Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 5 novembre 2020 et par un mémoire enregistré le 2 novembre 2021, qui n'a pas été communiqué aux autres parties, la société Ferme éolienne du Bois Vicomte, représentée par Me Olivier Fazio, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 6 mai 2020 par lequel la préfète de la Somme a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour construire et exploiter un parc éolien composé de trois aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Domart-en-Ponthieu, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 6 juillet 2020 contre cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfète de la Somme de procéder à un nouvel examen de sa demande d'autorisation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente en l'absence de délégation de signature régulière ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que l'analyse des impacts du projet est complète et fiable, que la zone envisagée est acceptable et que les mesures d'évitement, de réduction et de compensation sont suffisantes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens exposés dans la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Olivier Fazio représentant la ferme éolienne du Bois Vicomte.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ferme éolienne du Bois Vicomte a déposé le 1er octobre 2019 une demande d'autorisation environnementale pour construire et exploiter un parc éolien composé de trois aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Domart-en-Ponthieu. Par un courrier du 23 octobre 2019, la préfète de la Somme a demandé à la société pétitionnaire de compléter l'étude d'impact en y ajoutant une analyse " en continu " de l'activité des chiroptères dans la zone d'implantation du projet. Estimant que les éléments transmis le 13 décembre 2019 restaient lacunaires, la préfète de la Somme a rejeté la demande d'autorisation par un arrêté du 6 mai 2020. Le 6 juillet 2020, la société Ferme éolienne du Bois Vicomte a formé un recours gracieux contre cet arrêté. Le silence gardé par la préfète de la Somme pendant plus de deux mois sur ce recours a fait naître une décision implicite de rejet. La société Ferme éolienne du Bois Vicomte demande l'annulation de cet arrêté du 6 mai 2020 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
2. L'arrêté attaqué a été signé par Mme Myriam Garcia, secrétaire générale de la préfecture de la Somme, qui bénéficiait, en vertu d'un arrêté de la préfète de la Somme du 7 février 2020 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 2020-009 de la préfecture de la Somme, d'une délégation de signature à l'effet de signer les autorisations environnementales telle que celle litigieuse. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa version applicable au présent litige : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. (...) / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / (...) / 3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement, dénommée "scénario de référence", et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet ainsi qu'un aperçu de l'évolution probable de l'environnement en l'absence de mise en œuvre du projet, dans la mesure où les changements naturels par rapport au scénario de référence peuvent être évalués moyennant un effort raisonnable sur la base des informations environnementales et des connaissances scientifiques disponibles ; / (...) / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement (...) / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; / 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / (...) / 10° Une description des méthodes de prévision ou des éléments probants utilisés pour identifier et évaluer les incidences notables sur l'environnement (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 181-34 du code de l'environnement : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier / (...) / La décision de rejet est motivée ".
5. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'impact que la zone d'implantation du projet, qui prend place dans un espace agricole dénommé la " Queue de la forêt ", est située à moins de 500 mètres de plusieurs bois et bosquets, en particulier à l'ouest le Bois Vicomte, au nord-ouest le Bois de Martaineville, au nord le bosquet de Gencourt et au sud le bois de Plouis. En outre, se trouvent, respectivement à moins de 200 mètres et à environ un kilomètre du projet, les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type 1 du " Massif forestier de Ribeaucourt et de Martaineville et cavités souterraines " et celle du " Larris de la vallée du chêne Lanches-Saint-Hilaire, Bois d'Epécamps et cavité souterraine ", au sein d'un site encadré à l'ouest par la vallée sèche de Franqueville et à l'est par la vallée humide de Saint-Hilaire. Eu égard à la localisation et aux caractéristiques de ces espaces naturels, qui sont propices au nichage et à l'hivernage des chiroptères notamment en raison de la présence de bois et de cavités, la zone d'implantation du projet, bien qu'elle ne comporte pas elle-même de zones boisées, est susceptible de servir d'aire de transit ou d'alimentation pour ces mammifères.
6. Cette sensibilité chiroptérologique du site a été confirmée par les recensements consignés dans l'étude d'impact, qui révèlent la présence dans la zone d'implantation du projet et dans ses alentours immédiats de plusieurs espèces différentes de chiroptères. A ce titre, l'étude d'impact mentionne qu'après application d'un coefficient de détectabilité, 50,8 contacts par heure ont été enregistrés en un point situé au sein de la zone d'implantation du projet. En outre, il résulte des éléments cartographiques versés dans l'étude d'impact que, sur une échelle graduée jusqu'à 12 mesurant la sensibilité chiroptérologique d'un site, deux endroits ont été cotés à 10 et deux autres à 9 dans la zone d'implantation du projet.
7. Au vu de la sensibilité de la zone d'implantation du projet, la préfète de la Somme a demandé à la pétitionnaire de compléter l'étude d'impact en réalisant un suivi de l'activité des chiroptères " en continu ", en altitude et au sol, d'avril à octobre. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette demande apparaît adaptée aux caractéristiques et enjeux particuliers du site et aux recommandations générales, non sérieusement contestées, du Guide de préconisation pour la prise en compte des enjeux chiroptérologiques et avifaunistiques dans les projets éoliens des Hauts-de-France, auxquelles se réfère la ministre en défense. Dès lors, en refusant de procéder à un tel suivi, la pétitionnaire n'a pas régularisé l'étude d'impact qui, au regard des prescriptions de l'article R. 222-5 du code de l'environnement, est restée lacunaire. Par suite, la préfète de la Somme a pu rejeter à bon droit la demande d'autorisation sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 181-34 du code de l'environnement.
8. Enfin, si la société pétitionnaire soutient qu'elle a assorti son projet de mesures de bridage afin d'assurer la protection des chiroptères, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors que la préfète de la Somme a rejeté sa demande pour des motifs tirés de l'incomplétude de l'étude d'impact sur le fondement de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, et non en considération d'une atteinte excessive à ces mammifères sur le fondement de l'article L. 181-3 du même code.
9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation dirigées par la société Ferme éolienne du Bois Vicomte contre l'arrêté du 6 mai 2020 et contre la décision implicite de rejet de son recours gracieux doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Ferme éolienne du bois Vicomte est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne du Bois Vicomte et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera transmise, pour information, à la préfète de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 16 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- Mme Corinne Baes Honoré, présidente-assesseure,
- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2021.
Le rapporteur
Signé : S. EUSTACHELe président de la 1ère chambre,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine SIRE
N°20DA01720
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