Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite de rejet du 14 mars 2017, de dire et juger qu'il a été victime de harcèlement moral, de condamner le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville à lui verser la somme de 1 568,87 euros au titre des heures supplémentaires non payées et des congés payés afférents ainsi que la somme de 34 810,44 euros au titre des astreintes non payées pour les années 2012 à 2016.
Par un jugement n° 1704346 du 13 novembre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2020, M. A... B..., représenté par Me Raphael Tachon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du 14 mars 2017 ;
3°) de dire et juger que M. B... a été victime de harcèlement moral ;
4°) d'enjoindre à l'administration d'avoir à cesser un tel comportement ;
5°) de condamner le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville à lui verser la somme de 1 568,87 euros au titre des heures supplémentaires non payées et des congés payés afférents ainsi que la somme de 34 810,44 euros au titre des astreintes non payées pour les années 2012 à 2016 ;
6°) à défaut, de juger que le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville a commis une faute engageant sa responsabilité en ne prenant pas les dispositions pour indemniser ses astreintes et de condamner le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville au paiement d'une somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts, le tout majoré des intérêts au taux légal depuis la mise en demeure et capitalisation des intérêts ;
7°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville une somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 83-624 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n° 2005-542 du 19 mai 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me Lachevre, représentant le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., fonctionnaire territorial, exerçant les fonctions de fontainier, au grade d'adjoint technique de 2ème classe, auprès du syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville depuis le 1er décembre 2013, a notamment pour fonction d'assurer l'entretien des canalisations du réseau de distribution d'eau et d'intervenir en cas de dysfonctionnements constatés sur ce réseau. Par une demande du 11 janvier 2017, reçue le 14 janvier suivant, il a mis en demeure son employeur de cesser le harcèlement dont il estime faire l'objet et de lui payer les heures supplémentaires et les astreintes dues. Cette demande a été implicitement rejetée le 14 mars 2017. M. B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville au paiement d'arriérés d'heures supplémentaires pour les mois de septembre et octobre 2013, mai et juillet 2016 et au paiement des indemnités dues au titre des astreintes accomplies au cours des années 2012 à 2016 et, d'autre part, d'annuler la décision implicite refusant de faire cesser le harcèlement dont il estime être victime ainsi que de dire et juger qu'il est victime de harcèlement moral de la part du président du syndicat intercommunal. Par jugement du 13 novembre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. M. B... s'est borné en première instance à demander l'annulation de la décision implicite de rejet des demandes qu'il avait présentées par une lettre, en date du 11 janvier 2017, qui tendait exclusivement au paiement d'arriérés d'heures supplémentaires et d'heures d'astreintes. Ni dans ce courrier, ni devant le tribunal, malgré ce qu'indique le jugement, et s'agissant des écritures produites avant la clôture de l'instruction, il n'a formulé de conclusions indemnitaires fondées sur la faute qu'aurait pu commettre le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville en ne lui payant pas les astreintes, voire les heures supplémentaires qu'il affirme avoir effectuées. Par suite, les conclusions indemnitaires fondées sur de telles fautes n'ont pas été précédées d'une demande préalable et sont, en outre, nouvelles en appel. Par suite, elles sont irrecevables à l'un ou l'autre de ces titres.
Sur les conclusions à fin d'annulation et tendant à la régularisation de sa situation :
3. M. B... demande l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande, en date du 11 janvier 2017, tendant au paiement des heures supplémentaires et des astreintes qu'il estime lui être dues.
En ce qui concerne les arriérés d'heures supplémentaires :
4. M. B... fait valoir que le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville s'est engagé, à plusieurs reprises, par écrit, à régler ses heures supplémentaires à hauteur de 20 euros de l'heure selon un courrier du 2 juillet 2007 et que, par délibération en date du 16 juin 2008, le comité directeur du syndicat intercommunal a considéré qu'il était amené à effectuer des heures supplémentaires et en a fixé les modalités de paiement. M. B... produit des documents qu'il a rédigés lui-même, sur papier d'écolier, retraçant les heures supplémentaires qu'il aurait effectuées en septembre et octobre 2013 et mai et juillet 2016. Cependant, ces documents, établis par l'intéressé, ne sont ni validés, ni signés par son supérieur hiérarchique. Alors que le syndicat intercommunal les conteste, ils sont dénués de valeur probante et ne peuvent ouvrir droit au paiement des heures en litige.
En ce qui concerne les astreintes :
5. M. B... fait valoir que le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville doit lui verser la somme de 34 810,44 euros au titre des astreintes non payées entre 2012 et 2016.
6. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : " Sont prescrites (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. ". Par application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, la demande indemnitaire préalable ayant été présentée le 14 mars 2017 par M. B..., seules les créances nées postérieurement au 1er janvier 2013 étaient susceptibles de donner lieu à indemnisation. Par suite, c'est à bon droit que le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville lui a opposé cette exception de prescription en ce qui concerne les sommes demandées au titre de l'année 2012.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale: " L'organe délibérant (...) détermine (...) les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes, les modalités de leur organisation et la liste des emplois concernés. Les modalités de rémunération ou de la compensation des astreintes sont précisées par décret (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 19 mai 2005 : " (...) bénéficient d'une indemnité non soumise à retenue pour pension ou, à défaut, d'un repos compensateur certains agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant : Lorsqu'ils sont appelés à participer à une période (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ainsi que, le cas échéant, le déplacement aller et retour sur le lieu de travail. La permanence correspond à l'obligation faite à un agent de se trouver sur son lieu de travail habituel, ou un lieu désigné par son chef de service, pour nécessité de service, un samedi, un dimanche ou lors d'un jour férié ".
8. En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures d'astreintes accomplies, il appartient à l'agent d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires qu'il estime avoir réalisés. Sur la base de ces éléments, l'employeur doit répondre en fournissant les informations dont il dispose de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
9. En l'espèce, le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville soutient, sans être contredit, qu'aucun régime d'astreinte n'a été mis en place conformément aux prescriptions du décret du 12 juillet 2001 et du décret du 19 mai 2005. M. B... se prévaut de sa fiche de poste, contresignée par le syndicat intercommunal, mentionnant : " En cas de rupture de canalisation, il doit intervenir quel que soient le jour et l'heure ", souligne qu'il travaille seul et que les " Pages blanches " de 2013/2014 et 2017/2018 mentionnent le numéro de téléphone du syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville en renvoyant à son nom et à son adresse personnelle. Toutefois, ces circonstances ne permettent pas de tenir pour établi qu'il a effectivement accompli des périodes d'astreintes. Par suite, M. B... n'est pas fondé à solliciter le paiement de la somme de 34 810,44 euros au titre d'astreintes qu'il aurait effectuées.
Sur le harcèlement moral :
10. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ".
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Aux termes de l'article 23 de cette même loi : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. ". Enfin, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. (...) ".
12. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
13. Pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
14. M. B... soutient qu'il fait l'objet de harcèlement de la part du président du syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville se traduisant par des brimades et des agissements portant atteintes à sa dignité, le contraignant à se mettre en arrêt maladie entre le 1er juin 2016 et le 1er juillet 2016, suite à un syndrome dépressif réactionnel. Il relève qu'il est mis à l'écart et que le président du syndicat intercommunal ne lui adresse plus la parole et ne lui donne aucun ordre dans le cadre de son activité professionnelle, ces circonstances s'apparentant à une " mise au placard ". Il note qu'il n'a de cesse de réclamer le paiement de ses heures supplémentaires, qu'il n'est pas payé de ses astreintes, que ses courriers au président du syndicat intercommunal ne font l'objet d'aucune réponse et que les textes relatifs à préservation de la santé des agents ne sont pas appliqués.
15. Toutefois, le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville relève que M. B... a un comportement totalement inadapté dans le cadre de l'exercice de ses missions, et que plusieurs incidents sont à déplorer. M. B... a ainsi tenu des propos particulièrement déplacés à l'égard du président du syndicat intercommunal le 1er juin 2016, amenant au prononcé d'un avertissement. Le 14 septembre 2016, M. B... a tenu des propos violents et menaçants à l'égard du président après s'être rendu à son domicile, et le lendemain de cet incident, il est arrivé dans le hangar avec le camion du syndicat intercommunal et a freiné brusquement, endommageant ainsi le moteur du camion. Plusieurs maires de communes membres du syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville soulignent le comportement non professionnel de l'intéressé. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que s'agissant de l'arrêt maladie, aucun élément ne permet d'établir que les troubles de M. B... auraient un lien avec son activité professionnelle ou avec des agissements de sa hiérarchie. Aucune des pièces produites ne met en évidence la réalité des affirmations de l'appelant tenant à une " mise au placard ". En outre, dans un contexte de tensions entre M. B... et son supérieur hiérarchique, l'absence de réponse à certains courriers de l'intéressé n'est pas de nature à faire présumer une situation de harcèlement moral. Comme il a été dit précédemment, M. B... n'est pas fondé à soutenir que, de manière répétée, des sommes dues au titre d'heures supplémentaires ou d'astreintes ne lui auraient pas été versées. Si la nouvelle bonification indiciaire qui lui était due a été obtenue après réclamation, cette seule circonstance ne permet pas d'établir que M. B... est victime d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral. Dans ces conditions, les agissements de l'autorité administrative n'excèdent pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et, même pris dans leur ensemble, ne sauraient être regardés comme constitutifs d'un harcèlement moral, au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Les conclusions de l'appelant tendant à la reconnaissance et à la cessation d'une situation de harcèlement moral doivent donc, en tout état de cause, être rejetées.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au syndicat intercommunal d'adduction d'eau de la région de Regnauville.
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N°20DA02019