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05/05/2022 | FRANCE | N°20DA00038

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 05 mai 2022, 20DA00038


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1702778 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Brindel, demandent

la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litig...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1702778 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Brindel, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, les pièces qu'ils ont versées aux débats établissent que les travaux que la SCI A..., dont ils sont les associés, a fait exécuter, pour un montant total de 259 776 euros, sur une maison d'habitation lui appartenant à ont donné lieu à une facturation détaillée, de laquelle il ressort que ces travaux correspondent pour partie, à concurrence de 73 646 euros, ainsi que l'indique le tableau récapitulatif également produit, à des dépenses d'entretien, de réparation ou d'amélioration déductibles et sont dissociables, dans cette mesure, des travaux de reconstruction et d'agrandissement mis en œuvre, en outre, sur le même immeuble ;

- le paragraphe n°40 de la fiche 8 annexée à l'instruction administrative publiée le 23 mars 2007 sous la référence 5 D-2-07, ainsi que le paragraphe n°230 de la doctrine administrative publiée le 16 décembre 2013 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-RFPI-BASE-20-30-20, dont ils sont fondés à invoquer le bénéfice sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, confortent leur position en ce qui concerne la possibilité d'admettre en déduction les dépenses correspondant à des travaux d'entretien, de réparation ou d'amélioration dissociables de travaux de reconstruction ou d'agrandissement non déductibles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les travaux que la SCI A... a fait réaliser au sein de l'immeuble, affecté en dernier lieu à l'usage d'habitation, ont conduit à modifier l'affectation de cet immeuble, puisqu'il a ensuite été donné en location à une société exerçant une activité commerciale ; compte tenu du court délai séparant l'acquisition de cet immeuble et la conclusion du bail, ces travaux s'inscrivent dans une opération qui a eu pour but d'aménager des locaux professionnels pour y installer cette société, étant précisé que celle-ci et la SCI A... ont pour gérante Mme C... ;

- ces travaux, dont le coût équivaut au prix d'acquisition de l'immeuble, ont, en outre, conduit à augmenter de plus de 10 % la surface hors œuvre nette de l'immeuble, ce que confirment les factures produites par les appelants, qui font mention de plusieurs opérations, concernant notamment le gros-œuvre, effectuées sur une partie neuve et dont l'une fait aussi mention d'un parc de stationnement ;

- l'ampleur de l'opération réalisée par la SCI A..., qui a abouti à la transformation complète de l'immeuble sur lequel elle a porté, ne permet pas de dissocier les travaux de reconstruction des travaux d'amélioration réalisés à cette occasion ;

- dans ces conditions, le caractère déductible des dépenses correspondantes et, par suite, l'imputation du déficit foncier en résultant ont été à bon droit remis en cause par l'administration, sur le fondement du b) du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, à l'exception de dépenses exposées afin d'assurer l'accessibilité de l'immeuble aux personnes à mobilité réduite, qui ont été admises en déduction sur le fondement du b bis) du 1° du I du même article.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) A..., qui n'a pas opté pour le régime fiscal applicable aux sociétés de capitaux et dont les gérants sont M. et Mme B... C..., a fait l'acquisition, le 25 février 2010, d'un immeuble à usage d'habitation situé au à. La SCI A... y a fait procéder, au cours de l'année 2010, à d'importants travaux concourant au constat d'un déficit foncier de 72 328 euros, que M. et Mme C... ont mentionné sur la déclaration de revenus qu'ils ont souscrite au titre de la même année. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration, estimant que ces travaux devaient être assimilés à une reconstruction, a remis en cause l'imputation de ce déficit sur les années non prescrites, de même que le caractère déductible des travaux auxquels ce déficit se rapporte. L'administration a fait connaître à M. et Mme C... sa position sur ce point, par une proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 26 octobre 2016. Les observations présentées par M. et Mme C... ont toutefois conduit l'administration à admettre la déductibilité des dépenses se rapportant à des travaux d'accessibilité à l'immeuble des personnes à mobilité réduite et consistant en l'aménagement d'une rampe d'accès, ainsi, par suite, que l'imputation du déficit correspondant. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant des rectifications maintenues ont, dans ces conditions, été mis en recouvrement le 30 avril 2017 pour un montant total de 25 893 euros. Leur réclamation, en date du 20 janvier 2017, ayant été rejetée, M. et Mme C... ont porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. En vertu de l'article 28 du code général des impôts, le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. Aux termes de l'article 31 de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; / (...) / b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...). ". Enfin, en vertu du 3° du I. de l'article 156 du même code, le revenu net foncier est établi sous déduction des déficits fonciers constatés pour une année, lesquels peuvent s'imputer sur les revenus fonciers des dix années suivantes.

3. Doivent être regardés comme des travaux de construction ou de reconstruction, au sens de ces dispositions, les travaux conduisant à modifier la conception, l'aménagement et les équipements d'un immeuble d'habitation afin de l'affecter à un usage professionnel ou commercial. Doivent également être regardés, pour l'application de ces dispositions, comme des travaux de construction ou de reconstruction les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre de locaux existants ou les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction. Il appartient au contribuable qui entend déduire de ses revenus bruts fonciers le montant de dépenses correspondant à des travaux d'amélioration d'un immeuble lui appartenant d'apporter tous éléments de nature à établir, dans leur principe comme dans leur montant, leur caractère déductible en tant que charges de la propriété.

4. L'administration a remis en cause l'imputation du déficit de 72 328 euros que M. et Mme C... avaient porté sur la déclaration de revenus souscrite au titre de l'année 2010, ainsi que la déductibilité, en tant que charges de la propriété, d'une fraction des dépenses de travaux exposées, par la SCI A..., sur l'immeuble à usage d'habitation appartenant à cette société, s'élevant à un montant total de 259 776,89 euros et portées en déduction par les contribuables à concurrence d'une somme de 73 646,24 euros. L'administration a, en effet, estimé que ces dépenses se rapportaient, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts, à l'exécution de travaux de reconstruction, eu égard à la nature ainsi qu'à l'importance de ces travaux et dès lors que ceux-ci, d'une part, avaient conduit à augmenter de plus de 10 % la surface hors œuvre nette de l'immeuble en cause et, d'autre part, avaient eu pour objet, en en modifiant la conception, l'aménagement et les équipements, de changer l'affectation de cet immeuble qui, précédemment affecté à un usage d'habitation, a été donné en location, après l'achèvement des travaux, à une société commerciale, la société à responsabilité limitée (SARL) D..., dont l'objet social est l'aide à domicile et dont Mme C... est la gérante.

5. Pour démontrer que le déficit était bien imputable sur leur revenus fonciers de l'année 2010 et reportable sur les années d'imposition en litige, M. et Mme C... soutiennent que si certains des travaux que la SCI A... a fait exécuter sur l'immeuble en cause peuvent être regardés comme portant sur une opération de transformation et d'agrandissement assimilable à une reconstruction, les factures détaillées et les autres documents qu'ils versent au dossier permettent cependant de dissocier de cette opération des travaux d'entretien, de réparation ou d'amélioration, qui devaient par ailleurs être réalisés. Ils ajoutent que seules les dépenses, par nature déductibles, correspondant à ces travaux dissociables entrent dans la composition du déficit foncier dont ils ont fait état dans leurs déclarations.

6. Toutefois, si la situation de travaux n° 3 établie par l'entreprise qui a exécuté l'essentiel des travaux en cause permet d'identifier l'objet et la nature de ces travaux, ce décompte, qui fait référence, en ce qui concerne la partie existante de l'immeuble, à des modifications importantes au niveau de la toiture, de la charpente, incluant notamment la dépose des bois de charpente et l'habillage complet des combles, ainsi qu'au niveau du gros-œuvre, comprenant la démolition de murs, la dépose de deux cheminées, le doublage des façades, permet d'établir que les travaux effectués sur la partie existante de l'immeuble, pris dans leur ensemble, ont excédé l'entretien, la réparation ou l'amélioration. En outre, ce même décompte fait mention de la construction d'une partie neuve et de l'aménagement d'un parc de stationnement, désormais adjoints à cet immeuble. Enfin, ni ce décompte, ni les autres factures, ni les tableaux produits par M. et Mme C... ne permettent de dissocier ceux des travaux susceptibles de relever de l'entretien, de la réparation ou de l'amélioration de l'immeuble, de l'opération globale, assimilable à une reconstruction, qui a conduit, par un agrandissement et un réaménagement de l'immeuble, à en modifier l'affectation. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'imputation du déficit foncier généré par les dépenses correspondantes après avoir estimé que celles-ci, qui se rapportaient dans leur ensemble, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts, à l'exécution de travaux de reconstruction, ne présentaient pas le caractère de charge déductibles.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. M. et Mme C... invoquent, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une part le paragraphe n°40 de la fiche 8 annexée à l'instruction administrative publiée le 23 mars 2007 sous la référence 5 D-2-07, d'autre part, le paragraphe n°230 de la doctrine administrative publiée le 16 décembre 2013 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-RFPI-BASE-20-30-20.

8. Toutefois, ces extraits de la doctrine administrative indiquent que, dans le cas d'une opération comportant des travaux de nature différente, les uns consistant en une reconstruction ou en un agrandissement et les autres ayant trait à une réparation ou une amélioration, il y a lieu d'apprécier, afin d'admettre celles-ci en déduction, si les dépenses correspondant à cette seconde catégorie de travaux sont dissociables des autres dépenses. Elles ne font donc pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont le présent arrêt fait application. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à s'en prévaloir.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 14 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°20DA00038

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00038
Date de la décision : 05/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BRINDEL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-05;20da00038 ?
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