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17/03/2022 | FRANCE | N°21DA01086

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 17 mars 2022, 21DA01086


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 5 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet née le 13 juin 2018 à la suite du recours hiérarchique exercé par l'office public de l'habitat des communes de l'Oise, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 11 décembre 2017 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé son licenciement, d'enjoindre à l'office public de l'habitat des communes de l'Oise de le ré

intégrer au sein de ses effectifs dans un délai d'un mois à compter de la no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 5 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet née le 13 juin 2018 à la suite du recours hiérarchique exercé par l'office public de l'habitat des communes de l'Oise, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 11 décembre 2017 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé son licenciement, d'enjoindre à l'office public de l'habitat des communes de l'Oise de le réintégrer au sein de ses effectifs dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803509 du 11 mars 2021 le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision de la ministre du travail du 5 octobre 2018 retirant sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique de l'office public de l'habitat des communes de l'Oise née le 13 juin 2018, annulant la décision de l'inspectrice du travail du 11 décembre 2017 et autorisant le licenciement de M. B..., rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. B... et rejeté les conclusions présentées par l'office public de l'habitat des communes de l'Oise sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mai 2021 et un mémoire enregistré le 3 février 2022, non communiqué, l'office public de l'habitat des communes de l'Oise dit " Oise Habitat ", représenté par Me Claisse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Dussault représentant l'office public de l'habitat des communes de l'Oise dit " Oise Habitat " et Me Daime, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été embauché le 23 avril 2007 comme assistant technique par l'office public de l'habitat des communes de l'Oise dit " Oise Habitat " puis il a occupé les fonctions de responsable de secteur de l'antenne des Cavées jusqu'au 1er juillet 2012, puis celles d'assistant " développement durable-sécurité-handicap " au sein de la direction de la gestion immobilière. Il a également été titulaire du mandat de délégué syndical Force Ouvrière entre le 5 octobre 2009 et le 30 avril 2018, du mandat de conseiller du salarié entre le 20 juillet 2012 et le 26 juin 2018 et a été membre du comité d'entreprise représentant au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. A la suite d'un arrêt de travail pour cause de surmenage professionnel entre le 2 février et 6 mars 2016, M. B... a été reçu le 24 avril 2017 par le médecin du travail qui a conclu à son inaptitude définitive à exercer ses fonctions sur son poste et à un état de santé faisant obstacle à tout reclassement au sein de son entreprise ou du groupe. Le 19 juin 2017, " Oise Habitat " a demandé à l'inspectrice du travail l'autorisation de licencier M. B... pour inaptitude définitive et impossibilité de le reclasser, ce qui lui a été refusé, par une décision du 8 août 2017 en raison d'une irrégularité dans la procédure de licenciement. Le 9 octobre 2017, l'office public a réitéré sa demande qui a été de nouveau rejetée, par une décision du 11 décembre 2017, au motif tiré de l'existence d'une discrimination syndicale ayant engendré une dégradation de la santé de M. B... et entraîné son inaptitude. Par une décision du 5 octobre 2018, la ministre du travail a, d'une part, retiré la décision implicite de rejet née le 13 juin 2018, sur recours hiérarchique de l'office public " Oise Habitat " reçu le 12 février 2018, et, d'autre part, annulé la décision de l'inspectrice du travail du 11 décembre 2017 et autorisé le licenciement de M. B.... Par un jugement n° 1803509 du 11 mars 2021 le tribunal administratif d'Amiens a notamment annulé la décision de la ministre du travail du 5 octobre 2018 et rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. B.... L'office public " Oise Habitat " relève appel de ce jugement et la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion doit être regardée comme venant au soutien de l'office public " Oise Habitat ".

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des motifs mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, ont répondu, dans des termes suffisamment circonstanciés, aux moyens soulevés devant eux. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

4. Le tribunal a indiqué, notamment, que la cour d'appel d'Amiens par son arrêt rendu le 19 novembre 2020 avait condamné " Oise Habitat " à payer des dommages-intérêts à M. B..., en réparation des dommages qu'il avait subis du fait de la discrimination syndicale dont il avait été l'objet. Il n'a, ce faisant, pas méconnu les principes de la séparation des pouvoirs et d'indépendance de chaque ordre de juridiction. Les moyens tirés de la méconnaissance des principes de la séparation des pouvoirs et d'impartialité doivent donc être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article R. 2421-7 du code du travail : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examine notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé ".

6. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'administration de rechercher si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé sans rechercher la cause de cette inaptitude. Toutefois, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée. Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport.

7. A l'appui de sa demande d'autorisation de licencier M. B... du 9 octobre 2017, l'office public " Oise Habitat " invoquait l'inaptitude physique de M. B..., constatée par le médecin du travail, dans son avis du 24 avril 2017. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a notamment relevé la cour d'appel d'Amiens, dans son arrêt du 19 novembre 2020, que l'office public " Oise Habitat " a systématiquement mentionné l'exercice d'une activité syndicale dans les évaluations professionnelles de M. B... des 5 juillet 2011, 20 juin 2012, 9 octobre 2013 et 23 avril 2015. Ainsi en 2011, il est indiqué " il est difficile d'évaluer Sylvain sur le point des règles de travail suite à son manque de présence à l'antenne due à ses activités autres qui lui sont attribuées au sein de l'entreprise ", mention utilisée en point faible. L'entretien de 2012 ajoute que " Sylvain ne peut s'investir à 100 % dans son poste de responsable de secteur car il est de moins en moins présent...". Ces mentions sont reprises dans l'entretien de 2013. Le dernier entretien d'évaluation de 2015 note en point faible " la représentativité de Sylvain dans les instances ne lui permet pas de réaliser la mission confiée dans sa totalité malgré l'implication réalisée. ". A ces éléments s'ajoutent la mention de l'appartenance syndicale figurant à tort à son dossier, comme M. B... l'a notamment dénoncé dans un courrier du 10 février 2012, et le refus non motivé de le voir accéder au poste de responsable d'agence en 2009 et 2014, qui ne sont pas sérieusement contestés par l'office public qui se borne à faire valoir que ces mentions s'inscrivaient dans le cadre de la redéfinition de l'organisation de travail de M. B... pour permettre une conciliation entre ses missions professionnelles et ses missions syndicales. Le 2 février 2016 le médecin du travail, a constaté que M. B... présentait " un état anxieux avec insomnie proche du burn-out " et l'a orienté vers un psychiatre. Il a été placé en arrêt maladie avec prescription d'antidépresseurs. Lors de la visite médicale de reprise du travail du 24 avril 2017, son inaptitude définitive à son poste de travail a été constatée, son maintien dans l'entreprise étant gravement préjudiciable à son état de santé, sans reclassement possible au sein de l'entreprise ou du groupe. Cette inaptitude résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec la discrimination syndicale que les diverses mentions précitées suffisent à établir. Dans ces conditions, le tribunal a pu, alors qu'il ne s'est pas limité à reprendre l'argumentaire de la cour d'appel, sans erreur de droit ou de qualification juridique des faits, retenir que la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'office public " Oise Habitat " devait être regardée comme n'étant pas sans rapport avec les mandats détenus par l'intéressé. Par suite, la ministre du travail ne pouvait légalement faire droit à la demande d'autorisation de licencier M. B... par sa décision du 5 octobre 2018 retirant sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique de l'office public de l'habitat des communes de l'Oise née le 13 juin 2018, annulant la décision de l'inspectrice du travail du 11 décembre 2017.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'office public de l'habitat des communes de l'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision de la ministre du travail du 5 octobre 2018 retirant sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique de l'office public de l'habitat des communes de l'Oise née le 13 juin 2018, annulant la décision de l'inspectrice du travail du 11 décembre 2017 et autorisant le licenciement de M. B....

Sur les frais liés au litige :

9. En l'absence de dépens, les conclusions de M. B..., tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'office public de l'habitat des communes de l'Oise demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'office public de l'habitat des communes de l'Oise une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'office public de l'habitat des communes de l'Oise " Oise habitat " et les conclusions de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sont rejetées.

Article 2 : L'office public de l'habitat des communes de l'Oise " Oise habitat " versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat des communes de l'Oise " Oise habitat ", à M. A... B... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

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N°21DA01086


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01086
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : DAIME

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-17;21da01086 ?
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