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03/03/2022 | FRANCE | N°19DA01892

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 mars 2022, 19DA01892


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Groupe hospitalier public du Sud de l'Oise (GHPSO) a, par deux demandes successives, demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, à raison de son appartenance au Groupement d'intérêt économique (GIE) Imagerie Médicale du Sud de l'Oise (IMSO) et de lui restituer les sommes versées à ce titre, augmentées des in

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Groupe hospitalier public du Sud de l'Oise (GHPSO) a, par deux demandes successives, demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, à raison de son appartenance au Groupement d'intérêt économique (GIE) Imagerie Médicale du Sud de l'Oise (IMSO) et de lui restituer les sommes versées à ce titre, augmentées des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, d'autre part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011, 2012 et 2013, à raison de son appartenance au Groupement d'intérêt économique (GIE) Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) de Creil, et de lui restituer les sommes versées à ce titre, augmentées des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement nos 1701413, 1802194 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2019, par des mémoires enregistrés le 9 janvier 2020 et le 31 janvier 2020, et par un mémoire, enregistré le 4 février 2022 et qui n'a pas été communiqué, le Groupe hospitalier public du Sud de l'Oise (GHPSO), représenté par la SELAS Bret Bremens, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés et de prélèvements sociaux en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

- et les observations de Me Dos Santos, représentant le GHPSO.

Considérant ce qui suit :

1. Le Groupe hospitalier public du Sud de l'Oise (GHPSO), qui a été créé le 1er janvier 2012 dans le cadre de la fusion des centres hospitaliers de Creil et de Senlis, est membre du Groupement d'intérêt économique (GIE) Imagerie Médicale du Sud de l'Oise (IMSO), ainsi que du GIE Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) de Creil. Ces deux GIE ont fait chacun l'objet de deux vérifications de comptabilité. L'administration, au terme de ces vérifications de comptabilité, a estimé qu'ils exerçaient une activité à but lucratif et que leurs bénéfices devaient, en conséquence, être soumis à l'impôt sur les sociétés au nom de chacun de leurs membres, à due concurrence de leur quote-part respective. L'administration a fait connaître sa position, sur ce point, au GHPSO, par deux propositions de rectification qu'elle lui a adressées le 13 octobre 2014, en sa qualité de membre du GIE IRM de Creil, et le 20 juillet 2015, en sa qualité de membre du GIE IMSO. Le GHPSO a formulé des observations qui n'ont amené l'administration à revoir son appréciation qu'en ce qui concerne le montant des rehaussements résultant des vérifications de la comptabilité du GIE IRM de Creil. Les suppléments d'impôt sur les sociétés résultant, au titre des années 2012, 2013 et 2014, des rehaussements notifiés se rapportant à la situation du GIE IMSO ont été mis en recouvrement le 31 août 2016 pour un montant total, en droits et pénalités, de 158 341 euros tandis que ceux se rapportant à la situation du GIE IRM de Creil ont été mis en recouvrement le 18 avril 2017, pour un montant total de 212 164 euros en droits et pénalités. Ses réclamations ayant été rejetées, le GHPSO a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, à raison de son appartenance au GIE IMSO, et de lui restituer les sommes versées à ce titre, augmentées des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, d'autre part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011, 2012 et 2013, à raison de son appartenance au GIE IRM de Creil, et de lui restituer les sommes versées à ce titre, augmentées des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Le GHPSO relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées.

2. Aux termes du 1. de l'article 206 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. ". Aux termes du I. de l'article 239 quater de ce code : " Les groupements d'intérêt économique constitués et fonctionnant dans les conditions prévues aux articles L. 251-1 à L. 251-23 du code de commerce n'entrent pas dans le champ d'application du 1 de l'article 206, mais chacun de leurs membres est personnellement passible, pour la part des bénéfices correspondant à ses droits dans le groupement, soit de l'impôt sur le revenu, soit de l'impôt sur les sociétés s'il s'agit de personnes morales relevant de cet impôt. / Pour l'application de cette disposition, la répartition est effectuée dans les conditions fixées par le contrat de groupement ou, à défaut, par fractions égales. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions, que celles de l'article 239 quater du code général des impôts, applicables à l'imposition des groupements d'intérêt économique, n'ont ni pour objet ni pour effet d'exclure toute imposition des résultats de ces groupements sur le fondement du 1. de l'article 206 du même code, mais seulement de prévoir que cette imposition s'effectue entre les mains de leurs membres au titre, selon les cas, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés.

3. Pour l'application des dispositions précitées du 1. de l'article 206 du code général des impôts, les personnes morales sont exonérées de l'impôt sur les sociétés dès lors, d'une part, que leur gestion présente un caractère désintéressé et, d'autre part, qu'elles rendent des services qui ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où la personne morale intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, l'exonération de l'impôt sur les sociétés lui reste acquise si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celle des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et, à tout le moins, des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.

4. Le GIE IMSO et le GIE IRM de Creil ont été tous deux créés dans le but de mutualiser, entre leurs membres utilisateurs, tels le GHPSO, les investissements ainsi que les coûts de fonctionnement importants liés à l'acquisition ou à la location, ainsi qu'à l'installation, puis à la mise en œuvre, de matériels d'imagerie médicale utilisant les dernières technologies disponibles. Il résulte de l'instruction et, notamment, des statuts du GIE IMSO et du GIE IRM de Creil, qui sont rédigés dans des termes très proches, que les membres de ces groupements bénéficient, en cette qualité, d'un temps d'utilisation des matériels qui est déterminé en fonction de leur participation au capital des groupements, que leur participation au financement de ceux-ci est également fonction de ce même critère et qu'il en est de même de la répartition des résultats, les statuts du GIE IMSO et du GIE IRM de Creil précisant toutefois que, ces groupements ne poursuivant aucun but lucratif, ces résultats ne seront, en principe, jamais bénéficiaires. Enfin, les statuts du GIE IMSO et du GIE IRM de Creil disposent que les appels de fonds sont adressés, en fonction des besoins, aux membres de chaque groupement, des avances sur ces versements pouvant être prévues par une délibération de l'assemblée générale des membres, prise à la majorité des deux tiers.

5. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que, dans le cadre des dispositions statuaires décrites au point précédent, le GIE IMSO et le GIE IRM de Creil ne perçoivent, directement ou indirectement, aucun honoraire à raison des actes d'imagerie médicale réalisés sur les matériels qu'ils mettent à la disposition de leurs membres, constitués d'établissements publics de santé, tels le GHPSO, mais aussi de cliniques privées et de sociétés civiles de moyens établies entre praticiens libéraux. A cet égard, si, comme le relève le ministre, des praticiens exerçant à titre libéral au sein du GHSPO orientent certains de leurs patients vers le GIE IMSO ou le GIE IRM de Creil afin qu'ils bénéficient d'actes d'imagerie médicale utiles à leur prise en charge, le GHPSO soutient, sans être contredit, que l'ensemble des praticiens en cause sont également ses salariés, de sorte que la circonstance invoquée par le ministre ne permet pas de retenir que le GIE IMSO et le GIE IRM de Creil pratiqueraient des actes d'imagerie sur des patients qui ne leur seraient pas adressés par leurs membres. Par ailleurs, s'il résulte de l'instruction que le GIE IMSO et le GIE IRM de Creil perçoivent de la caisse primaire d'assurance maladie des forfaits techniques, dont l'objet est de contribuer à l'amortissement ainsi qu'aux frais de fonctionnement des matériels, il est constant que ces sommes sont reversées à leurs membres, qui assurent, en réalité, moyennant la perception de cette aide, le financement du fonctionnement et de la maintenance du matériel géré par les groupements. Enfin, il résulte également de l'instruction que les seules ressources perçues par les GIE IMSO et IRM de Creil sont constituées des fonds versés par leurs membres au fur et à mesure de leurs besoins. Ainsi, le GIE IMSO et le GIE IRM de Creil doivent être regardés, d'une part, comme ayant une gestion présentant un caractère désintéressé et, d'autre part, comme rendant des services, qui plus est exclusivement à leurs membres, et non directement aux patients de ceux-ci, dans des conditions différentes de celles qui pourraient être proposées, dans un secteur géographique proche, par des établissements ayant un fonctionnement et des méthodes de communication analogues à ceux d'entreprises commerciales. Il ne résulte d'ailleurs d'aucun élément de l'instruction que ces groupements effectueraient des actions de publicité dans le but d'inciter d'autres établissements ou praticiens libéraux à rejoindre leurs membres, ou même à utiliser leur matériel. En conséquence c'est à tort que l'administration a retenu que ces groupements ne fonctionnaient pas dans des conditions conformes à leurs statuts et qu'ils devaient être regardés, eu égard aux conditions d'exercice de leur activité, comme assimilables, au regard de la loi fiscale, à des sociétés commerciales. Par suite, l'administration, qui n'était au demeurant pas fondée à écarter la comptabilité des GIE au seul motif que les sommes perçues par eux n'étaient pas enregistrées dans des comptes de produits mais dans des comptes de tiers, a estimé à tort que les membres de ces groupements devaient être assujettis, à concurrence de leur participation, à l'impôt sur les sociétés sur le fondement des dispositions précitées du 1. de l'article 206 du code général des impôts. Le GHPSO est, dès lors, fondé à demander la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige, auxquelles il a été assujetti à raison de sa qualité de membre, d'une part, du GIE IMSO et, d'autre part, du GIE IRM de Creil.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le GHSPO est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions en litige. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par le GHPSO.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1701413, 1802194 du 4 juillet 2019 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : Le Groupe hospitalier public du Sud de l'Oise (GHPSO) est déchargé, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, à raison de son appartenance au Groupement d'intérêt économique (GIE) Imagerie Médicale du Sud de l'Oise (IMSO), et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011, 2012 et 2013, à raison de son appartenance au Groupement d'intérêt économique (GIE) Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) de Creil.

Article 3 : L'Etat versera au Groupe hospitalier public du Sud de l'Oise (GHPSO) la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Groupe hospitalier public du Sud de l'Oise (GHPSO) et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°19DA01892


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01892
Date de la décision : 03/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Personnes morales et bénéfices imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELAS BRET BREMENS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-03;19da01892 ?
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