Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, l'arrêté du 25 janvier 2018 par lequel le maire d' a refusé de lui accorder un permis d'aménager et la décision de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, la décision du 7 mai 2018 par laquelle le maire a refusé de lui remettre la clé de passage sur la voie piétonne située place du maréchal Leclerc à Ailly-sur-Noye.
Par un jugement n°1802033 du 9 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 août 2020, et des mémoires complémentaires enregistrés les 17 et 21 mars 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme C... épouse D..., représentée par Me Sandrine Milhaud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions du maire d'Ailly-sur-Noye ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Ailly-sur-Noye la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance et sa requête sont recevables au regard de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté de refus de permis d'aménager est irrégulier compte tenu de l'orthographe incorrecte de son nom d'épouse et de l'erreur qui y figure pour désigner son adresse personnelle ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, ce n'est pas un plan local d'urbanisme qui est applicable au litige mais le plan d'occupation des sols de la commune d'Ailly-sur-Noye ;
- le règlement de la zone UA de ce plan n'interdit pas le passage de véhicules sur la place, ni les ouvertures de façades ;
- la voie d'accès est adaptée au passage des véhicules et une telle circulation n'apporte aucune gêne à la circulation publique ;
- l'immeuble ne devait pas faire l'objet d'un changement de destination, celle-ci étant mixte ;
- le refus de délivrer la clé de passage, qui s'apparente à la suppression d'un droit de passage dont elle disposait antérieurement, se heurte à la liberté d'accès des riverains à la voie publique qui est un accessoire au droit de propriété reconnu par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par l'article 544 du code civil, dès lors que la seule voie d'accès à sa propriété est la place du maréchal Leclerc ;
- cette décision est discriminatoire en ce qu'elle méconnaît le principe d'égalité reconnu par l'article 1er de la Constitution.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2020, et un mémoire complémentaire enregistré le 17 mars 2022, la commune d'Ailly-sur-Noye, représentée par Me Marcel Doyen, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C... épouse D... E... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable au regard de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et en raison de l'absence d'intérêt à agir de la requérante ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Naïla Boukheloua, première conseillère,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Florence Smyth, représentant la commune d'Ailly-sur-Noye.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. Mme D... relève appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 25 janvier 2018 par lequel le maire d'Ailly-sur-Noye a refusé de lui accorder un permis d'aménager et de la décision de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, de la décision du 7 mai 2018 par laquelle le maire a refusé de lui remettre la clé de passage sur la voie piétonne située place du maréchal Leclerc à Ailly-sur-Noye.
Sur la recevabilité de l'appel :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif (...). ".
3. Il ne résulte pas de ces dispositions qu'elles seraient applicables en cas de recours du pétitionnaire contre la décision de refus de permis d'aménager qui lui est opposée. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Ailly-sur-Noye à ce titre doit être écartée.
4. En second lieu, la circonstance qu'une déclaration d'intention d'aliéner l'immeuble en litige a été notifiée à la commune le 10 janvier 2022, ce qui témoigne de l'intention de la requérante de vendre cet immeuble, ne saurait avoir pour effet d'enlever à cette dernière son intérêt à agir contre les décisions du maire d'Ailly-sur-Noye des 25 janvier et 7 mai 2018 ayant refusé de lui délivrer un permis d'aménager sur cet immeuble et de lui remettre la clé d'accès à la place du maréchal Leclerc.
Sur la régularité du jugement :
5. Si la requérante soutient que les premiers juges ont apprécié la légalité de la décision de refus de permis d'aménager du maire d'Ailly-sur-Noye au regard du plan local d'urbanisme au lieu du plan d'occupation des sols de cette commune, seul opposable à cette décision, ce moyen relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité et doit, par suite, être écarté pour ce motif. En tout état de cause, il résulte des motifs du jugement attaqué que les premiers juges ont fait application du plan d'occupation des sols qu'ils ont désigné en ces termes à plusieurs reprises. La mention isolée du " plan local d'urbanisme " doit, dans ces conditions, être regardée comme étant une simple erreur matérielle dépourvue d'incidence sur la régularité ou le bien-fondé du jugement attaqué.
Sur la légalité du refus de permis d'aménager :
6. En premier lieu, la requérante se borne à reprendre en appel son moyen, déjà invoqué en première instance, tiré de l'irrégularité qui découlerait des erreurs entachant l'orthographe de son nom d'épouse et la désignation de son adresse personnelle. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article UA 3 I du plan d'occupation des sols de la commune d'Ailly-sur-Noye applicable au litige : " Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique ". Aux termes de l'article UA 3 II du même plan : " Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies publiques ou privées doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent ou aux opérations qu'elles doivent desservir ".
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement de Mme D... consiste en la démolition d'une façade d'un l'immeuble implanté sur la parcelle cadastré section AC n°, et en la création de huit places de stationnement intérieures, lesquelles permettraient d'accueillir les véhicules des locataires qui occuperaient, à terme, l'ancien local commercial de la requérante, que celle-ci souhaite transformer en trois appartements.
9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet d'aménagement de la requérante est uniquement desservi par la place du maréchal Leclerc, qui est entièrement piétonne compte tenu de son aménagement pour accueillir un monument aux morts, et dont l'accès aux véhicules à moteur est limité par une borne électronique s'ouvrant à l'aide d'un badge.
10. Dans les circonstances de l'espèce, dès lors que le projet de la pétitionnaire a pour vocation d'accroître les allées et venues de véhicules automobiles sur cette voie piétonne, le maire de la commune d'Ailly-sur-Noye n'a commis ni une erreur de droit ni une erreur d'appréciation en estimant que l'opération d'aménagement litigieuse méconnaissait les dispositions des articles UA3 I et UA 3 II du plan d'occupation des sols.
11. Les circonstances que cette voie serait déjà empruntée par le véhicule d'un voisin et que, dans son recours gracieux, la requérante a fait valoir qu'elle souhaitait finalement réduire à trois le nombre de places de stationnement, sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée qui s'apprécie au regard des caractéristiques du projet faisant l'objet de la demande de permis d'aménager sur laquelle l'autorité administrative est appelée à prendre une décision.
12. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des articles UA3 I et UA 3 II du plan d'occupation des sols doit être écarté.
13. En troisième lieu, si le maire d'Ailly-sur-Noye a indiqué, dans la réponse au recours gracieux de la requérante, que son immeuble devra faire l'objet d'un changement de destination, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation entachant ce motif propre à cette décision de rejet du recours gracieux et qui, du reste, revêt un caractère purement informatif, ne peut être utilement invoqué à l'appui de sa requête.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2018 par lequel le maire d'Ailly-sur-Noye a refusé de lui accorder un permis d'aménager et de la décision de rejet de son recours gracieux.
Sur la légalité du refus de remise de badge d'accès :
15. Sauf dispositions législatives contraires, les riverains d'une voie publique ont le droit d'accéder librement à leur propriété, et notamment, d'entrer et de sortir des immeubles à pied ou avec un véhicule. L'autorité domaniale ne peut refuser d'accorder un tel accès, qui constitue un accessoire du droit de propriété, que pour des motifs tirés de la conservation et de la protection du domaine public ou de la sécurité de la circulation sur la voie publique.
16. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il est constant que l'accès à la place du maréchal Leclerc, qui est entièrement piétonne, par les véhicules à moteur est limité par une borne électronique s'ouvrant à l'aide d'un badge d'accès.
17. Or il ressort des pièces du dossier que si la requérante ne résidait pas elle-même, à la date de la décision attaquée, place du maréchal Leclerc, constituant l'unique accès à sa parcelle, elle mettait des appartements en location à cette même adresse et il était donc nécessaire de permettre l'accès des véhicules à moteur à cette place, de manière occasionnelle, lors de déménagements ou de transports d'objets encombrants.
18. Ainsi, en refusant de remettre à la requérante un badge d'accès permettant d'ouvrir la borne électronique empêchant les véhicules à moteur d'accéder à la place du maréchal Leclerc au motif qu'il appartenait à l'intéressée, en cas de nécessité, de s'adresser à son voisin qui possède un badge et, qu'en l'absence de terrain d'entente avec lui, " la commune récupérera les deux clés de passage " et " les propriétaires souhaitant passer viendraient en mairie la chercher ", ce motif ne se référant ni à la conservation et à la protection du domaine public ni à la sécurité de la circulation sur la voie publique, le maire d'Ailly-sur-Noye a méconnu le droit de Mme D... de libre accès à sa propriété.
19. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à demander l'annulation de la décision du 7 mai 2018 par laquelle le maire d'Ailly-sur-Noye lui a refusé l'attribution d'un badge personnel d'accès à la place du maréchal Leclerc.
20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 9 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire d'Ailly-sur-Noye du 7 mai 2018 ayant refusé de lui remettre un badge d'accès à la place du maréchal Leclerc.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accueillir les demandes présentées par Mme D... et par la commune d'Ailly-sur-Noye au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 7 mai 2018 par laquelle le maire d'Ailly-sur-Noye a refusé de remettre à Mme D... un badge d'accès à la voie piétonne située place du maréchal Leclerc à Ailly-sur-Noye est annulée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 9 juin 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune d'Ailly-sur-Noye présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse D... et à la commune d'Ailly-sur-Noye.
Délibéré après l'audience publique du 29 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- Mme Corinne Baes Honoré, présidente-assesseure,
- Mme Naïla Boukheloua, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.
La rapporteure,
Signé : N. Boukheloua
Le président de la 1ère chambre,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne au préfet de la Somme en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
N°20DA01227
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