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20/01/2022 | FRANCE | N°20DA02028

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 20 janvier 2022, 20DA02028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 20 avril 2018 du département du Nord rejetant son recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 29 novembre 2017 par laquelle le bénéfice de la protection fonctionnelle lui a été refusé, de lui accorder la protection fonctionnelle et de mettre à la charge du département la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1805501 du 27 octobre

2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes et les conclusions ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 20 avril 2018 du département du Nord rejetant son recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 29 novembre 2017 par laquelle le bénéfice de la protection fonctionnelle lui a été refusé, de lui accorder la protection fonctionnelle et de mettre à la charge du département la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1805501 du 27 octobre 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes et les conclusions du département du Nord présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2020, Mme E... A..., représentée par Me Ruef, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 20 avril 2018 du département du Nord rejetant son recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 29 novembre 2017 par laquelle le bénéfice de la protection fonctionnelle lui a été refusé ;

3°) de lui accorder la protection fonctionnelle ;

4°) de mettre à la charge du département du Nord la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif ne pouvait se fonder sur d'autres motifs que ceux invoqués par l'administration pour refuser la protection fonctionnelle ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit car elle ne pouvait être exclue du bénéfice de la protection fonctionnelle au seul motif qu'elle se trouvait, au cours d'une réunion du comité technique, dans l'exercice d'un mandat syndical ;

- la collectivité publique devait lui accorder sa protection car elle a fait l'objet de poursuites pénales à raison de propos qu'elle a tenus en comité technique qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions ;

- elle a été au demeurant relaxée pour les faits reprochés de diffamation ;

- la décision attaquée révèle une discrimination syndicale.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2021, le département du Nord, représenté par Me Fillieux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et que le motif tiré de l'impossibilité d'accorder la protection fonctionnelle pour des faits relevant de l'exercice de l'activité syndicale peut être substitué à celui opposé dans la décision contestée dès lors que ce motif est de nature à fonder la décision prise par le département du Nord.

Par ordonnance du 23 septembre 2021, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 15 novembre 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Fillieux, représentant le département du Nord.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est assistante socio-éducative au sein des services du département du Nord. Elle a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle le 28 septembre 2017 à la suite de poursuites pénales dont elle a fait l'objet, pour diffamation envers un particulier. Un refus a été opposé à sa demande le 29 novembre 2017, confirmé sur recours gracieux par décision du 20 avril 2018. Par un jugement du 27 octobre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

3. Le jugement du 27 octobre 2020 confirme le refus de protection fonctionnelle au motif que les propos litigieux ont été tenus dans le cadre d'une prise de position syndicale. Mme A... relève que le tribunal administratif ne pouvait, sans méconnaître son office, se fonder sur un autre motif que celui invoqué par l'administration pour refuser la protection fonctionnelle, exclusivement tiré de l'existence d'une faute détachable du service. Alors que l'administration ne pouvait être regardée comme ayant fait valoir devant le juge un autre motif que celui ayant initialement fondé la décision en litige, Mme A... est fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier pour avoir soulevé d'office une telle substitution de motif. Ce jugement doit être annulé pour ce motif. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur les conclusions d'annulation :

4. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date du refus attaqué : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) III. Lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection. Le fonctionnaire entendu en qualité de témoin assisté pour de tels faits bénéficie de cette protection. La collectivité publique est également tenue de protéger le fonctionnaire qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale. (...) ".

5. En premier lieu, Mme A... soutient que les décisions du 29 novembre 2017 et du 20 avril 2018 ont été signées par M. D... B... qui ne justifie pas d'une délégation à cet effet. Toutefois, par arrêté du président du conseil départemental du Nord du 15 juillet 2016, affiché le 18 juillet 2016, M. D... B... a reçu délégation de signature notamment en matière de protection fonctionnelle. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des actes doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a lu le 30 juin 2016 une déclaration au nom de son organisation syndicale, sur un sujet qui n'était pas en rapport direct avec l'objet de la séance. Elle a cité certains propos qui auraient été tenus par le directeur de cabinet adjoint du président du conseil départemental, en les critiquant violemment. Ce dernier a entamé des poursuites pénales en arguant du caractère diffamatoire de cette déclaration, de sa publicité et d'un tract en reprenant la teneur, diffusé par mail aux agents du département. Par un jugement du 2 juillet 2019, le tribunal correctionnel de Lille a estimé que ces propos n'étaient ni diffamatoires, ni publics et a relaxé Mme A....

7. Toutefois, Mme A... bénéficie depuis le 1er février 2015 d'une décharge à temps plein de service pour l'exercice de ses missions. Son intervention du 30 juin 2016 constituait une prise de position syndicale, effectuée au nom et pour le compte de son syndicat, sans relation avec la compétence de la commission technique. Ces faits sont donc exclusivement en lien avec l'exercice des fonctions syndicales de l'intéressée et, contrairement à ce qu'elle allègue, ne présentent pas de lien avec le service. Si le département du Nord ne pouvait donc pas opposer que l'intéressée avait commis durant son service une faute personnelle détachable de celui-ci, en revanche, il y a lieu, dès lors que cela ne prive pas Mme A... d'une quelconque garantie, de substituer, comme le demande le département en appel, le motif légal tiré de ce qu'elle n'était pas en service. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que l'administration a méconnu les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 qui ne sont applicables à un agent public qu'à raison de faits liés à l'exercice de ses fonctions et non à un agent dans l'exercice de son mandat syndical. Par suite, les moyens tirés d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation doivent être écartés.

8. En troisième lieu, Mme A... soutient que la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 dès lors qu'elle constitue une discrimination à son encontre en raison de son appartenance syndicale. Toutefois, aucun élément probant ne permet d'établir une quelconque discrimination syndicale envers Mme A.... Par suite, le moyen sera écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 29 novembre 2017 par laquelle le bénéfice de la protection fonctionnelle a été refusé à Mme A... et celles dirigées contre la décision du 20 avril 2018 rejetant son recours gracieux, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par Mme A... à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme A... doivent dès lors être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme au titre des frais exposés par le département du Nord et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille n° 1805501 du 27 octobre 2020 est annulé.

Article 2 : Les demandes de première instance et le surplus des conclusions d'appel de Mme A... sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du département du Nord tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au département du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 6 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 janvier 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : M. F...La présidente de chambre,

Signé : G. BOROT

La greffière,

Signé : A-S. VILLETTE

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

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N° 20DA02028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA02028
Date de la décision : 20/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires. - Fin du contrat. - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : RUEF

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-01-20;20da02028 ?
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