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09/12/2021 | FRANCE | N°21DA00529

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 09 décembre 2021, 21DA00529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité du Nord a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'affection dont elle souffre depuis le 19 avril 2018, d'autre part, d'enjoindre à l'autorité préfectorale de procéder à un nouvel examen de sa situation médicale en vue de la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, dans un délai de quinze jours à co

mpter de la date de notification du jugement à intervenir, ainsi que de rétablir ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet de la zone de défense et de sécurité du Nord a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'affection dont elle souffre depuis le 19 avril 2018, d'autre part, d'enjoindre à l'autorité préfectorale de procéder à un nouvel examen de sa situation médicale en vue de la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir, ainsi que de rétablir sa rémunération intégrale, primes comprises, pour la période d'arrêt de travail résultant de cette pathologie et de lui faire rembourser les frais médicaux et paramédicaux restés à sa charge et relatifs à cette même pathologie.

Par un jugement n° 1905502 du 8 janvier 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 mars 2021, le 3 novembre 2021 et le 4 novembre 2021, Mme A..., représentée par Me Virginie Stienne-Duwez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 du préfet de la zone de défense et de sécurité du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité du Nord de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident et de la pathologie dont elle souffre dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à cette autorité préfectorale de rétablir sa rémunération intégrale, primes comprises pour la période d'arrêt de travail résultant de sa pathologie et de lui rembourser tous les frais médicaux et paramédicaux restant à sa charge à la suite de ces arrêts de travail ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Stienne-Duwez, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est adjointe administrative principale de deuxième classe des administrations de l'Etat, affectée à la direction départementale de la sécurité publique du Pas-de-Calais. Elle a été placée en congé de maladie à compter du 19 avril 2018, puis en disponibilité d'office à compter du 19 avril 2019. Par arrêté du 15 avril 2019, le préfet de la zone de défense et de sécurité du Nord a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail depuis le 19 avril 2018. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 15 avril 2019 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de reconnaître cette imputabilité au service, de rétablir l'intégralité de sa rémunération et de prendre en charge ses frais médicaux. Elle relève appel du jugement du 8 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Le motif par lequel le juge de l'excès de pouvoir juge fondé l'un quelconque des moyens de légalité soulevés devant lui ou des moyens d'ordre public qu'il relève d'office, suffit à justifier l'annulation de la décision administrative contestée. Il s'ensuit que, sauf dispositions législatives contraires, le juge de l'excès de pouvoir n'est en principe pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d'autres moyens que celui qu'il retient explicitement comme étant fondé. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens. En l'espèce, Mme A... demande à ce qu'il soit enjoint à l'administration de reconnaitre l'imputabilité au service et de lui rétablir sa rémunération intégrale ainsi que de lui faire rembourser la totalité de ses frais médicaux. Par suite, il y a lieu d'examiner prioritairement le moyen de légalité interne soulevé par Mme A..., justifiant s'il y est fait droit, une telle injonction. La situation de Mme A... est régie par les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 introduit par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 n'étant pas encore entré en vigueur faute d'un texte règlementaire d'application.

3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service.

4. Il est constant que Mme A... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident survenu le 19 avril 2018 et la commission de réforme s'est prononcée dans ce cadre. Ce jour-là, l'intéressée ne s'est ni rendue, ni présentée à son service alors qu'elle devait rejoindre sa nouvelle affectation à l'accueil du commissariat de Lens, tandis que la formation motocycliste, à laquelle elle était précédemment affectée, déménageait au commissariat de Liévin. Mme A... s'est contentée d'adresser à son administration l'arrêt de travail de son médecin pour stress professionnel, établi le même jour. Dans son courrier du 20 avril 2019 où elle demandait à être réintégrée dans son ancien poste, elle évoque les répercussions sur son état de santé de cette nouvelle affectation, mais elle n'apporte pas d'éléments de nature à établir que ce changement d'affectation constituerait un événement soudain et violent caractérisant un accident de service. D'ailleurs, la commission de réforme a retenu, dans son avis du 15 mars 2019, que l'intéressée " n'apporte pas la preuve qu'elle a été victime d'un accident de service " et qu'aucun fait traumatique n'est établi à la date de l'accident. Par suite, il ne résulte pas de ces éléments que Mme A... a subi un accident dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal. Ce moyen de légalité interne ne peut donc qu'être écarté.

5. Aux termes de l'article 12 du décret du 14 mars 1986 susvisé : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : / 1. Le chef de service dont dépend l'intéressé ou son représentant ; / 2. Le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques ou son représentant ; / 3. Deux représentants du personnel appartenant au même grade ou, à défaut, au même corps que l'intéressé, élus par les représentants du personnel, titulaires et suppléants, de la commission administrative paritaire locale dont relève le fonctionnaire ; toutefois, s'il n'existe pas de commission locale ou si celle-ci n'est pas départementale, les deux représentants du personnel sont désignés par les représentants élus de la commission administrative paritaire centrale, dans le premier cas et, dans le second cas, de la commission administrative paritaire interdépartementale dont relève le fonctionnaire ; / 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. " Le comité médical comprend, en application de ces dernières dispositions et de l'article 5 du même décret auxquelles elles renvoient, " deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé ".

6. En l'espèce, Mme A... a saisi, le 11 juin 2018, le préfet de la zone de défense et de sécurité du Nord d'une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 19 avril 2018. Elle a joint à sa demande un certificat médical de son médecin traitant du 19 avril 2018 préconisant un arrêt de travail pour " stress professionnel ". En vue de la réunion de la commission de réforme, le médecin expert régional de la police nationale a demandé à un expert psychiatre d'examiner Mme A.... Il est constant que la commission de réforme ne comportait pas de médecin psychiatre, alors qu'elle était saisie de la demande de reconnaissance d'imputabilité d'un accident se manifestant, selon le médecin de Mme A..., par une pathologie mentale et ayant justifié une expertise psychiatrique qui concluait à l'imputabilité au service du trouble subi. Dès lors, l'absence d'un médecin psychiatre parmi les membres de la commission de réforme a méconnu les dispositions citées au point 5 et a privé Mme A... d'une garantie. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 avril 2019 du préfet de la zone de défense et de sécurité du Nord.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

7. Le moyen retenu par le présent arrêt n'implique pas nécessairement que doive être enjoint à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 19 avril 2018. Il en résulte que l'appelante est seulement fondée à demander qu'il soit enjoint au préfet de la zone de défense et de sécurité du Nord de réexaminer sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 19 avril 2018, ou, le cas échéant, de réexaminer toute demande de l'intéressée, compte tenu de nouvelles circonstances de fait intervenues depuis la décision initiale. Il convient de prescrire ce réexamen, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 8 janvier 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 15 avril 2019 du préfet de la zone de défense et de sécurité du Nord est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la zone de défense et de sécurité du Nord de réexaminer la demande de Mme A... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 19 avril 2018, ou, le cas échéant, de réexaminer toute demande de l'intéressée, compte tenu de nouvelles circonstances de fait intervenues depuis la décision initiale, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la zone de sécurité et de défense du Nord.

N°21DA00529 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00529
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-02 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Disponibilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : STIENNE-DUWEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-12-09;21da00529 ?
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