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10/11/2021 | FRANCE | N°20DA01994

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 10 novembre 2021, 20DA01994


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision par laquelle le centre national de la recherche scientifique a implicitement refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle présentée le 3 janvier 2019, d'enjoindre au centre national de la recherche scientifique de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en prenant en charge ses frais d'avocats, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jo

ur de retard, et de mettre à la charge du centre national de la recherch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision par laquelle le centre national de la recherche scientifique a implicitement refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle présentée le 3 janvier 2019, d'enjoindre au centre national de la recherche scientifique de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en prenant en charge ses frais d'avocats, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge du centre national de la recherche scientifique la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1903644 du 28 octobre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 décembre 2020 et 2 avril 2021, M. B..., représenté par Me Robilliart, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le centre national de la recherche scientifique a implicitement refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle présentée le 3 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre au centre national de la recherche scientifique de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en prenant en charge ses frais d'avocats, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du centre national de la recherche scientifique la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Robilliart pour M. B... et de Me Meier Bourdeau pour le centre national de la recherche scientifique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., chargé de recherche au sein de la délégation des Hauts-de-France du centre national de la recherche scientifique, a fait l'objet, le 27 novembre 2015, d'un blâme au motif qu'il a adopté un comportement inapproprié concernant deux collègues en 2010 et en 2014. Par un courrier du 3 janvier 2019, M. B... a sollicité auprès de son employeur le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires en vue de déposer une plainte avec constitution de partie civile pour dénonciation calomnieuse à l'encontre de l'une de ses collègues. Il relève appel du jugement du 28 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le centre national de la recherche scientifique a implicitement refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du point 5 du jugement attaqué que, pour estimer que le refus d'accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à M. B... n'était pas entaché d'erreur d'appréciation, le tribunal administratif de Lille a retenu notamment qu'une enquête interne avait été diligentée par le centre national de la recherche scientifique à la suite de faits dénoncés par une de ses collègues concernant le comportement inapproprié de l'intéressé à son égard, que les attestations produites par M. B... étaient insuffisantes pour estimer que les faits qui lui étaient reprochés constituaient une dénonciation calomnieuse et que ses plaintes déposées auprès du tribunal de grande instance de Lille avaient été classées sans suite. Par suite et alors que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés dans la demande, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration mentionnées au point précédent qu'une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Par ailleurs, M. B... n'établit ni même n'allègue avoir formulé, dans les conditions prévues par les dispositions précitées, une demande de communication des motifs de la décision implicite qu'il conteste. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée est inopérant et doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. [...] IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. ".

6. Lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu de l'entretien qui s'est déroulé le 24 octobre 2014 entre M. B... et sa hiérarchie ainsi que des auditions conduites par les services de police, qu'une collègue de l'appelant s'est plainte d'un comportement inapproprié de celui-ci consistant notamment, à plusieurs reprises, à lui proposer des rendez-vous, à la complimenter sur son physique, à venir dans les locaux où elle travaillait, à lui faire des remarques à caractère sexuel, à la bloquer contre un mur et à lui toucher le cou. Si M. B... a porté plainte pour dénonciation calomnieuse contre cette collègue, il ressort des pièces du dossier que cette plainte a été classée sans suite par le procureur de la République de Lille par un courrier du 20 avril 2016, cette décision ayant été confirmée par le parquet de la cour d'appel de Douai. Par ailleurs, si l'appelant se prévaut de trois attestations en sa faveur, il ressort des pièces du dossier que celles-ci sont peu circonstanciées et que l'un de ses auteurs a indiqué l'avoir rédigée sur l'insistance de M. B.... En outre, la circonstance qu'il a, le 2 octobre 2019, déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du tribunal judiciaire de Lille pour des faits de dénonciation calomnieuse à l'encontre de cette collègue ne permet pas d'estimer que les faits précis, circonstanciés et réitérés qu'elle a dénoncés ne seraient pas établis. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'une ancienne collègue de M. B... a rédigé un courriel circonstancié indiquant notamment que, le 16 avril 2010, celui-ci l'avait prise fermement dans ses bras et l'avait embrassée. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits de dénonciation calomnieuse seraient établis alors, au contraire, qu'une faute personnelle détachable du service peut lui être imputée au regard du comportement inapproprié qu'il a eu sur son lieu de travail.

8. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commis le centre national de la recherche scientifique en estimant que les faits de dénonciation calomnieuse étaient matériellement inexacts alors, en tout état de cause, qu'une faute personnelle pouvait lui être imputée et en refusant, par voie de conséquence, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le centre national de la recherche scientifique a implicitement refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par M. B... à fin d'injonction, sous astreinte, doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre national de la recherche scientifique qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros à verser au centre national de la recherche scientifique au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera la somme de 1 500 euros au centre national de la recherche scientifique au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre national de la recherche scientifique.

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N°20DA01994

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01994
Date de la décision : 10/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP MEIER-BOURDEAU LÉCUYER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-10;20da01994 ?
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