Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 par lequel le directeur général des finances publiques l'a radiée des cadres à compter du 13 juin 2019.
Par un jugement n° 1907950 du 14 décembre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 février 2021, Mme A..., représentée par Me Charles-Eric Thoor, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 portant radiation des cadres à compter du 13 juin 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., qui était inspecteur des finances publiques, titularisée le 1er septembre 2011, a été victime de violences conjugales graves le 6 novembre 2015, entraînant son placement en congé de longue maladie du 9 novembre 2015 au 8 octobre 2017, puis jusqu'au 8 juin 2018. A l'issue de ce congé, Mme A... n'a pas justifié de ses absences dans les délais règlementaires, et ce à plusieurs reprises. Le 23 mai 2019, une mise en demeure de reprendre le service sous quarante-huit heures lui a été adressée. Mme A... n'y ayant pas déféré, a, par un arrêté du 11 juillet 2019, été radiée des cadres pour abandon de poste à compter du 13 juin 2019. Mme A... relève appel du jugement du 14 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.
2. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé et l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres, sans procédure disciplinaire préalable.
3. Si en l'absence de dispositions contraires, l'autorité investie du pouvoir de nomination a compétence pour prononcer la radiation des cadres pour abandon de poste, en revanche aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que ce soit cette même autorité qui adresse à l'agent concerné la mise en demeure préalable de rejoindre son poste. Cette mise en demeure, qui n'a pas le caractère d'une décision mais seulement d'un acte de procédure et qui, par elle-même, ne fait pas grief au fonctionnaire, pouvait, en tout état de cause, être établie par l'autorité disposant du pouvoir hiérarchique. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la mise en demeure au motif qu'elle n'était pas signée par l'autorité ayant le pouvoir de nomination, à savoir le directeur général des finances publiques, mais par délégation du directeur régional des finances publiques, dont il n'est pas contesté que c'est l'autorité de gestion de l'intéressée, ne peut qu'être écarté.
4. Aux termes de l'article 69 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat: " Hormis le cas d'abandon de poste, ou les cas prévus aux articles 51 ci-dessus et 70 ci-dessous, les fonctionnaires ne peuvent être licenciés qu'en vertu de dispositions législatives de dégagement des cadres prévoyant soit le reclassement des intéressés, soit leur indemnisation. ". En vertu de ces dispositions, l'abandon de poste constitue l'un des motifs de licenciement d'un fonctionnaire de l'Etat, même si l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne mentionne pas cette procédure parmi les cas de cessation de fonctions entraînant radiation des cadres. Par ailleurs, la décision contestée vise la loi du 11 janvier 1984 et non, comme le soutient Mme A..., la circulaire du Premier ministre du 11 février 1960 relative à l'abandon de poste. Par suite, les moyens tirés du défaut de base légale et de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 ne peuvent qu'être écartés.
5. Mme A... soutient que le délai de quarante-huit heures qui lui a été donné par la mise en demeure du 23 mai 2019 pour rejoindre son poste, à compter de la réception de ce courrier, était insuffisant. Le courrier de mise en demeure a été présenté le 25 mai 2019 au domicile de l'intéressée, seule adresse communiquée à l'administration. Au surplus, cette même adresse figure dans l'arrêt de travail du 12 mars 2019 au 31 août 2019 dont se prévaut l'appelante. La décision de radiation des cadres du 11 juillet 2019 est à effet du 13 juin 2019, soit après l'expiration du délai de garde par les services postaux de la mise en demeure vainement présentée au domicile de Mme A.... Au surplus, cette dernière ne démontre pas qu'elle ait pris contact avec son administration, ni avant sa date de radiation, ni même avant la date de la décision contestée. Elle ne peut donc utilement faire valoir qu'elle était absente de son domicile à la date de notification de cette mise en demeure. Par suite, le moyen tiré de ce que le délai fixé par la mise en demeure serait insuffisant doit être écarté.
6. Si Mme A... soutient qu'elle était en congé de maladie et ne pouvait donc être radiée des cadres, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir que l'arrêt de travail daté du 12 mars 2019 et valable jusqu'au 31 août 2019, ait été communiqué à son administration, dans les quarante-huit heures de son édiction comme le prévoient les dispositions règlementaires en la matière. Elle n'établit pas non plus que cet arrêt de travail ait été adressé à son administration avant la date d'effet de la radiation, ni même avant la date de la décision contestée et ne fait état d'aucune circonstance ayant fait obstacle à la communication, dans le délai fixé, de ce certificat médical. Par suite, le directeur général des finances publiques était fondé à considérer que Mme A... avait abandonné son poste.
7. Mme A... soutient qu'en raison de son état de santé, elle n'était pas en mesure d'apprécier la portée de la mise en demeure qui lui a été adressée. Mais d'une part, il ressort des pièces du dossier qu'elle a été mise en demeure à de multiples reprises de reprendre ses fonctions ou de régulariser sa situation. Ainsi, elle a été invitée à reprendre son service sous deux jours par courrier du 29 juin 2018, faute de s'être présentée le 11 juin 2018 pour reprendre ses fonctions en mi-temps thérapeutique. Le 10 septembre 2018, elle ne s'est pas présentée à un rendez-vous fixé en accord avec elle pour faire le point sur sa situation. Le 5 octobre 2018, un nouveau courrier lui a été adressé pour constater l'envoi tardif de ses arrêts maladie et son absence de justification d'absence depuis le 29 septembre 2018. Par courrier du 24 octobre 2018, à la suite de son absence à un rendez-vous préalable à sa reprise de fonctions envisagée le 12 octobre 2018, elle a été, à nouveau, mise en demeure de reprendre ses fonctions sous deux jours, faute de quoi une procédure d'abandon de poste serait mise en œuvre. Son absence irrégulière est à nouveau constatée pour la période du 26 octobre 2018 au 13 novembre 2018. Une nouvelle mise en demeure de reprendre ses fonctions sous deux jours lui a été adressée le 7 janvier 2019, à la suite d'une nouvelle absence à un rendez-vous pour faire le point sur sa situation. Le 15 février 2019, l'envoi tardif de son arrêt maladie a encore été constaté. Le 11 mai 2019, alors qu'elle ne s'était pas présentée à un rendez-vous médical, suite à la saisine du comité médical, elle a été mise en demeure de déférer à une convocation pour un nouvel examen médical. Le 20 mai 2019, a été à nouveau constatée son absence de justification pour son absence depuis le 12 février 2019. D'autre part, l'arrêt de travail du 12 mars 2019 dont elle se prévaut se borne à mentionner comme motif " dépression post-traumatique ". Si elle produit d'autres pièces qui démontrent sa très grande précarité sociale ayant entraîné son hospitalisation le 6 novembre 2015, ces pièces concernent soit des périodes antérieures de plus de six mois à la mise en demeure du 23 mai 2019, soit des périodes postérieures à la date de la décision contestée. Ces éléments ne suffisent pas à démontrer que l'intéressée n'était pas en état d'apprécier la portée de cette mise en demeure qui faisait suite à de multiples relances pour de précédentes absences.
8. Mme A... soutient également qu'elle n'avait pas rompu tout lien avec le service mais il résulte des faits décrits au point 7 que l'intéressée a été prévenue, bien avant la mise en demeure du 23 mai 2019, de ses obligations et des risques qu'elle prenait à ne pas les respecter. Si, au cours de cette période, elle a contacté la direction régionale des finances publiques pour manifester sa volonté de ne pas rompre le lien avec le service, elle ne démontre pas avoir justifié de l'ensemble de ses absences ni respecté les délais qui lui étaient impartis ou les rendez-vous qui lui étaient fixés. Par ailleurs, à la suite de la mise en demeure du 23 mai 2019, contrairement aux précédents avertissements qui lui ont été adressés, elle ne produit, ainsi qu'il a été dit au point 5, aucun élément démontrant qu'elle ait manifesté son intention de renouer son lien avec le service, ni avant la date d'effet de sa radiation, ni avant la date de la décision, ni même au surplus, postérieurement à celle-ci. Si Mme A... soutient que ses difficultés expliquent son absence de réaction, elle ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit au point 7, de son impossibilité de contacter son service. Le directeur général des finances publiques n'a donc pas fait une inexacte application des faits de l'espèce en considérant que Mme A... avait rompu tout lien avec le service.
9. Il résulte de tout ce qui a été dit précédemment que l'abandon de poste était caractérisé à la date de fin d'effet de la mise en demeure. Par suite, le directeur général des finances publiques n'a pas entaché sa décision de rétroactivité illégale en constatant qu'à la date du 13 juin 2019, date d'expiration du délai de garde par les services postaux de la mise en demeure vainement présentée au domicile de Mme A..., que celle-ci n'avait pas repris son service, ni manifesté sa volonté de maintenir un lien avec le service, et était donc en situation d'être radiée des cadres.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille, par le jugement du 14 décembre 2020, a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 11 juillet 2019 la radiant des cadres pour abandon de poste. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'intéressée n'ayant pas au demeurant demandé l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N°21DA00348
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