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07/04/2022 | FRANCE | N°19DA01813

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 07 avril 2022, 19DA01813


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Overchem a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011 et la décharge de la majoration de 40% appliquée sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée.

Par un jugement n°1700594 du 27 juin 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête et des mémoires enregistrée le 31 juillet 2019, les 9 janvier, 11 février et 10 mars 2020...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Overchem a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011 et la décharge de la majoration de 40% appliquée sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée.

Par un jugement n°1700594 du 27 juin 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrée le 31 juillet 2019, les 9 janvier, 11 février et 10 mars 2020, la SARL Overchem, représentée par la société d'avocats Taj, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1700594 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant du rehaussement en base de 38 751 euros et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la comptabilité de la société était probante ;

- la doctrine exprimée dans la documentation référencée BOI-BIC-CHG-10 est opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du code général des impôts dès lors que les frais de déplacement des co-gérants entre leur domicile et l'usine et l'établissement de Lassigny ont été engagés dans l'intérêt direct de la société, estimés au barème kilométrique en vigueur et compris dans les charges de l'exercice ; ils sont donc déductibles à hauteur de 8 539 euros et 6 397 euros au titre de 2010 et de 10 447 euros et 13 368 euros au titre de 2011.

- la société n'a jamais eu la trésorerie nécessaire pour effectuer une telle distribution à ses associés ;

- la somme n'a jamais été versée sur les comptes bancaires personnels des associés ;

Par des mémoires enregistrés le 6 décembre 2019, les 27 janvier et 25 février 2020 et le 19 janvier 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de la SARL Overchem ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Delannay, avocat de la SARL Overchem.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Overchem a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a écarté sa comptabilité de l'année 2011 comme non probante, l'a notamment assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2010 et 2011 lesquelles ont été assorties de la majoration de 40%. La SARL Overchem relève appel du jugement du tribunal administratif d'Amiens qui a rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires en litige.

Sur le bien fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

2. Aux termes de l'article L. 192 du Livre des procédures fiscales : " La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. ".

3. La société Overchem a déposé au titre de l'année 2011 une première déclaration de résultats dans les délais impartis laissant apparaître un déficit de 34 383 euros. Puis, le 6 février 2013, elle a déposé une déclaration rectificative laissant apparaître un bénéfice de 360 599 euros. Au cours de la vérification de comptabilité de la société Overchem, l'administration a constaté que les écritures comptables correspondant à la liasse fiscale qui avait été initialement déposée, portant notamment sur des charges exceptionnelles, avaient été supprimées, sans écritures de contre-passation. Elle a relevé, en outre, des discordances entre le report à nouveau et le bilan de clôture de l'exercice précédent et a constaté qu'une fonctionnalité permissive du logiciel comptable, permettant d'altérer la fiabilité et l'exhaustivité des informations reprises dans les écritures comptables, avait été utilisée. En se prévalant des constats qu'elle a ainsi opérés, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve des graves irrégularités dont la comptabilité de la société était entachée. Dès lors, c'est à bon droit qu'elle a écarté la comptabilité de la société comme non probante pour l'exercice clos en 2011.

En ce qui concerne le remboursement des trajets domicile/travail des gérants :

4. L'administration a constaté, au cours de la vérification de comptabilité, que des remboursements de frais avaient été comptabilisés pour un montant de 61 384 euros et que les enregistrements comptables ne laissaient apparaître aucune distinction par bénéficiaire ou par nature de dépense. L'administration a toutefois déterminé que ce compte avait servi à comptabiliser des remboursements d'indemnités kilométriques aux gérants de la société en raison de l'utilisation par ces derniers de leur véhicule personnel ainsi que d'autres remboursements de frais relatifs à leurs déplacements. Certains de ces remboursements d'indemnités kilométriques correspondant à des trajets domicile-travail, à hauteur de 14 936 euros en 2010 et 23 815 euros en 2011, n'ont pas été admis en charges déductibles au motif qu'il s'agissait de dépenses personnelles des gérants non engagées dans l'intérêt de la société.

Sur le terrain de la loi :

5. L'article 39 du code général des impôts dispose : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

6. En vertu des dispositions du deuxième alinéa du 1° de l'article 39, 1 du code général des impôts, les rémunérations directes ou indirectes versées par l'entreprise à ses salariés, y compris les remboursements de frais, ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif. Les frais correspondant aux trajets qu'un salarié effectue entre son domicile et son lieu de travail ne peuvent être regardés comme correspondant à un travail effectif et ne sont donc pas déductibles au regard de ces dispositions.

7. Les dispositions du 5 du même article 39 du même code précisent que sont déductibles " les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ", mais que ces dépenses peuvent être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. En l'espèce, la société requérante fait valoir que les gérants ont fait le choix de fixer leur lieu de résidence à proximité de Paris et se sont établis en région parisienne pour diminuer les remboursements de frais de déplacement entre le lieu de l'usine dans le département de la Somme ou l'établissement de Lassigny situé dans le département de l'Oise et le lieu des rendez-vous en région parisienne. Toutefois, l'administration n'a pas remis en cause les remboursements de frais entre le domicile des gérants et les rendez-vous professionnels en région parisienne. S'agissant des économies alléguées, cette circonstance reste sans influence dès lors que le remboursement des trajets domicile-travail ne correspond pas, quel que soit le choix du lieu du domicile du gérant, à une dépense engagée dans l'intérêt de la société Overchem.

Sur le terrain de la doctrine :

8. La société Overchem se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine exprimée dans la documentation publiée sous la référence BOI-BIC-CHG-10 n° 1 et BOI-BIC-CHG-10-10 n° 1, selon laquelle les charges comptabilisées doivent présenter un intérêt pour l'entreprise et être appuyées de justifications suffisantes. Toutefois cette doctrine ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

En ce qui concerne l'acquisition du terrain par la société Overchem :

9. Il résulte de l'instruction que l'administration a considéré que l'acquisition par la société en 2011 d'un terrain appartenant à l'un de ses co-gérants avait été faite à un prix surévalué, ce qui présentait le caractère d'un acte anormal de gestion et constituait une distribution de bénéfices au sens de l'article 111 du code général des impôts. Toutefois, l'administration n'a assujetti la société Overchem à aucun rehaussement à ce titre. En tout état de cause, la société requérante doit être regardée comme renonçant à contester en appel ce point.

En ce qui concerne la distribution du report à nouveau :

10. Pendant la vérification de comptabilité, l'administration a considéré qu'un des gérants avait bénéficié en 2011 d'une distribution occulte du fait de l'inscription d'une somme de 336 800 euros au crédit de son compte courant d'associé. Toutefois, cette constatation n'a donné lieu à aucun redressement pour la SARL Overchem. Par suite, les moyens et arguments développés sont inopérants et ne peuvent qu'être rejetés. Il en va de même des erreurs factuelles relatives au prix d'acquisition du terrain ou du report à nouveau dont serait entaché le jugement, lesquelles demeurent sans influence sur la régularité du jugement.

11. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de la SARL Overchem tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Overchem est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Overchem et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 17 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Mathieu Sauveplane, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

- M. Jean-François Papin, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2022.

Le président, rapporteur,

Signé : M. SauveplaneL'assesseur le plus ancien,

Signé : D. BureauLa greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°19DA01813 2


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