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07/12/2021 | FRANCE | N°19DA02742

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 07 décembre 2021, 19DA02742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Codunion et l'association A Table ! ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision en date du 26 mai 2016, confirmée le 30 mai 2016, par laquelle la société d'exploitation des Ports du Détroit a refusé de délivrer à la société Codunion une autorisation d'occupation du domaine public maritime.

Par un jugement n°1605968 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour : >
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, la SCI Codunion et l'association A Table !...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Codunion et l'association A Table ! ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision en date du 26 mai 2016, confirmée le 30 mai 2016, par laquelle la société d'exploitation des Ports du Détroit a refusé de délivrer à la société Codunion une autorisation d'occupation du domaine public maritime.

Par un jugement n°1605968 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, la SCI Codunion et l'association A Table !, représentées par Me Eric Forgeois, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 26 mai 2016, confirmée le 30 mai 2016, par laquelle la société d'exploitation des Ports du Détroit a refusé de délivrer à la société Codunion une autorisation d'occupation du domaine public maritime ;

3°) de mettre à la charge de la société d'exploitation des Ports du Détroit une somme de 1 500 euros au bénéfice de la société Codunion et de 1 500 euros au bénéfice de l'association A Table ! sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le tribunal a écarté à tort comme étant inopérant le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire préalable et, ce faisant, il a dénaturé les écritures et les pièces du dossier et a rendu un jugement irrégulier ; il a aussi entaché son jugement d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le tribunal a écarté à tort le moyen tiré du caractère non fondé des motifs retenus dans les décisions contestées et celui tiré de l'absence de motif d'intérêt général de nature à justifier ces décisions ; ce faisant, il a également dénaturé les pièces du dossier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2020, la société d'exploitation des Ports du Détroit, représentée par Richer et Associés Droit Public, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mise à la charge des requérantes une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 mars 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Naïla Boukheloua, première conseillère,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Fabrice Savoye, représentant la société civile immobilière Codunion et l'association A Table !, et de Me Johann Guiorguieff, représentant la société d'exploitation des Ports du Détroit.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La SCI Codunion et l'Association A table ! relèvent appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2016, confirmée le 30 mai 2016, par laquelle la société d'exploitation des Ports du Détroit a refusé de délivrer à la société Codunion une autorisation d'occupation du domaine public maritime.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, si la SCI Codunion et l'association A Table ! soutiennent que le jugement attaqué est entaché de dénaturation des écritures et des pièces du dossier présentées devant les premiers juges, un tel moyen, qui relève de l'office du juge de cassation et non de celui du juge d'appel, ne saurait leur permettre de contester utilement, dans le cadre de la présente instance, la régularité du jugement dont elles relèvent appel.

3. D'autre part, le jugement attaqué, qui n'avait pas à se prononcer sur tous les arguments soulevés par les parties, est suffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe des décisions attaquées :

4. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la SCI Codunion a présenté, le 13 avril 2010, une proposition relative au bâtiment industriel situé aux 33/35 rue Georges Honoré sur le domaine public du port de Boulogne-sur-Mer qui orientait l'occupation de ce local vers l'exploitation du patrimoine historique et la mise en valeur des produits de fumaison des entreprises boulonnaises.

6. D'une part, si, par une lettre du 1er septembre 2010 répondant à cette proposition, la chambre de commerce et d'industrie de la Côte d'Opale (CCICO), gestionnaire du domaine public portuaire à laquelle a succédé la société d'exploitation des Ports du Détroit en 2015, a donné son accord de principe à la prolongation de la convention d'occupation temporaire de la SCI Codunion qui expirait le 24 octobre 2010, elle a expressément subordonné le renouvellement à son terme de cette convention à la production, par la société, du planning de réalisation des travaux et du plan de financement correspondant à ce projet et elle a précisé que l'avenant de prolongation de la convention serait adressé à la société à la réception de ces documents.

7. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la SCI Codunion a satisfait aux conditions ainsi posées par la chambre de commerce et d'industrie de la Côte d'Opale. Un tel courrier ne peut dès lors pas être regardé comme ayant eu pour objet ou pour effet de conférer à la SCI Codunion une autorisation d'occuper le domaine public pendant vingt ans supplémentaires.

8. Dans ces conditions, la SCI Codunion et l'association A Table ! ne sont pas fondées à soutenir que la décision du 26 mai 2016, confirmée le 30 mai 2016, constituait en réalité un retrait ou un refus de renouvellement d'un titre d'occupation du domaine public portuaire dont la société aurait été bénéficiaire et qu'il aurait dès lors dû être précédé d'une procédure contradictoire en application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.

9. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté comme inopérant le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire préalable.

En ce qui concerne la légalité interne des décisions attaquées :

10. L'autorité chargée de la gestion du domaine public n'est jamais tenue d'accorder une autorisation d'occuper une dépendance de ce domaine. Elle peut autoriser une personne privée à l'occuper en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit, en considération de l'intérêt général, compatible avec l'affectation et la conservation de ce domaine.

11. Les requérantes ont proposé, dans le cadre d'un seul projet, la réhabilitation d'une saurisserie et l'ouverture d'un bureau et d'un entrepôt pour produits de la mer franco-russes. Le refus litigieux a été motivé par les circonstances, d'une part, que le volet réhabilitation du projet ne faisait l'objet d'aucun budget chiffré ni descriptif des travaux envisagés, n'était pas compatible avec l'affectation de cette dépendance du domaine public portuaire consacrée aux activités halieutiques, agroalimentaires et logistiques et ne présentait pas les garanties nécessaires à une meilleure utilisation possible du domaine, d'autre part, que le volet bureau et entrepôt n'était également appuyé sur aucun budget chiffré ni descriptif des travaux et n'était également pas compatible avec l'affectation du domaine public portuaire, enfin, que le projet pris dans sa globalité se bornait à reprendre le projet envisagé en septembre 2014 sans justifier davantage de sa faisabilité et n'était pas de nature à assurer la valorisation du domaine public.

12. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, d'une part, que les deux volets du projet étaient compatibles avec l'affectation de cette dépendance du domaine public portuaire, d'autre part, que le premier volet consacré à la réhabilitation d'une saurisserie avait fait l'objet d'un budget prévisionnel chiffré et d'un descriptif des travaux, même si ces éléments étaient anciens, dont il n'est pas démontré que la société d'exploitation des Ports du Détroit n'aurait pas eu connaissance avant de prendre les décisions attaquées.

13. Toutefois, ce projet ne répondait pas, dans sa globalité, à l'exigence d'une meilleure utilisation possible du domaine public. En effet, d'une part, il n'est pas contesté qu'il ne comprenait aucun chiffrage, budget ou descriptif des travaux envisagés en ce qui concerne son volet bureau et entrepôt. A cet égard, il résulte, en tout état de cause, du point 6 du présent arrêt que les requérantes ne sauraient utilement soutenir que la société d'exploitation des Ports du Détroit aurait dû réclamer ces éléments manquants avant de prendre les décisions attaquées. D'autre part, cette carence ainsi que le caractère inchangé du projet depuis septembre 2014, qui n'est pas davantage contesté, démontrent, comme le retiennent les décisions attaquées, que les requérantes n'ont pas été en mesure, en près de deux ans, de développer la faisabilité de leur projet.

14. Ces éléments d'appréciation suffisaient pour retenir que le projet, dans sa globalité, ne répondait pas à l'exigence de valorisation du domaine public portuaire et il résulte de l'instruction que la société d'exploitation des Ports du Détroit aurait pris les mêmes décisions si elle s'était fondée sur ce seul motif.

15. Il résulte de ce qui précède que ne peut utilement être invoquée la circonstance que le projet concurrent " Crusta'C " ait ou non été d'actualité à la date des décisions attaquées.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Codunion et l'association A Table ! ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2016, confirmée le 30 mai 2016, par laquelle la société d'exploitation des Ports du Détroit a refusé de délivrer à la société Codunion une autorisation d'occupation du domaine public maritime.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société d'exploitation des Ports du Détroit, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes demandées par la société Codunion et par l'association A Table !, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

18. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Codunion et de l'association A Table ! une somme globale de 1 500 euros à verser à la société d'exploitation des Ports du Détroit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Codunion et de l'association A Table ! est rejetée.

Article 2 : La société Codunion et l'association A Table ! verseront à la société d'exploitation des Ports du Détroit une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Codunion, l'association A Table ! et à la société d'exploitation des Ports du Détroit.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 16 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Naïla Boukheloua, première conseillère

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2021.

La rapporteure,

Signé : N. BOUKHELOUA

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine SIRE

N°19DA02742

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02742
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Naila Boukheloua
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET RICHER ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-12-07;19da02742 ?
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