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08/02/2022 | FRANCE | N°20DA00971

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 08 février 2022, 20DA00971


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Boisset-les-Prévanches a refusé de dresser un procès-verbal d'infraction concernant des travaux de réfection et de surélévation de la toiture d'un bâtiment situé sur la parcelle cadastrée section AB n° 103, sise 3, impasse de la Pierre.

Par un jugement n° 1801198 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

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r une requête, enregistrée le 9 juillet 2020, et un mémoire enregistré, mais non communiqué, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Boisset-les-Prévanches a refusé de dresser un procès-verbal d'infraction concernant des travaux de réfection et de surélévation de la toiture d'un bâtiment situé sur la parcelle cadastrée section AB n° 103, sise 3, impasse de la Pierre.

Par un jugement n° 1801198 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2020, et un mémoire enregistré, mais non communiqué, le 30 septembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Arnaud Labrusse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision implicite du maire de Boisset-les-Prévanches ;

3°) d'enjoindre au maire de Boisset-les-Prévanches de dresser un procès-verbal d'infraction concernant ces travaux dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat, de la commune de Boisset-les-Prévanches et de M. C... une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat, de la commune de Boisset-les-Prévanches et de M. C... une somme de 2 000 euros au titre de la procédure de première instance sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Naïla Boukheloua, première conseillère,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Arnaud Labrusse, représentant M. A..., et de Me Céline Gruau, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 avril 2017, M. C... a déposé une déclaration préalable pour la réfection et la surélévation partielle de la toiture d'un bâtiment situé sur la parcelle cadastrée section AB n° 103, située 3, impasse de la Pierre à Boisset-les-Prévanches. Par une décision du 2 juin 2017, le maire de Boisset-les-Prévanches ne s'est pas opposé à cette déclaration. Par un courrier du 25 octobre 2017, M. A..., voisin de M. C..., a demandé au maire de dresser un procès-verbal d'infraction relatif à l'exécution de ces travaux et cette demande a été implicitement rejetée. Il relève appel du jugement du 11 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Aux termes de l'article R. 421-2 de ce code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception. ". Aux termes de l'article L. 112-6 du même code : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis (...) ". L'article L. 110-1 de ce code précise que : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées à l'administration. "

4. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 25 octobre 2017, reçu en mairie de Boisset-les-Prévanches le 4 novembre 2017 et auquel était annexé un constat établi par huissier de justice le 7 septembre 2017, M. A... a demandé à la fois le retrait de la décision de non opposition à déclaration préalable dont était titulaire M. C..., mais également que soit établi un procès-verbal d'infraction portant sur des travaux entrepris par ce dernier. Cette seconde demande, qui ne portait pas directement sur une autorisation individuelle conférant des droits à un tiers, doit être regardée comme étant soumise aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration citées au point précédent. Aussi, à défaut, pour la commune de Boisset-les-Prévanches d'avoir délivré, à son sujet, l'accusé de réception prévu à l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration, le délai de recours prévu à l'article L. 421-1 du code de justice administratif n'est pas opposable à M. A....

5. Il suit de là que la demande de M. A..., enregistrée au tribunal administratif de Rouen le 5 avril 2018, n'était pas tardive. La fin de non-recevoir opposée, en première instance, par M. C... doit donc être écartée.

Sur la régularité du jugement :

6. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il ne résulte pas de l'instruction que le septième mémoire produit par M. A..., enregistré le 15 mai 2020, soit la veille de la clôture de l'instruction de première instance intervenue trois jours francs avant l'audience du 19 mai 2020 du tribunal administratif de Rouen, comportait des éléments de fait ou de droit nouveaux. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

7. En second lieu, si M. A... soutient que les premiers juges ont commis plusieurs erreurs de fait, ce moyen relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité et doit, par suite, être écarté pour ce motif.

Sur le bien-fondé du jugement :

8. Aux termes du 3ème alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal. ". Aux termes de l'article L. 480-4 du même code : " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d'une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d'une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l'article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de dresser un procès-verbal en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme lorsqu'il a connaissance d'une infraction mentionnée à l'article L. 480-4, résultant soit de l'exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du code, soit de la méconnaissance des autorisations délivrées.

10. Il ressort des pièces produites dans le dossier de déclaration préalable que " la structure porteuse sera constituée d'un mur en brique d'époques (début XXè) en prolongation du mur existant ; ainsi que de bastaings et de chevrons ". Il résulte toutefois du constat d'huissier joint au courrier de M. A... du 25 octobre 2017, mais également du procès-verbal établi le 22 décembre 2021 par un officier de police judiciaire, qu'une surélévation a été réalisée en parpaing. Le maire de Boisset-les-Prévanches avait donc connaissance, à la date à laquelle il a pris la décision attaquée, que cette construction en parpaing n'était pas autorisée par la décision de non opposition à déclaration préalable obtenue par M. C....

11. Il suit de là que le maire était tenu de procéder à l'établissement d'un procès-verbal d'infraction à l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, et que M. A... est fondé à soutenir que le refus de dresser un tel procès-verbal est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 480-1 de ce code.

12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de la décision attaquée.

13. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision implicite de rejet du maire de Boisset-les-Prévanches et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

15. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que, sous réserve que le manquement constaté au point 10 n'ait pas été régularisé par une autorisation d'urbanisme délivrée ultérieurement, il soit enjoint au maire de la commune de Boisset-les-Prévanches, agissant au nom de l'Etat, de dresser procès-verbal sur le fondement de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, en ce qui concerne la réalisation de la structure porteuse de la surélévation partielle du toit du bâtiment litigieux en parpaing.

16. Il y a donc lieu, pour la cour, d'ordonner cette mesure dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, de la commune de Boisset-les-Prévanches et de M. C... la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par M. C... soient mises à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision implicite par laquelle le maire de Boisset-les-Prévanches a refusé de dresser un procès-verbal d'infraction concernant des travaux de réfection et de surélévation de la toiture d'un bâtiment effectués par M. C... et le jugement du 11 juin 2020 du tribunal administratif de Rouen sont annulés.

Article 2 : Sous réserve que le manquement constaté au point 10 n'ait pas été régularisé par une autorisation d'urbanisme délivrée postérieurement au refus de dresser procès-verbal, il est enjoint au maire de Boisset-les-Prévanches de dresser un procès-verbal d'infraction en ce qui concerne la réalisation de la structure porteuse de la surélévation partielle du toit du bâtiment litigieux en parpaing dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. C... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Olivier C..., à la commune de Boisset-les-Prévanches et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.

N°20DA00971

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00971
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-05 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Contrôle des travaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme Baes Honoré
Rapporteur ?: Mme Naila Boukheloua
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : LABRUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-02-08;20da00971 ?
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