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06/01/2022 | FRANCE | N°20DA01803

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 06 janvier 2022, 20DA01803


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen par deux requêtes distinctes, d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire préalable adressée le 10 avril 2018 à la directrice générale du centre hospitalier du Neubourg, de condamner le centre hospitalier du Neubourg à lui verser une somme de 62 747,31 euros, augmentée des intérêts et de la capitalisation de droit en indemnisation de ses préjudices résultant des fautes commises par cet établissement et de mettre à la

charge du centre hospitalier du Neubourg le versement d'une somme de 3 500 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen par deux requêtes distinctes, d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire préalable adressée le 10 avril 2018 à la directrice générale du centre hospitalier du Neubourg, de condamner le centre hospitalier du Neubourg à lui verser une somme de 62 747,31 euros, augmentée des intérêts et de la capitalisation de droit en indemnisation de ses préjudices résultant des fautes commises par cet établissement et de mettre à la charge du centre hospitalier du Neubourg le versement d'une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle a aussi demandé au tribunal d'annuler la décision du 2 août 2018 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier du Neubourg a prononcé son licenciement, d'enjoindre au centre hospitalier du Neubourg de la réintégrer dans des fonctions équivalentes à celles qu'elle occupait avant son licenciement et ce, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard et de mettre à la charge du centre hospitalier du Neubourg le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement commun n°s 1803082, 1803703 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier du Neubourg à verser une indemnité de 9 900 euros à Mme B... au titre de l'indemnité compensatrice de direction multi-sites, a renvoyé Mme B... devant le centre hospitalier du Neubourg pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle elle a droit au titre de la revalorisation indiciaire prévue par l'article 2 de l'avenant à son contrat de travail, illégalement retiré. Le tribunal a annulé la décision du 2 août 2018 par laquelle la directrice du centre hospitalier du Neubourg a procédé au licenciement de Mme B..., enjoint au centre hospitalier du Neubourg de réexaminer les possibilités de reclassement de Mme B... dans un délai de deux mois et mis à la charge du centre hospitalier du Neubourg le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de l'instance. Le tribunal a enfin rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 novembre 2020, 6 janvier et 6 mai 2021, le centre hospitalier du Neubourg, représenté par Me Malbesin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en ses articles 1 à 5 en tant qu'il l'a condamné à verser une indemnité de 9 900 euros à Mme B... au titre de l'indemnité compensatrice de direction multi-sites, avec renvoi de Mme B... devant lui pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité au titre de la revalorisation indiciaire prévue par l'article 2 de l'avenant à son contrat de travail, qu'il a annulé la décision du 2 août 2018 de la directrice du centre hospitalier du Neubourg ayant procédé au licenciement de Mme B..., qu'il lui a enjoint de réexaminer les possibilités de reclassement de cette dernière dans un délai de deux mois et qu'il a mis à sa charge le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de l'instance ;

2°) de rejeter l'appel incident de Mme B... ;

3°) de rejeter les demandes de Mme B... ;

4°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code du travail ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- les observations de Me Duval substituant Me Bellanger, représentant Mme A... B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... a été recrutée le 29 mai 2015 par le centre hospitalier du Neubourg, par contrat à durée indéterminée, pour occuper les fonctions de directrice-adjointe de l'établissement à compter du 1er juin 2015. Le centre hospitalier du Neubourg appartenait alors à une communauté d'établissements regroupant, outre l'établissement du Neubourg, trois établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) situés à Brionne, Harcourt et Pont-Authou, sous une direction commune mise en place par une convention signée le 22 octobre 2013. Par un avenant à son contrat de travail signé le 20 février 2017, la rémunération de Mme B... a été revalorisée. Le 20 septembre 2017, dans le cadre d'un projet de restructuration visant la mise en place d'une direction commune entre le centre hospitalier du Neubourg et le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, la convention de direction commune du 22 octobre 2013 a été dénoncée. Une nouvelle direction commune du centre hospitalier du Neubourg et du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil a été mise en place à compter du 1er décembre 2017, alors que par ailleurs une nouvelle direction commune des trois établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes voyait le jour. Le poste de directrice-adjointe occupé par Mme B... a alors été supprimé.

2. Le 27 novembre 2017, Mme B... a été placée en congé de maladie ordinaire. Au cours des discussions tenues lors de la réunion du comité technique d'établissement, le 22 décembre 2017, la direction du centre hospitalier du Neubourg a indiqué que le poste de Mme B... n'existant plus, la situation de l'intéressée était à revoir. Mme B... a adressé, le 10 avril 2018, à la directrice générale du centre hospitalier du Neubourg, une demande indemnitaire préalable tendant à la réparation des préjudices résultant de la dégradation de ses conditions matérielles et morales de travail. Mme B... a repris son service le 23 mai 2018. Une mission provisoire lui a alors été confiée au service financier du centre hospitalier. Le 11 juin 2018, un poste de reclassement en tant que responsable du service financier de l'établissement lui a été proposé. Mme B... a été convoquée par un courrier du 28 juin 2018 de la directrice générale du centre hospitalier du Neubourg à un entretien préalable au licenciement le 11 juillet 2018. Elle a été informée de son licenciement par un courrier de la directrice générale de l'établissement du 19 juillet 2018. Le 30 juillet 2018, Mme B... a informé la direction du centre hospitalier du Neubourg qu'elle refusait le poste de reclassement qui lui avait été proposé mais elle a présenté sa candidature pour un poste devenu vacant de directrice-adjointe chargée des services techniques et hôteliers du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil. Toutefois, par un courrier du 31 juillet 2018, le centre hospitalier a rejeté sa candidature. Par une décision du 2 août 2018, la directrice générale du centre hospitalier du Neubourg a prononcé le licenciement de Mme B... avec prise d'effet au 21 septembre 2018.

3. Le centre hospitalier du Neubourg relève appel du jugement du tribunal administratif de Rouen du 17 septembre 2020 en ce qu'il l'a notamment condamné à verser une indemnité de 9 900 euros à Mme B... au titre de l'indemnité compensatrice de direction multi-sites, en ce qu'il l'a renvoyée devant lui pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité au titre de la revalorisation indiciaire prévue par l'article 2 de l'avenant à son contrat de travail, illégalement retiré, en ce qu'il a annulé la décision du 2 août 2018 de la directrice du centre hospitalier du Neubourg ayant procédé au licenciement de Mme B..., et en ce qu'il lui a enjoint de réexaminer les possibilités de reclassement de Mme B... dans un délai de deux mois.

4. Par la voie de l'appel incident, Mme B... demande la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas pleinement fait droit à sa demande indemnitaire et la condamnation du centre hospitalier du Neubourg à lui verser la somme de 69 619,39 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2018 et capitalisés.

Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme B... :

5. Aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. C..., directeur du centre hospitalier Intercommunal Elbeuf-Louviers-Val-De-Reuil et du centre hospitalier du Neubourg, a été nommé par arrêté de la directrice générale du centre national de gestion du 26 décembre 2018, directeur de ce centre hospitalier. Il lui appartient, au regard des dispositions précitées, de représenter le centre hospitalier en justice. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par Mme B... tirée du défaut d'habilitation à agir en justice du directeur du centre hospitalier doit être écartée.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier du Neubourg aux conclusions d'appel incident de Mme B... :

6. L'appel principal tend seulement à la réformation du jugement attaqué, en tant qu'il a, par ses articles 1er à 5, condamné le centre hospitalier du Neubourg à verser une indemnité de 9 900 euros à Mme B... au titre de l'indemnité compensatrice de direction multi-sites, renvoyé Mme B... devant le centre hospitalier du Neubourg pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle elle a droit au titre de la revalorisation indiciaire prévue par l'article 2 de l'avenant à son contrat de travail, annulé la décision de licenciement du 2 août 2018 et enjoint au centre hospitalier du Neubourg de réexaminer les possibilités de reclassement de Mme B....

7. Les conclusions de l'appel incident formées par Mme B..., postérieurement à l'expiration du délai d'appel, sont dirigées contre l'article 6 du même jugement. Par cet article le tribunal a rejeté le surplus de ses demandes indemnitaires fondées sur l'atteinte portée aux droits tirés de son contrat de travail, fondées également sur le harcèlement moral et sur le non-respect de l'obligation de sécurité dont elle soutient avoir été victime. Mais les conclusions incidentes tendant à une indemnisation du fait du harcèlement moral et du non-respect de l'obligation de sécurité soulèvent un litige distinct de celui évoqué au principal ayant trait aux droits tirés du contrat de travail. La fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier tirée de l'existence d'un litige distinct doit donc être accueillie uniquement en tant qu'elle vise ces conclusions qui doivent donc être rejetées comme irrecevables.

Sur l'atteinte portée aux droits tirés du contrat de travail de Mme B... :

En ce qui concerne la faute alléguée par Mme B... tenant à une réduction du périmètre de ses attributions :

8. Mme B... fait valoir que le centre hospitalier du Neubourg a porté atteinte, à compter du mois d'avril 2017, aux droits tirés de son contrat de travail en modifiant le périmètre de ses attributions, sans son accord préalable. A compter du 1er avril 2017, une restructuration du centre hospitalier du Neubourg et des trois établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes a débuté, à laquelle Mme B... était notoirement opposée. La circonstance que le directeur par intérim ait conduit personnellement la réorganisation des services sans associer pleinement Mme B... n'est pas, par elle-même, de nature à caractériser une réduction des attributions et du champ de compétence dévolus par son contrat de travail dès lors que cette réorganisation répondait bien aux nécessités du service public. Jusqu'à la réorganisation, Mme B... a conservé l'intégralité des délégations de signature dont elle bénéficiait en qualité de directrice adjointe du centre hospitalier du Neubourg et de directrice-adjointe référente pour les trois établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Le fait que certains cadres du centre hospitalier du Neubourg aient émis des réserves sur le positionnement hiérarchique et les prérogatives de Mme B... lors de la mise en place de la direction intérimaire, et sur l'extension des délégations de signature, par le directeur intérimaire de l'établissement, à l'attachée d'administration chargée des ressources humaines, n'établissent pas une modification substantielle de ses attributions. La réorganisation a conduit à l'indépendance complète des trois EHPAD et à la création d'une direction commune au centre hospitalier du Neubourg et au centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, avec nomination d'un directeur délégué par établissement, sur un grade ne correspondant pas à celui de Mme B.... La circonstance que Mme B... n'ait pas été associée par le directeur par intérim à la réorganisation des services n'est pas par elle-même, dès lors qu'elle répondait aux nécessités du service public, de nature à caractériser une réduction de ses attributions et du champ de compétence dévolus par son contrat de travail. Son licenciement est intervenu à la suite de la suppression du poste qu'elle occupait. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été victime d'une réduction progressive de ses attributions et que les fonctions et prérogatives qu'elle tirait de son contrat de travail ont été illégalement modifiées avant son licenciement.

En ce qui concerne le retrait de l'avenant n° 1 au contrat de travail de Mme B... :

9. Sauf s'il présente un caractère fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d'un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci. Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration peut retirer l'acte d'engagement contractuel d'un agent, s'il est illégal, dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle il a été pris.

10. Par un courrier du 26 juillet 2017, le directeur par intérim du centre hospitalier du Neubourg a informé Mme B... qu'il retirait l'avenant n° 1 à son contrat de travail en raison de son illégalité. L'avenant en litige prévoyait notamment le versement de certaines primes à raison de fonctions exercées et le versement mensuel d'une indemnité pour six astreintes administratives de sept jours dans l'année. L'avenant n° 1 signé le 20 février 2017 à effet du 1er mars 2017 constituait un acte créateur de droits. Aussi, son retrait, au-delà du délai de quatre mois, est intervenu irrégulièrement. L'illégalité du retrait de cet avenant est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier du Neubourg dont Mme B... demande réparation pour les préjudices causés.

S'agissant de la revalorisation indiciaire :

11. L' avenant n° 1 prévoyait une revalorisation indiciaire, par l'octroi à Mme B... de l'indice majoré de 746 à 881, sans corrélation avec l'intervention de revalorisations statutaires prévues pour les fonctionnaires contrairement à ce que soutient le centre hospitalier du Neubourg. Comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, le retrait illégal de l'avenant n° 1 au contrat de travail de Mme B... a fait perdre à cette dernière une chance sérieuse de bénéficier de ce nouvel indice de rémunération et elle est fondée à obtenir réparation de son préjudice en résultant.

S'agissant de l'indemnité compensatrice de direction multi-sites de 9 900 euros :

12. L' avenant n° 1 prévoyait une prime compensatrice de direction multi-sites. Si le centre hospitalier oppose que la convention de direction commune du 19 octobre 2013 n'intégrait que le seul directeur d'établissement au sein de cette direction commune, il ressort toutefois de la fiche de poste de Mme B..., établie le 15 février 2017, que celle-ci " est chargée de l'organisation générale sur l'ensemble de la communauté d'établissements (...) a autorité sur l'ensemble du personnel de la communauté d'établissements ". Elle exerçait ainsi ses fonctions dans le cadre d'une direction commune de l'établissement public de santé et des établissements et services médico-sociaux, sur plusieurs sites. Si le centre hospitalier du Neubourg soutient que Mme B... ne pouvait bénéficier d'une telle prime en vertu d'une instruction DGOSIRH4 n°2015-108 du 2 avril 2015, il ressort en tout état de cause des termes mêmes de cette circulaire, qui, au demeurant, ne prévoit pas expressément que les agents de statut contractuel sont exclus du bénéfice de la prime en litige, que " rien n'interdit que les établissements définissent, par la voie du contrat qui fixe les conditions de rémunération, un montant global de rémunération correspondant, de façon forfaitaire, à la rémunération principale et aux primes et indemnités que perçoivent des agents titulaires exerçant les mêmes fonctions et ayant la même expérience ". Dans ces conditions, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, le retrait illégal de l'avenant n° 1 au contrat de travail de Mme B... a fait perdre à cette dernière une chance sérieuse de bénéficier de cette prime. Elle a droit d'obtenir réparation de son préjudice en résultant à hauteur de la somme de 9 900 euros, pour la période allant du 1er mars 2017 au 1er décembre 2017, date à laquelle la convention de direction commune du centre hospitalier du Neubourg a cessé de s'appliquer.

S'agissant de l'indemnité d'astreinte administrative et de l'indemnité de dépassements horaires :

13. L'avenant n° 1 prévoyait le versement mensuel d'une indemnité pour six astreintes administratives de sept jours dans l'année. Mais Mme B... n'établit pas que chaque mois elle accomplissait six astreintes. Dès lors, l'instruction ne permet pas d'établir la réalité du préjudice financier dont elle se prévaut et l'appelante n'est pas fondée à obtenir l'indemnisation de ce chef de préjudice. Mme B... n'établit pas plus la réalité du préjudice résultant de l'absence de versement de la prime de service annuelle, dont le montant est fixé à la libre appréciation du directeur de l'établissement en fonction des résultats obtenus par l'agent, et alors qu'aucune pièce versée au dossier ne tend à établir que le centre hospitalier du Neubourg aurait eu l'intention de la lui attribuer effectivement.

S'agissant du trouble dans ses conditions d'existence et du préjudice moral :

14. Mme B... fait valoir que l'illégalité du retrait de l'avenant n° 1 à son contrat de travail l'a privée d'une partie de sa rémunération, générant ainsi des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral, qu'elle évalue à hauteur de la somme globale de 50 000 euros. Cependant elle n'établit pas la réalité de ces préjudices.

Sur la décision du 2 août 2018 prononçant le licenciement de Mme B... :

15. D'une part, aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont (...) occupés (...) par des fonctionnaires régis par le présent titre (...) ". Par exception à ce principe, des agents non titulaires peuvent être recrutés par des contrats à durée déterminée ou indéterminée dans les conditions prévues aux articles 9 et 9-1 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

16. D'autre part, aux termes de l'article 41-3 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Sans préjudice des dispositions relatives au licenciement pour faute disciplinaire, pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique, le licenciement d'un agent contractuel recruté pour répondre à un besoin permanent doit être justifié par l'un des motifs suivants : 1° La suppression du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement de l'agent ; 2° La transformation du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement, lorsque l'adaptation de l'agent au nouveau besoin n'est pas possible ; 3° Le recrutement d'un fonctionnaire lorsqu'il s'agit de pourvoir un emploi soumis à la règle énoncée à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 41-5 du même décret : " Le licenciement pour un des motifs prévus aux 1° à 4° de l'article 41-3 ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l'agent, dans un autre emploi que la loi du 9 janvier 1986 autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement des agents non titulaires, n'est pas possible. / Ce reclassement concerne les agents recrutés pour des besoins permanents par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée lorsque le terme de celui-ci est postérieur à la date à laquelle la demande de reclassement est formulée. L'emploi de reclassement est alors proposé pour la période restant à courir avant le terme du contrat. / Il est proposé un emploi relevant de la même catégorie hiérarchique ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès de l'agent, d'un emploi relevant d'une catégorie inférieure. /L'offre de reclassement concerne les emplois relevant de l'autorité ayant recruté l'agent. L'offre de reclassement proposée à l'agent est écrite et précise. L'emploi proposé est compatible avec ses compétences professionnelles. ".

17. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l'emploi est supprimé que des règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l'emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu'il incombe à l'administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d'un agent contractuel recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée, de chercher à reclasser l'intéressé.

18. La décision de licenciement du 2 août 2018 est intervenue dans le contexte de restructuration décrit aux points 1 et 6. La directrice du centre hospitalier du Neubourg a informé Mme B..., par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 juin 2018, que son poste de directeur adjoint était supprimé, que le poste de directeur d'établissement avait été pourvu le 1er juin 2018 par un directeur d'établissement sanitaire, social et médico-social et que dans le cadre de cette réorganisation, il lui était proposé un reclassement sur le poste de responsable du service financier avec le grade d'attaché d'administration hospitalière indice majoré 545 à compter du 1er juillet 2018. Par lettre du 28 juin 2018 la directrice du centre précité a réitéré la proposition de reclassement sur le grade d'attachée d'administration hospitalière en qualité de responsable des finances tout en conviant Mme B... à l'entretien préalable à son licenciement. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... exerçait de larges fonctions d'encadrement et de direction en qualité de directrice adjointe du centre hospitalier du Neubourg, alors que le poste de responsable des finances qui lui était proposé n'en comportait pas. La rémunération prévue pour le poste de responsable des finances était inférieure à celle que Mme B... percevait auparavant. Cet emploi relevait ainsi d'une catégorie hiérarchique inférieure à celle du précédent poste de Mme B... et il ne pouvait tenir lieu de poste de reclassement qu'avec son accord exprès conformément aux dispositions de l'article 41-5 du décret du 6 février 1991.

19. Mme B... soutient qu'elle avait fait état de son intérêt pour le poste de directrice adjointe chargée des services techniques et hôteliers du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil alors vacant et qu'un autre poste à la direction des affaires financières et du système d'information du centre hospitalier d'Elbeuf était vacant. Mais l'existence d'une direction commune du centre hospitalier du Neubourg qui l'avait recrutée et du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil n'entrainait pas pour autant la perte de la personnalité juridique de chaque établissement. Aussi, les deux postes cités par l'appelante ne relevaient pas de l'autorité l'ayant recrutée et donc ne relevaient pas du périmètre de reclassement au sens de l'article 41-5 du décret du 6 février 1991 précité. En appel, le centre hospitalier du Neubourg fait valoir qu'il n'existait aucun emploi de niveau équivalent à proposer à Mme B.... S'il produit à cet effet des extraits de tableaux des effectifs des années 2015, 2017, 2018 et 2020, ceux-ci, faute d'explications circonstanciées, ne permettent pas plus qu'en première instance, d'établir l'impossibilité du reclassement de l'intéressée. Dans ces conditions, le centre hospitalier du Neubourg n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision du 2 août 2018 de la directrice du centre hospitalier du Neubourg licenciant Mme B... et lui a enjoint de réexaminer les possibilités de reclassement de Mme B... dans un délai de deux mois.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier du Neubourg n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1 à 5 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen l'a condamné au versement d'une indemnité de 9 900 euros à Mme B... au titre de l'indemnité compensatrice de direction multi-sites, a renvoyé Mme B... devant lui pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité au titre de la revalorisation indiciaire prévue par l'article 2 de l'avenant à son contrat de travail, a annulé la décision du 2 août 2018 de la directrice du centre hospitalier du Neubourg ayant procédé au licenciement de Mme B... et lui a enjoint de réexaminer les possibilités de reclassement de Mme B... dans un délai de deux mois. Mme B... n'est, quant à elle, pas plus fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 6 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de ses demandes indemnitaires.

Sur les frais des instances :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier du Neubourg, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que réclame Mme B... à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions Mme B... et du centre hospitalier du Neubourg présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier du Neubourg est rejetée.

Article 2 : L'appel incident et les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentés par Mme B... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier du Neubourg et à Mme A... B....

2

N°20DA01803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01803
Date de la décision : 06/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires. - Fin du contrat. - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : HMS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-01-06;20da01803 ?
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