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17/03/2022 | FRANCE | N°19DA02008

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 mars 2022, 19DA02008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) SAGEPA a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prescrire la restitution, majorée des intérêts moratoires, d'une somme totale de 189 846 euros acquittée par elle en paiement de la taxe sur les salaires au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015.

Par un jugement no 1701640 du 27 juin 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enre

gistrés le 27 août 2019 et le 29 avril 2020, la SAS SAGEPA, représentée par Me Le Faou, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) SAGEPA a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prescrire la restitution, majorée des intérêts moratoires, d'une somme totale de 189 846 euros acquittée par elle en paiement de la taxe sur les salaires au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015.

Par un jugement no 1701640 du 27 juin 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 août 2019 et le 29 avril 2020, la SAS SAGEPA, représentée par Me Le Faou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prescrire la restitution demandée, de la somme de 189 846 euros augmentée des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, de même que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, qui s'est mépris dans son analyse, les recettes dégagées au titre de l'activité de soins ne doivent pas être prises en compte au numérateur du coefficient d'assujettissement à la taxe sur les salaires, prévu à l'article 231 du code général des impôts, puisque l'activité de soins ouvre droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; ce rapport, ainsi calculé, étant nul pour ce qui la concerne, elle devait être exonérée de la taxe sur les salaires ; la doctrine administrative publiée le 17 juillet 2019 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-TPS-TS-20-30 conforte, en son paragraphe n°60, sa position sur ce point, en ce qu'elle retient que seules doivent figurer au numérateur les dépenses qui n'ont pas ouvert droit à déduction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de la requête afférentes à la période couvrant l'année 2012 sont, à les supposer explicitement formulées, irrecevables, dès lors que la réclamation y afférente était tardive ;

- le surplus des impositions en litige ayant été établies conformément aux déclarations souscrites par la SAS SAGEPA, celle-ci supporte, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré de ces impositions ;

- dans la mesure où les sociétés exploitant des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sont des redevables partiels de la taxe sur la valeur ajoutée, elles sont susceptibles d'être redevables de la taxe sur les salaires, en fonction de leur rapport d'assujettissement ; en outre, la SAS SAGEPA était, en l'espèce, exonérée sur moins de 90 % de son chiffre d'affaires de la taxe sur la valeur ajoutée, puisque, selon ses déclarations, cette part exonérée s'établissait à 30 % de son chiffre d'affaires au titre des périodes couvrant les années 2013, 2014 et 2015 ; par ailleurs, si les dépenses d'administration générale, de fonctionnement et d'entretien des bâtiments concourent tant à la réalisation des soins qu'à celle des prestations d'hébergement et de restauration, ainsi qu'à celles liées à la dépendance, ces dépenses ne peuvent être regardées comme des éléments constitutifs du prix des prestations de soins, alors que, seules, ces prestations sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée ; il en résulte que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses d'administration générale, de fonctionnement et d'entretien des bâtiments est intégralement déductible, l'établissement étant tenu de répercuter l'intégralité du coût de ces dépenses dans le prix de ses seules opérations taxées, alors même que ces dépenses seraient utilisées pour les opérations exonérée dès lors que cette circonstance demeure sans incidence sur le caractère taxable ou non des opérations ; enfin, contrairement à ce que soutient la SAS SAGEPA, pour la détermination du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires, les recettes liées à l'activité de prestation de soins doivent, dès lors qu'elles sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, figurer au numérateur, de sorte que cette société ne peut se prévaloir d'un rapport d'assujettissement nul ; dans ces conditions, et ainsi que l'a retenu, à juste titre, nonobstant l'erreur matérielle affectant son jugement, le tribunal administratif, la SAS SAGEPA, qui n'établit pas le caractère exagéré des impositions auxquelles elle a été soumise, n'est pas fondée à demander la restitution des sommes qu'elle a versées au titre de la taxe sur les salaires en ce qui concerne la période en litige ; enfin, l'instruction fiscale référencée BOI-TPS-TS-20-30 ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente.

Par une ordonnance du 4 mars 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 30 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Faou, représentant la SAS SAGEPA.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) SAGEPA, qui a son siège à Compiègne (Oise), exploite deux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Elle a spontanément déposé des déclarations de liquidation de taxe sur les salaires au titre des périodes couvrant les années 2013, 2014 et 2015. En outre, à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a entrepris de rectifier la taxe sur les salaires mise à la charge de la SAS SAGEPA au titre de la période couvrant l'année 2012, ce dont elle l'a informée par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 23 juillet 2013. La SAS SAGEPA a acquitté l'ensemble de ces impositions, primitives et supplémentaires, ainsi mises à sa charge, pour un montant total de 189 846 euros. Ayant ensuite estimé qu'elle pouvait prétendre à une exonération de cette taxe au titre de ces années, elle a présenté des réclamations tendant à obtenir le dégrèvement de la taxe ainsi mise à sa charge et la restitution des sommes acquittées à ce titre. Ces réclamations ayant fait l'objet d'un rejet, la SAS SAGEPA a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prescrire la restitution, majorée des intérêts moratoires, de la somme totale de 189 846 euros acquittée par elle en paiement de la taxe sur les salaires au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015. Elle relève appel du jugement du 27 juin 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur le principe de l'assujettissement à la taxe sur les salaires :

2. En vertu du 1. de l'article 231 du code général des impôts, les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I du même article. Cette taxe est à la charge des entreprises qui emploient ces salariés et qui paient ces rémunérations, lorsqu'elles ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 % au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.

3. Il résulte des dispositions, rappelées au point 2, de l'article 231 du code général des impôts, éclairées par les travaux préparatoires des textes dont elles sont issues, que sont redevables de la taxe sur les salaires les personnes ou organismes dont le total des recettes et autres produits n'a pas été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ou n'y a pas été soumis sur au moins 90 % de son montant, que ces recettes et autres produits correspondent en tout ou partie à des opérations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ou à des opérations situées hors du champ d'application de cette taxe. Il résulte, en outre, des mêmes dispositions que l'assiette de la taxe sur les salaires due par les assujettis partiels à la taxe sur la valeur ajoutée s'obtient en multipliant le montant total des rémunérations par le rapport existant entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. De la lettre même de ces dispositions, ce rapport est déterminé en faisant figurer, au numérateur, le chiffre d'affaires qui n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et qui, en conséquence, est constitué des recettes correspondant à des opérations exonérées ou situées hors du champ d'application de cette taxe, et, au dénominateur, la totalité des recettes correspondant à des opérations imposables ou exonérées ou situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.

4. La SAS SAGEPA fournit aux résidents de ses établissements, à l'instar de l'ensemble des exploitants d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), d'une part, des prestations d'hébergement et de restauration, ainsi que des prestations d'assistance à la dépendance, qui sont, par nature, assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit, en application du a. de l'article 279 du code général des impôts, d'autre part, des prestations de soins, qui sont exonérées par nature de la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 1° ter du 4. de l'article 261 de ce code. Cette société est ainsi redevable partiel de la taxe sur la valeur ajoutée, ce qui implique qu'elle est susceptible d'être également redevable de la taxe sur les salaires.

Sur la détermination du rapport d'assujettissement à cette taxe :

5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires, prévu par les dispositions de l'article 231 du code général des impôts, doit être déterminé en faisant figurer, au numérateur, le chiffre d'affaires qui n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et qui, en conséquence, est constitué des recettes correspondant à des opérations exonérées ou situées hors du champ d'application de cette taxe, et, au dénominateur, la totalité des recettes correspondant à des opérations imposables ou exonérées ou situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Pour ce qui concerne la SAS SAGEPA, ces recettes correspondant à des opérations exonérées ou situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée sont constituées de celles perçues des activités de soins, exonérées par nature de la taxe sur la valeur ajoutée. Il suit de là que cette société n'est pas fondée à soutenir que ces recettes ne devraient pas figurer au numérateur de ce rapport. A cet égard, si l'exploitant d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) est fondé à porter en déduction la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses inhérentes aux fonctions de support qu'il a exposées durant la période considérée, telles les dépenses d'administration générale, de fonctionnement et d'entretien des bâtiments, lesquelles concourent tant à la réalisation des prestations de soins qu'à celle des prestations d'hébergement et de restauration, ainsi qu'à celles des prestations d'assistance à la dépendance, cette déductibilité demeure sans incidence sur le caractère non taxable des opérations relevant de la réalisation de prestations de soins, exonérées par nature de la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, sur les modalités de détermination du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires. Dès lors, la SAS SAGEPA n'est pas fondée à se prévaloir d'un taux d'assujettissement nul. En conséquence, c'est à bon droit qu'elle a été assujettie, au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015, à la taxe sur les salaires, à hauteur d'un montant total, non contesté, de 189 846 euros. Par ailleurs, la SAS SAGEPA n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations du paragraphe n°60 de la doctrine administrative publiée le 17 juillet 2019 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-TPS-TS-20-30, lesquelles ne contiennent pas, en tout état de cause, une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont le présent arrêt fait application, dès lors que les recettes perçues des prestations de soins servies aux résidents n'ouvrent aucun droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SAS SAGEPA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la restitution des sommes acquittées par elle, augmentées des intérêts moratoires, ainsi que les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. Enfin, il doit en être de même, en tout état de cause, des conclusions qu'elle présente au titre des dépens de l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS SAGEPA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS SAGEPA et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : C. HEU

La greffière,

Signé : N. ROMERO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

1

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N°19DA02008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02008
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-05 Contributions et taxes. - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LE FAOU

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-17;19da02008 ?
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