et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent dans le lieu choisi par le contribuable, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée.

8. Il est constant qu'en raison de l'état dans lequel se trouvaient les locaux de la SARL Auto Shop après l'incendie survenu le 29 juin 2013, ceux-ci n'étaient pas susceptibles d'accueillir la vérificatrice dans des conditions appropriées pour lui permettre de conduire ses investigations. Il a alors été convenu, d'un commun accord entre la vérificatrice et M. B..., gérant de la SARL Auto Shop, que le contrôle se tienne dans les locaux du cabinet d'expertise comptable en charge de la tenue de la comptabilité de l'entreprise et que deux des comptables exerçant dans ce cabinet soient, en tant que de besoin, mandatées pour représenter la société. Il n'est pas contesté qu'à l'exception du premier entretien, qui s'est tenu dans les locaux sinistrés de la SARL Auto Shop, l'ensemble des discussions entre M. B..., les comptables et la vérificatrice se sont tenues au cabinet d'expertise comptable. Si les appelants soutiennent que la vérificatrice n'aurait tenu aucun compte des explications fournies, ils n'apportent aucun élément au soutien de leurs allégations, le seul fait que l'administration n'ait pas été convaincue par leurs explications n'étant pas de nature à établir que celles-ci n'auraient pas été examinées. A cet égard, si, comme le soutiennent les appelants, la vérificatrice a refusé de prendre connaissance des déclarations douanières souscrites par la SARL Auto Shop, dont M. B... avait mis une copie à sa disposition lors du premier entretien, c'est uniquement parce que celle-ci n'était pas en mesure de les étudier sérieusement dans des locaux sinistrés et dépourvus d'éclairage, la vérificatrice ayant cependant invité M. B... à mettre ces éléments à sa disposition au cabinet d'expertise comptable, ce qui n'a pas été fait. Dans ces conditions et alors que les appelants n'allèguent pas que la vérificatrice se serait refusée à tout échange de vues, il ne peut être tenu pour établi que les modalités ainsi retenues pour le contrôle auraient privé la SARL Auto Shop de la possibilité de bénéficier d'un débat oral et contradictoire avec la vérificatrice. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que les moyens par lesquels la SARL Auto Shop critique la régularité de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ne peuvent qu'être écartés. Il suit de là que le moyen tiré par M. et Mme B... de ce que ces irrégularités entacheraient la procédure d'imposition dont ils ont eux-mêmes fait l'objet ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la prescription :

10. Eu égard à ce qui a été dit au point 9, le moyen tiré par la SARL Auto Shop de ce que les propositions de rectification qui lui ont été adressées le 11 décembre 2014, le 7 septembre 2015 et le 7 septembre 2015 ont été établies au terme d'une procédure d'imposition irrégulière, de sorte qu'elles n'auraient pu valablement interrompre le délai de reprise imparti à l'administration, d'une part, à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, en matière d'impôt sur les sociétés, et, d'autre part, à l'article L. 176 de ce livre, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ne peut qu'être écarté. Il en est de même, en tout état de cause, pour le même motif, du moyen tiré par M. et Mme B... de ce que les deux propositions de rectification qui leur ont été adressées le 11 décembre 2014 et le 7 septembre 2015 pour porter à leur connaissance des rehaussements trouvant leur origine dans une vérification de comptabilité, à leurs yeux, irrégulière, n'auraient pas davantage revêtu le caractère interruptif du délai de reprise imparti à l'administration, en matière d'impôt sur le revenu, par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne les rehaussements notifiés à la SARL Auto Shop :

S'agissant de la remise en cause du régime d'exonération en faveur des livraisons intracommunautaires sous lequel la SARL Auto Shop avait placé certaines ventes :

11. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire. / (...) ". En vertu du a) du 1 de l'article 269 de ce code, le fait générateur de la taxe se produit au moment de la livraison du bien. Toutefois, aux termes de l'article 262 ter du même code, dans sa rédaction applicable : " I. - Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie. / L'exonération ne s'applique pas lorsqu'il est démontré que le fournisseur savait ou ne pouvait ignorer que le destinataire présumé de l'expédition ou du transport n'avait pas d'activité réelle. / (...) ".

12. Il résulte des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons de biens à un destinataire établi sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne est notamment subordonnée à la condition, d'une part, que l'acquéreur de ces biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas dans l'Etat membre dans lequel elle est établie d'un régime dérogatoire l'autorisant à ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ses acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un autre Etat membre de l'Union européenne.

13. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération. S'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne, pour l'application des dispositions précitées du I. de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est en mesure de produire, qu'il ait ou non effectué lui-même le transport, tout élément de preuve de nature à justifier de la livraison effective de ces produits. Si toutefois, pour l'application des objectifs de l'article 28 quater de la sixième directive du 17 mai 1977 en matière de taxe sur la valeur ajoutée et des dispositions du 1° du I de l'article 262 ter du code général des impôts rappelées au point 11, un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée disposant de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre Etat membre et du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de l'acquéreur doit être présumé avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée, cette présomption ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale puisse établir que les livraisons en cause n'ont pas eu lieu, en faisant notamment valoir que des livraisons, répétées et portant sur des montants importants, ont eu pour destinataire présumé des personnes dépourvues d'activité réelle.

14. Il résulte de l'instruction que la SARL Auto Shop a enregistré en comptabilité, au titre de la période allant du 1er avril 2010 au 30 juin 2014, des ventes de véhicules à des clients établis en Lituanie. Au cours du débat oral et contradictoire avec la vérificatrice, la SARL Auto Shop a précisé que les véhicules en cause avaient été enlevés dans ses locaux par les soins des acquéreurs. Pour justifier de la livraison effective, en Lituanie, des véhicules ayant fait l'objet de ces transactions, la SARL Auto Shop n'a toutefois produit aucune pièce justificative. Si son gérant a présenté à la vérificatrice, au début du contrôle, la copie de déclarations souscrites auprès de l'administration des douanes et se rapportant à ces opérations, aucune suite n'a été donnée à l'invitation de la vérificatrice tenant à ce que ces pièces soient mises à sa disposition au lieu du contrôle, fixé d'un commun accord dans les locaux de l'expert-comptable de la société. Dans ces conditions, et dès lors que ni la sortie effective des véhicules en cause du territoire français ni leur livraison en Lituanie n'étaient établies par aucune pièce, l'administration a remis en cause le bénéfice du régime d'exonération en faveur des livraisons intracommunautaires, sous lequel la SARL Auto Shop avait placé ces opérations.

15. Si la SARL Auto Shop conteste cette analyse et produit des états, issus de l'application informatique des services des douanes, des déclarations qu'elle a souscrites, au cours de la période vérifiée, auprès de ces services en ce qui concerne des ventes de véhicules, ces seuls états, ni même d'ailleurs les déclarations auxquelles ils font référence, ne sont pas de nature à établir que les véhicules concernés par ces opérations ont effectivement fait l'objet d'une livraison, depuis le territoire français, sur le territoire d'un autre Etat de l'Union européenne, en l'occurrence la Lituanie. Il suit de là que la contestation de la SARL Auto Shop, qui ne se trouvait pas, du seul fait de l'incendie dont ses locaux ont fait l'objet, dans l'impossibilité de justifier de la réalité des opérations portées dans sa comptabilité, après s'être rapprochée de ses clients ou des transporteurs, ne peut qu'être écartée. C'est à bon droit, dans ces conditions, que l'administration a remis en cause le régime d'exonération sous lequel la SARL Auto Shop avait placé ces ventes.

S'agissant des inscriptions dans un compte courant d'associé ouvert dans la comptabilité de la SARL Auto Shop :

16. L'administration a réintégré dans les résultats imposables de la SARL Auto Shop des sommes inscrites, comme correspondant à des versements en espèces, au crédit du compte courant ouvert au nom de M. B..., son associé et gérant, dans la comptabilité de cette société, après avoir constaté que ces écritures n'étaient appuyées par aucun justificatif et avoir estimé que, dans ces conditions, ces sommes devaient être regardées comme ayant la nature de produits non comptabilisés. Elle a, en outre, pris en compte la taxe sur la valeur ajoutée collectée correspondante pour la détermination des rappels de taxe mis à la charge de cette société.

17. La SARL Auto Shop conteste cette analyse et soutient qu'à concurrence de la somme de 5 000 euros, ces inscriptions correspondent au remboursement d'une créance qu'elle détenait sur son gérant. Elle soutient, en outre, que, pour le surplus, ces sommes constituent des acomptes versés en espèces par des clients lituaniens, à valoir sur le prix d'achat de véhicules. Toutefois, d'une part, elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de la dette contractée envers elle par son gérant, que le versement en espèces de 5 000 euros porté sur son compte courant d'associé aurait eu pour objet de rembourser. En outre, contrairement à ce qu'elle allègue, si cette inscription a été portée sur ce compte en 2010, cette opération se rattache à l'exercice clos le 31 mars 2011, qui est le premier exercice non prescrit, de sorte que le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait faire valoir son droit de reprise à l'égard de la SARL Auto Shop en ce qui concerne cette somme doit être écarté. D'autre part, la seule attestation établie, le 6 janvier 2020, soit plusieurs années après la clôture des exercices en cause, par une société lituanienne, selon laquelle cette société aurait versé, en espèces, à la SARL Auto Shop, le 17 décembre 2009, des sommes représentant un montant total de 120 000 euros à valoir sur un achat de véhicules effectué par elle au cours de l'année 2012, soit près de trois ans plus tard, ne peut être regardée comme de nature à établir que tout ou partie des sommes en cause, d'ailleurs portées en comptabilité à une date très postérieure à celle mentionnée par ce client et, qui plus est, sur le compte courant d'associé de M. B... et non dans un compte de client, pourrait avoir la nature d'acomptes à valoir sur des achats de véhicules. La SARL Auto Shop ne peut davantage soutenir que les justificatifs qu'elle aurait été susceptible de produire à cet égard ont été détruits dans l'incendie de ces locaux, alors que cet événement ne faisait obstacle ni à ce que son gérant puisse justifier par tout moyen de sa dette à son égard, ni à ce qu'elle puisse obtenir des éléments probants de la part de ses clients lituaniens. Dès lors et en tout état de cause, l'administration était fondée à réintégrer ces sommes dans les résultats imposables de la SARL Auto Shop comme correspondant à des recettes non comptabilisées et à tenir compte de la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur ces recettes pour établir les rappels de taxe à mettre à la charge de cette société. Dans ces conditions, la contestation par la SARL Auto Shop du bien-fondé du chef de rectification relatif au profit sur le Trésor, au soutien de laquelle elle ne formule d'aucun moyen propre, doit être écartée.

En ce qui concerne les revenus réputés distribués entre les mains de M. B... :

18. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".

19. Ainsi qu'il a été dit aux points 16 et 17, l'administration était fondée à regarder les sommes inscrites, au cours de la période vérifiée, au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. B... dans la comptabilité de la SARL Auto Shop comme correspondant à des recettes non comptabilisées. En outre, du seul fait de l'inscription de ces sommes au crédit d'un compte dont M. B... avait la libre disposition, l'administration était également fondée à retenir, d'une part, que ces sommes, non prélevées sur les bénéfices de la société, avaient été désinvesties par elle, d'autre part, que M. B... devait être réputé avoir appréhendé ces sommes en tant que revenus distribués. Si M. et Mme B... soutiennent que ces sommes ont été à tort réintégrées dans leurs revenus imposables des années 2011 et 2012, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, dès lors que l'état de la trésorerie de la SARL Auto Shop au cours de l'exercice clos le 31 mars 2012 faisait obstacle à tout prélèvement sur ce compte, ils n'apportent aucun élément probant au soutien de cette allégation, de sorte que leur contestation ne peut qu'être écartée. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a imposé ces sommes entre les mains de M. et Mme B..., en application des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, qui doivent, comme le demande le ministre, être substituées à celles du a. de l'article 111 de ce code, sur lesquelles le service s'était initialement fondé, dès lors que cette substitution ne prive M. et Mme B... d'aucune garantie de procédure ouverte par la loi aux contribuables.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Auto Shop ainsi que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence des dégrèvements intervenus en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées et il doit en être de même, en tout état de cause, de leurs conclusions tendant à l'annulation des actes de poursuites et de compensation décernés à leur égard, ainsi que de celles afférentes, d'une part, à la prise en compte d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, à la charge des dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de SARL Auto Shop et de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Auto Shop, à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 19 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Papin Le président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°20DA00282

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3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00282
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL CAMPANARO OHANIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-02;20da00282 ?
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