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11/01/2022 | FRANCE | N°20DA01368

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 11 janvier 2022, 20DA01368


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SFR Fibre, venant aux droits de la société Numéricâble, a demandé au tribunal administratif de Lille par une requête enregistrée sous le n° 1700263, à titre principal, d'annuler dans son ensemble le titre exécutoire n° 07107 émis le 8 novembre 2016 par la commune de Villeneuve-d'Ascq d'un montant de 50 579,44 euros portant redevance pour une occupation du domaine public au titre de l'année 2015 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme et, à titre subsidiaire, d'annuler le

titre attaqué en tant que son montant excède celui calculé sur la base de l'emp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SFR Fibre, venant aux droits de la société Numéricâble, a demandé au tribunal administratif de Lille par une requête enregistrée sous le n° 1700263, à titre principal, d'annuler dans son ensemble le titre exécutoire n° 07107 émis le 8 novembre 2016 par la commune de Villeneuve-d'Ascq d'un montant de 50 579,44 euros portant redevance pour une occupation du domaine public au titre de l'année 2015 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme et, à titre subsidiaire, d'annuler le titre attaqué en tant que son montant excède celui calculé sur la base de l'emprise des installations au sol et de la décharger d'avoir à régler la somme correspondant aux surfaces retenues à tort en tant qu'elle excède cette base.

La société SFR Fibre, venant aux droits de la société Numéricâble, a demandé au tribunal administratif de Lille par une requête enregistrée sous le n° 1700298, à titre principal, d'annuler dans son ensemble le titre exécutoire n° 07108 émis le 8 novembre 2016 par la commune de Villeneuve-d'Ascq d'un montant de 48 769,68 euros portant redevance pour une occupation du domaine public au titre de l'année 2016 sur une surface de 762 m² et de la décharger de l'obligation de payer cette somme et, à titre subsidiaire, d'annuler le titre attaqué en tant que son montant excède celui calculé sur la base de l'emprise des installations au sol et de la décharger d'avoir à régler la somme correspondant aux surfaces retenues à tort en tant qu'elle excède cette base.

La société SFR Fibre, venant aux droits de la société Numéricâble, a demandé au tribunal administratif de Lille par une requête enregistrée sous le n° 1801097, à titre principal, d'annuler dans son ensemble le titre exécutoire n° 06829 émis le 23 novembre 2017 par la commune de Villeneuve-d'Ascq d'un montant de 47 826,16 euros portant redevance pour une occupation du domaine public au titre de l'année 2017 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme et, à titre subsidiaire, d'annuler le titre attaqué en tant que son montant excède celui calculé sur la base de l'emprise des installations au sol et de la décharger d'avoir à régler la somme correspondant aux surfaces retenues à tort en tant qu'elle excède cette base.

La société SFR Fibre, venant aux droits de la société Numéricâble, a demandé au tribunal administratif de Lille par une requête enregistrée sous le n° 1906794, à titre principal, d'annuler dans son ensemble le titre exécutoire n° 07614 émis le 26 novembre 2018 par la commune de Villeneuve-d'Ascq d'un montant de 49 372,88 euros portant redevance pour une occupation du domaine public au titre de l'année 2018 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme et, à titre subsidiaire, d'annuler le titre attaqué en tant que son montant excède celui calculé sur la base de l'emprise des installations au sol et de la décharger d'avoir à régler la somme correspondant aux surfaces retenues à tort en tant qu'elle excède cette base et d'annuler les deux actes de saisie à tiers détenteur émis à l'encontre de l'établissement bancaire HSBC.

Par un jugement n°s 1700263, 1700298, 1801097 et 1906794 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille, qui a joint ces requêtes, a rejeté l'ensemble de ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 septembre 2020 et un mémoire enregistré le 27 septembre 2021, la société SFR Fibre, représentée par Me Ludovic Feldman, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les titres exécutoires n° 07107 et n° 07108 émis le 8 novembre 2016, le titre exécutoire n° 06829 émis le 23 novembre 2017 et le titre exécutoire n° 07614 émis le 26 novembre 2018 à son encontre par la commune de Villeneuve-d'Ascq, d'un montant respectif de 50 579,44 euros, 48 769,68 euros, 47 826,16 euros et 49 372,88 euros, pour occupation du domaine public au titre des années 2015 à 2018, ou de réduire ces montants ;

3°) de prononcer la décharge des sommes correspondantes ;

4°) d'annuler les deux saisies administratives à tiers détenteur émises les 21 janvier et 26 juin 2019 pour le recouvrement des titres exécutoires n° 06829 et n° 07614 mentionnés ci-dessus ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Villeneuve d'Ascq une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Charlotte Hermary représentant la commune de Villeneuve d'Ascq.

Considérant ce qui suit :

1. La société SFR Fibre, venant aux droits de la société Numéricâble, a occupé de 2015 à 2018, pour l'exploitation de réseaux de communications électroniques, vingt emplacements situés dans le domaine public de la commune de Villeneuve-d'Ascq. Par les titres exécutoires n° 07107 et n° 07108 émis le 8 novembre 2016, le titre exécutoire n° 06829 émis le 23 novembre 2017 et le titre exécutoire n° 07614 émis le 26 novembre 2018, la commune de Villeneuve-d'Ascq a demandé à la société SFR Fibre de lui verser, en contrepartie de l'occupation de son domaine public de 2015 à 2018, des sommes d'un montant respectif de 50 579,44 euros, 48 769,68 euros, 47 826,16 euros et 49 372,88 euros.

2. Par deux actes de saisie à tiers détenteurs émis les 21 janvier et 26 juin 2019, la trésorerie de Villeneuve-d'Ascq a demandé à l'établissement bancaire HSBC le versement d'une somme totale de 78 175,20 euros pour le recouvrement des titres exécutoires n° 06829 et n° 07614 mentionnés ci-dessus. Par une main levée partielle du 30 juillet 2019, ce montant a été réduit à 49 372, 88 euros.

3. La société SFR Fibre a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de ces titres exécutoires et de ces actes de saisies à tiers détenteur ou, à défaut, la réduction de leur montant, ainsi que la décharge des sommes correspondantes. Le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes par un jugement du 2 juillet 2020, dont la société SFR Fibre relève appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif a omis de se prononcer, d'une part, sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des titres exécutoires n° 06829 et n° 07614 émis les 23 novembre 2017 et 26 novembre 2018 et, d'autre part, sur le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la délibération du 28 décembre 2012 par laquelle le conseil municipal de Villeneuve-d'Ascq a fixé les règles de calcul des redevances domaniales dues par les exploitants de réseaux de communications électroniques. En s'abstenant d'examiner ces moyens, qui n'étaient pas inopérants, le tribunal administratif de Lille a entaché son jugement d'une première irrégularité.

5. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / Toutefois, l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre. / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. La revendication par une tierce personne d'objets saisis s'effectue selon les modalités prévues à l'article L. 283 du même livre. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / (...) / c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.

8. En l'espèce, la société SFR Fibre a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à l'annulation des actes de saisie à tiers détenteur émis les 21 janvier et 26 juin 2019 à l'égard de l'établissement bancaire HSBC pour le recouvrement des titres exécutoires n° 06829 et n° 07614 mentionnés ci-dessus. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître d'une telle demande qui ressortit au contentieux du recouvrement. En rejetant comme infondées de telles demandes, le tribunal administratif de Lille s'est à tort reconnu compétent pour en connaître et a ainsi entaché le jugement attaqué d'une seconde irrégularité.

9. Il résulte de ce qui précède que le jugement du 2 juillet 2020 doit être annulé. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par la société SFR Fibre.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des avis de saisie à tiers détenteur :

10. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des conclusions tendant à l'annulation des avis à tiers détenteur attaqués, lesquels peuvent être en revanche contestés devant le juge civil de l'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter ces conclusions comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les conclusions tendant à écarter des débats les mémoires en défense produits par la commune :

11. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) / 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ".

12. En l'espèce, par deux délibérations du 17 novembre 2015 et du 5 juillet 2020, le conseil municipal de Villeneuve-d'Ascq a autorisé son maire à intenter au nom de la commune les actions en justice ou à défendre la commune dans les actions intentées contre elle. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société SFR Fibre tendant à que soient écartés des débats les mémoires en défense produits par le maire de Villeneuve-d'Ascq au nom de cette commune.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des quatre titres exécutoires attaqués :

13. En premier lieu, les titres exécutoires litigieux ont été édictés par M. B... A..., adjoint au maire de Villeneuve-d'Ascq chargé des finances, bénéficiant de deux délégations de fonctions successives en date du 20 octobre 2014 et du 14 décembre 2016, régulièrement affichées en mairie respectivement le 30 octobre 2014 et le 15 décembre 2016, et qui déterminent avec une précision suffisante, en donnant à l'intéressé compétence dans le domaine des " finances ", le périmètre de ces délégations. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées doit être écarté.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " 4° (...) En application de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le bordereau est signé non par l'ordonnateur lui-même, mais par une personne ayant reçu de lui une délégation de compétence ou de signature, ce sont, dès lors, les noms, prénoms et qualité de cette personne qui doivent être mentionnés sur le titre de recette individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif, de même que sur l'ampliation adressée au redevable. En cas de contestation, il appartient à l'autorité administrative de justifier que le bordereau de titre de recettes comporte cette signature.

15. Il résulte de l'instruction que les quatre titres exécutoires litigieux qui ont été adressés à la société SFR Fibre mentionnent le prénom, le nom et la qualité de M. A.... En outre, la commune de Villeneuve-d'Ascq justifie en défense que les quatre bordereaux accompagnant ces titres ont été signés par M. A..., pour trois d'entre eux de manière manuscrite et pour le quatrième, comme le permet l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales, par voie électronique. Si la société SFR Fibre conteste la validité du protocole technique utilisé pour procéder à cette signature électronique, elle n'apporte aucun élément précis et circonstancié à l'appui de ses allégations, notamment au regard des dispositions de l'arrêté du 27 juin 2007 portant application de l'article D. 1617-23 du code général des collectivités territoriales relatif à la dématérialisation des opérations en comptabilité publique. Par suite, les moyens tirés d'un vice de forme doivent être écartés.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 45-9 du code des postes et des télécommunications électroniques : " (...) Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public non routier peuvent autoriser les exploitants de réseaux ouverts au public à occuper ce domaine, dans les conditions indiquées ci-après. / L'occupation du domaine public routier ou non routier peut donner lieu au versement de redevances aux conditions prévues aux articles L. 46 et L. 47 (...) ". Aux termes de l'article L. 46 du même code : " Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public non routier, lorsqu'elles donnent accès à des exploitants de réseaux de communications électroniques, doivent le faire sous la forme de convention, dans des conditions transparentes et non discriminatoires et dans toute la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation ou avec les capacités disponibles. La convention donnant accès au domaine public non routier ne peut contenir de dispositions relatives aux conditions commerciales de l'exploitation. Elle peut donner lieu à versement de redevances dues à l'autorité concessionnaire ou gestionnaire du domaine public concerné dans le respect du principe d'égalité entre les opérateurs. Ces redevances sont raisonnables et proportionnées à l'usage du domaine. / Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public non routier se prononcent dans un délai de deux mois suivant la demande faite par l'exploitant. / Un décret en Conseil d'Etat détermine le montant maximum des redevances assorties à l'occupation du domaine public non routier ".

17. Aux termes de l'article R. 20-51 du code des postes et des télécommunications électroniques : " Le montant des redevances tient compte de la durée de l'occupation, de la valeur locative de l'emplacement occupé et des avantages matériels, économiques, juridiques et opérationnels qu'en tire le permissionnaire (...) ". Aux termes de l'article R. 20-52 du même code : " Le montant annuel des redevances, déterminé, dans chaque cas, conformément à l'article R. 20-51, en fonction de la durée de l'occupation, des avantages qu'en tire le permissionnaire et de la valeur locative de l'emplacement occupé, ne peut excéder : / (...) / II. Sur le domaine public non routier, à l'exclusion du domaine public maritime : / (...) / c) Sur les autres dépendances du domaine public non routier : / (...) / 3° S'agissant des installations autres que les stations radioélectriques : 650 euros par mètre carré au sol. L'emprise des supports des artères mentionnées aux 1° et 2° ne donne toutefois pas lieu à redevance ". Le même article précise : " On entend par artère : / a) Dans le cas d'une utilisation du sol ou du sous-sol, un fourreau contenant ou non des câbles, ou un câble en pleine terre ; / b) Dans les autres cas, l'ensemble des câbles tirés entre deux supports ".

18. Il résulte de ces dispositions que le montant de la redevance due par un exploitant de réseaux de communications électroniques en contrepartie de l'occupation du domaine public non routier est calculé en fonction des surfaces occupées par ses installations autres que les stations radioélectriques, en tenant compte de la durée de cette occupation, des avantages qu'en tire l'occupant et de la valeur locative des emplacements, dans la limite d'un plafond de 650 euros par mètre carré, déduction faite de l'emprise des supports des artères.

19. En l'espèce, pour émettre les titres exécutoires litigieux, la commune de Villeneuve-d'Ascq s'est fondée sur une délibération du 28 décembre 2012 de son conseil municipal prise pour l'application des dispositions précitées du code des postes et des communications électroniques. Aux termes de cette délibération, le montant de la redevance due en contrepartie de l'occupation du domaine public non routier par les installations d'un exploitant de réseaux de communications électroniques est fixé à " 65 euros par an et par mètre carré pour les locaux dont l'exploitant aura l'usage total " et à " 250 euros par an et par mètre carré pour les locaux dont l'usage sera partagé par la ville et l'exploitant ". Par ces dispositions, la commune de Villeneuve-d'Ascq doit être regardée comme ayant fixé le montant de la redevance domaniale en fonction, d'une part, de la surface effectivement occupée par les installations de l'exploitant et, d'autre part, des conditions d'occupation des locaux où ces installations sont implantées. En définissant ainsi les règles de calcul et les montants des redevances exigibles, la commune de Villeneuve-d'Ascq n'a pas méconnu les exigences mentionnées ci-dessus du 3° du c) du II de l'article R. 20-52 du code des postes et des communications électroniques.

20. Or, en méconnaissance des dispositions de cette délibération et de celles précitées du code des postes et des communications électroniques, les redevances dont le paiement a été réclamé par les titres exécutoires litigieux ont été calculées, pour dix-neuf des vingt emplacements occupés dans le domaine public communal par la société SFR Fibre, en fonction de la surface totale des locaux où sont implantées ses installations, et non en fonction des seules surfaces occupées par ces dernières. Pour justifier le montant des sommes réclamées, la commune fait valoir que ces emplacements sont situés dans des locaux auxquels la société SFR Fibre a seule accès. Toutefois, s'il pouvait être tenu compte de l'avantage ainsi procuré à l'occupant du domaine public pour déterminer le prix au mètre carré de la redevance, son montant ne pouvait être fixé qu'en fonction des seules surfaces occupées par les installations de l'exploitant, ce qui n'a pas été fait en l'espèce.

21. Enfin, si la commune peut exiger le paiement d'une redevance en contrepartie de l'occupation temporaire de son domaine public sur le fondement des articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, les titres exécutoires litigieux n'ont pas été pris sur le fondement de ces articles, qui d'ailleurs n'encadrent pas le pouvoir d'appréciation du propriétaire du domaine public par des plafonds de redevance domaniale, et il ne résulte pas de l'instruction que la société SFR Fibre, qui occupe de manière pérenne le domaine public de la commune de Villeneuve d'Ascq, ait utilisé les emplacements litigieux dans un autre cadre que celui prévu par les dispositions précitées du code des postes et des communications électroniques.

22. Il résulte de ce qui précède que la société SFR Fibre est fondée à soutenir que les titres exécutoires attaqués méconnaissent les dispositions précitées de la délibération du 28 décembre 2012 et celles du code des postes et des communications électroniques, en tant qu'ils fixent, sur leur fondement, le montant des redevances litigieuses en tenant compte de surfaces qui ne sont pas occupées par ses installations. Par suite, les titres exécutoires litigieux doivent être annulés dans cette mesure.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

23. D'une part, il est constant qu'au sein de l'emplacement qui est occupé conjointement par la commune de Villeneuve-d'Ascq et par la société SFR Fibre, les installations de cette dernière occupent une surface de quatre mètres carrés. En application de la délibération du 28 décembre 2012 mentionnée ci-dessus, le montant du droit d'occupation au sein d'un tel local est fixé à 250 euros par mètre carré et par an, ce montant étant révisé au 1er janvier de chaque année en application de la moyenne des quatre dernières valeurs trimestrielles de l'index général relatif aux travaux publics. Il résulte de l'instruction et notamment des indications non contredites contenues dans les titres exécutoires litigieux que le montant actualisé de ce droit d'occupation s'élevait à 251,66 euros, 242,55 euros, 237,66 euros et 245,54 euros pour les redevances dues respectivement au titre des années 2015, 2016, 2017 et 2018.

24. D'autre part, il résulte de l'instruction et notamment des constats d'huissiers produits par la requérante, qui ne sont pas sérieusement contestés, que les installations de la société SFR Fibre occupent, dans les dix-neuf locaux auxquels elle a seule accès, une surface de deux mètres carrés au sol. Si certaines de ces installations sont fixées au mur, la commune n'établit ni même n'allègue que ces installations rendraient indisponibles une surface supérieure à celle de deux mètres carrés déjà prise en compte. Par ailleurs, comme le prévoit la délibération du 28 décembre 2012 mentionnée ci-dessus, le montant du droit d'occupation au sein de tels locaux est fixé à 65 euros par mètre carré et par an, ce montant étant révisé au 1er janvier de chaque année en tenant compte de la moyenne des quatre dernières valeurs trimestrielles de l'index général relatif aux travaux publics. Il résulte de l'instruction et notamment des indications non contredites contenues dans les titres exécutoires litigieux que le montant actualisé de ce droit d'occupation s'élevait à 65,40 euros, 63,06 euros, 61,84 euros et 63,84 euros pour les redevances dues respectivement au titre des années 2015, 2016, 2017 et 2018.

25. Il résulte de ce qui précède que le montant des redevances dues par la société SFR Fibre en contrepartie de l'occupation, par l'ensemble de ses installations, du domaine public non routier de la commune de Villeneuve-d'Ascq s'élève à 3 491,84 euros, 3 366,48 euros, 3 301,36 euros et 3 407,72 euros respectivement au titre des années 2015, 2016, 2017 et 2018. Par suite, il y a lieu de décharger la société SFR Fibre du paiement des sommes qui, pour chaque année, excèdent ces montants.

Sur les frais liés à l'instance :

26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-d'Ascq, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par la société SFR Fibre et non compris dans les dépens.

27. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société SFR Fibre, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune de Villeneuve-d'Ascq demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 2 juillet 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les conclusions tendant à l'annulation des avis de saisie à tiers détenteur émis les 21 janvier et 26 juin 2019 à l'égard de l'établissement bancaire HSBC pour le recouvrement des titres exécutoires n°06829 et n°07614 sont rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Les titres exécutoires n°07107 et n°07108 du 8 novembre 2016, le titre exécutoire n°06829 du 23 novembre 2017 et le titre exécutoire n°07614 du 26 novembre 2018 sont annulés en tant qu'ils fixent le montant des redevances dues par la société SFR Fibre en tenant compte de surfaces qui ne sont pas occupées par ses installations.

Article 4 : La société SFR Fibre est déchargée du paiement des sommes qui excèdent les montants mentionnés au point 25 du présent arrêt.

Article 5 : La commune de Villeneuve d'Ascq versera à la société SFR Fibre une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société SFR Fibre et à la commune de Villeneuve d'Ascq.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Nord.

N°20DA01368

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01368
Date de la décision : 11/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-04 Domaine. - Domaine public. - Régime. - Occupation. - Utilisations privatives du domaine. - Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : FELDMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-01-11;20da01368 ?
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