Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes séparées, M. C... D..., M. A... D..., M. B... D..., M. G... L..., Mme I... E..., Mme H... F... et M. K... F... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, la délibération du 25 septembre 2017 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère a décidé l'acquisition d'un bâtiment industriel et du terrain attenant, situés sur la parcelle cadastrée section BI n°110, 5 rue Jean Monnet, zone d'activités de l'Univers à Chauny, appartenant à la société Cicobail, au prix d'un million d'euros, sous réserve de l'acquisition par le vendeur ou toute autre personne substituée à celui-ci d'un bâtiment industriel appartenant à la société pour l'immobilier d'entreprises de l'Aisne (SIMEA), sis zone économique spéciale Evolis à Tergnier, et a autorisé le président de la communauté d'agglomération à signer l'acte d'acquisition, d'autre part, la délibération du 5 février 2018 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère a annulé et remplacé la délibération du 25 septembre 2017.
Par un jugement n° 1703258, 1801020 du 15 novembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la délibération du 25 septembre 2017 et rejeté le surplus des conclusions des demandes de M. C... D... et autres.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020, M. C... D..., M. A... D..., M. B... D..., M. G... L..., Mme I... E..., Mme H... F... et M. K... F..., représentés par la SCP ACG, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande ;
2°) d'annuler la délibération du 5 février 2018 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;
- le décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Manier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère a, par une délibération du 25 septembre 2017, décidé l'acquisition d'un bâtiment industriel et du terrain attenant, situés sur la parcelle cadastrée section BI n°110, 5 rue Jean Monnet, zone d'activités de l'Univers à Chauny, au prix d'un million d'euros, sous réserve de l'acquisition par le vendeur d'un bâtiment à usage industriel appartenant à la société pour l'immobilier d'entreprises de l'Aisne (SIMEA). Cette opération a pour objet de permettre la création d'un hôtel d'entreprises dans une zone d'activités économiques, bien desservie, située au nord de Chauny, où l'offre est faible. Cette délibération a été retirée et remplacée par une délibération du 5 février 2018 ayant le même objet. M. C... D..., maire de la commune de Villequier-Aumont, membre du conseil communautaire et autres relèvent appel du jugement du 15 novembre 2019 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur leurs conclusions dirigées contre la délibération du 25 septembre 2017, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 5 février 2018.
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique : " (...) les personnes titulaires d'un mandat électif local (...) exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts. (...) ". Aux termes du I de l'article 2 de la même loi : " Au sens de la présente loi, constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction. / Lorsqu'ils estiment se trouver dans une telle situation : / (...) / 2° Sous réserve des exceptions prévues au deuxième alinéa de l'article 432-12 du code pénal, les personnes titulaires de fonctions exécutives locales sont suppléées par leur délégataire, auquel elles s'abstiennent d'adresser des instructions ; / (...) ". Les articles 5 et 6 du décret du 31 janvier 2014 portant application de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 précisent les conditions dans lesquelles s'applique cette disposition aux titulaires de fonctions électives locales, selon qu'ils occupent des fonctions exécutives locales ou qu'ils bénéficient d'une délégation de signature du détenteur de telles fonctions.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ".
4. La délibération contestée décide de l'acquisition par la communauté d'agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère d'un bâtiment industriel appartenant à la société Cicobail et conditionne cette transaction à l'acquisition par cette dernière d'un bâtiment industriel appartenant à la société d'économie mixte dénommée "société pour l'immobilier d'entreprises de l'Aisne" (SIMEA).
5. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de la SIMEA, que c'est le président du conseil départemental de l'Aisne qui exerce les fonctions de président-directeur général de cette société et non le président de la communauté d'agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère. En outre, il est constant que la communauté d'agglomération n'est détentrice de plusieurs parts du capital social de cette société qu'à hauteur de 1,8 % et ne saurait ainsi être regardée comme étant l'actionnaire principal de cette société. Compte-tenu de ces éléments, cette situation ne révèle pas une situation de conflit d'intérêts au regard des dispositions citées aux points 2 et 3.
6. Par ailleurs, si les requérants soutiennent que plusieurs membres du conseil communautaire auraient participé au vote de la délibération contestée, il ressort cependant des pièces du dossier que M. K... J... a voté en qualité d'administrateur de la SIMEA et n'a ainsi pas participé au vote de cette délibération en tant que mandataire de la communauté d'agglomération. En outre, il ne détient que 0,0002 % des parts du capital de la société SIMEA, ne perçoit aucun dividende et n'est pas rémunéré pour l'exercice des fonctions d'administrateur. Par suite, il ne peut pas être regardé comme étant intéressé à l'affaire au sens des dispositions précitées de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, applicables aux élus des établissements publics de coopération intercommunale. Par ailleurs, il n'est pas établi que l'intéressé aurait participé aux travaux préparatoires à cette délibération, ni qu'il aurait participé de manière active aux débats, ni que son intérêt serait distinct de la généralité des habitants. Par suite, sa participation n'a pas eu une influence effective sur l'adoption de la délibération contestée et ne révèle ainsi pas une situation de conflit d'intérêts au sens des dispositions citées aux points 2 et 3. En tout état de cause, s'il a participé au vote de la délibération contestée, son vote n'a cependant pas eu une influence effective sur l'adoption de celle-ci dès lors qu'elle a été adoptée à une large majorité, par soixante-cinq voix pour et deux abstentions.
7. En second lieu, les requérants ne contestent pas que l'avis de France Domaine ne lie pas l'organe délibérant quant au prix d'acquisition du bien. Il ressort tout d'abord des pièces du dossier qu'un avis initial de France Domaine, en date du 2 juin 2017, estimait le bien immobilier en cause à 850 000 euros. Toutefois, cet avis a été modifié le 5 février 2018 pour tenir compte des bases actualisées de la surface de plancher et l'estimation de ce bien a été fixée à 925 000 euros avec une marge de négociation de plus ou moins 10 %. Le montant de un million d'euros fixé par la communauté d'agglomération comme prix d'acquisition ne représente ainsi qu'un écart de 7,5 %, soit un écart inférieur à la marge de 10 % prévue par le service des domaines.
8. Les requérants font valoir, par ailleurs, que le coût des travaux évalué de manière prévisionnelle à la somme de 780 000 euros doit être intégré au coût de l'opération d'acquisition, ce qui revient à un prix au m2 de 685 euros pour 2 600 m2 de surface. Toutefois, il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 1311-10 du code général des collectivités territoriales que le coût des travaux nécessaires à l'aménagement du bien acquis réalisés ultérieurement doive être intégré à l'estimation du prix de ce bien. Par suite, la comparaison du prix au m2 avec d'autres biens dont celui situé sur la commune de Charmes, de 615 m2 après intégration du coût des travaux devant être réalisés, ne saurait utilement démontrer une surévaluation du bien, objet de la délibération contestée. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que la délibération du 5 février 2018 est entachée d'une erreur d'appréciation quant à la valeur vénale du bien en cause.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur fin de non-recevoir soulevée par la communauté d'agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère, que M. D... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... et autres le versement d'une somme à la communauté d'agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... D... et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., M. A... D..., M. B... D..., M. G... L..., Mme I... E..., Mme H... F... et M. K... F... et à la communauté d'agglomération Chauny-Tergnier-La Fère.
4
N°20DA00087