Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 2 mars 2018 par laquelle le conseil municipal d'Hénin-Beaumont a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, d'enjoindre à la commune d'Hénin-Beaumont de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle ou, à défaut, de réexaminer sa demande, et de mettre à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1807352 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 28 octobre 2021, M. B..., représenté Me Erwan Le Briquir, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la délibération du 2 mars 2018 par laquelle le conseil municipal d'Hénin-Beaumont a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ;
3°) d'enjoindre à la commune d'Hénin-Beaumont de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle ou, à défaut, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me Gourdon pour M. B... et de Me Sellier pour la commune d'Hénin-Beaumont.
Considérant ce qui suit :
1. Par une lettre du 26 janvier 2018, M. A... B..., maire de la commune d'Hénin-Beaumont du 25 mai 2010 au 29 mars 2014, a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle auprès de cette commune compte tenu des poursuites pénales dont il a fait l'objet pour délit de favoritisme à l'occasion de la passation de certains marchés publics. Sa demande a été rejetée par une délibération du conseil municipal en date du 2 mars 2018. M. B... relève appel du jugement du 29 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.
2. Aux termes de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ne peut être condamné sur le fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de ses fonctions que s'il est établi qu'il n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie. / La commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions. (...) ".
3. En premier lieu, la délibération attaquée énonce avec suffisamment de précisions les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En particulier, elle mentionne la procédure pénale relative à des faits présumés d'octroi d'avantages injustifiés dans l'attribution de marchés publics par M. B... et l'existence d'une faute détachable de l'exercice des fonctions faisant obstacle au bénéfice de la protection fonctionnelle. La délibération en litige est, dès lors, suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En deuxième lieu, la procédure prévue à l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales étant indépendante de l'issue de la procédure pénale, l'autorité administrative ne méconnaît pas le principe de la présomption d'innocence, contrairement à ce que soutient M. B..., en prononçant un refus d'octroi de la protection fonctionnelle sur le fondement de ces dispositions sans attendre que les juridictions répressives aient définitivement statué. Par ailleurs, l'autorité administrative se prononce au vu des éléments dont elle dispose à la date de sa décision en se fondant, le cas échéant, sur ceux recueillis dans le cadre de la procédure pénale, de sorte que la commune d'Hénin-Beaumont a pu notamment se fonder sur la qualification retenue par le procureur de la République pour la citation à comparaître de M. B... en qualité de prévenu devant le tribunal correctionnel de Béthune. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. En troisième lieu, pour l'application de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales relatif à la protection fonctionnelle que la commune est tenue d'accorder au maire lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions, présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. En revanche ni la qualification retenue par le juge pénal ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l'intéressé ne suffisent par eux-mêmes à faire regarder une faute comme étant détachable des fonctions, et justifiant dès lors que le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle soit refusé au maire qui en fait la demande.
6. L'autorité de la chose jugée au pénal s'impose à l'administration comme au juge administratif en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des constatations de fait auxquelles s'est livrée la cour d'appel de Douai à l'appui de son arrêt devenu définitif du 12 novembre 2019, condamnant M. B... à cinq mois de prison avec sursis pour le délit de favoritisme concernant l'attribution de trois marchés publics, que, s'agissant du marché de fourniture de matériel de sonorisation, l'appelant a signé l'acte d'engagement le 26 novembre 2012, d'une part, " sans se soucier de savoir si les règles avaient été respectées ", alors que la procédure a été entachée d'une rupture d'égalité de traitement entre candidats notamment à la suite de l'analyse subjective réalisée par le responsable du service des marchés publics de la commune, dont le fils était le gérant de l'entreprise attributaire, caractérisant ainsi une méconnaissance du principe d'impartialité auquel est pourtant soumis le pouvoir adjudicateur, et, d'autre part, alors que M. B... savait que " le montant de l'offre excédait le montant maximum fixé dans la consultation ". Par ailleurs, s'agissant des deux marchés portant sur l'étude d'opportunité pour la construction d'un crématorium et sur l'étude de pré-programmation dans le cadre de la réhabilitation de la piscine d'Hénin-Beaumont, il ressort des pièces du dossier que M. B... a signé les actes d'engagement le 26 décembre 2012 au bénéfice d'une société sans qu'aucune procédure n'ait été préalablement diligentée, en méconnaissance des principes généraux de la commande publique, notamment celui de transparence dans la passation des marchés publics, et nonobstant la circonstance que le montant de ces marchés était juste en deçà du seuil de 15 000 euros hors taxes alors en vigueur nécessitant la mise en œuvre d'une procédure adaptée. Enfin, s'agissant du marché de vérifications périodiques règlementaires de sécurité des bâtiments communaux de la commune d'Hénin-Beaumont, pour lequel M. B... a bénéficié d'une relaxe, il ressort des pièces du dossier que ce marché, dont l'acte d'engagement a été signé le 19 novembre 2012 par l'appelant, n'a pas fait l'objet d'une analyse lot par lot en méconnaissance du principe d'allotissement.
7. Il ressort des termes de l'arrêt de la cour d'appel de Douai que M. B... n'a tiré aucun bénéfice personnel de ces divers manquements. L'appelant indique également avoir instauré en 2010 un guide des marchés publics qui a été actualisé en 2012 et il mentionne avoir fait confiance aux agents du service chargés de la passation des marchés publics au sein de la commune. Toutefois, eu égard aux fonctions qu'exerçait l'appelant, à la réitération des manquements aux règles de la commande publique, dans un contexte qu'il ne pouvait ignorer où un précédent maire de la commune avait fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits de favoritisme concernant l'attribution de marchés publics, et qui donc aurait dû inciter à une rigueur accrue, les faits qui lui sont reprochés doivent être regardés, comme revêtant, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, une particulière gravité. Par ailleurs, l'appréciation retenue par la cour d'appel de Douai sur le caractère personnel de la faute commise par M. B... dans le cadre d'un litige l'opposant à la partie civile et portant sur une cause distincte ne s'impose pas au juge administratif statuant dans le cadre des dispositions de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales. Dans ces conditions, en refusant d'accorder à M. B... la protection fonctionnelle au motif que les faits reprochés présentaient le caractère d'une faute personnelle détachable de ses fonctions de maire, la délibération contestée n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 2 mars 2018 par laquelle le conseil municipal d'Hénin-Beaumont a rejeté sa demande de protection fonctionnelle. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de ces mêmes dispositions par la commune d'Hénin-Beaumont.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Hénin-Beaumont au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Hénin-Beaumont.
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N° 21DA00717
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